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Intervention de éric Woerth ministre du budget

Réunion du 9 avril 2008 à 21h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

éric Woerth ministre du budget :

a ajouté qu'elle répondra aux questions que lui pose le Président Didier Migaud dans le courrier qu'elle a reçu ce matin. C'est l'honneur de la démocratie que d'échanger des analyses sur la base de faits vérifiés, traduisant ce qui se passe véritablement dans les entreprises. Il appartient au ministère de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi de s'assurer que les mesures prises et les deniers publics engagés servent à quelque chose : c'est pourquoi les chiffres de la DARES et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS –, ventilés par catégories d'entreprises, seront désormais communiqués chaque mois à la ministre, qui sera heureuse de les partager et de les analyser avec la commission des Finances.

Pour en venir à l'objet de cette audition, il faut d'abord souligner que l'environnement international est beaucoup plus incertain depuis l'été 2007 du fait d'une crise financière particulièrement sérieuse aux États-Unis – à tel point que l'OCDE prévoit pour ce pays une croissance de 0,1 % au premier trimestre 2008 et de 0 % au deuxième trimestre. L'envolée du prix du pétrole constitue un facteur aggravant : le cours du baril est passé de 73,80 dollars le 3 septembre 2007 à 109 dollars aujourd'hui, soit une augmentation de 43 % en sept mois. Enfin, si la parité actuelle de l'euro permet de réduire de 50 % le prix du pétrole exprimé dans notre monnaie, l'envolée de la monnaie européenne de 15 % par rapport au dollar et de 6,5 % par rapport à l'ensemble des monnaies depuis septembre 2007 représente un désavantage compétitif pour les entreprises qui doivent affronter la concurrence internationale, en particulier celles qui produisent en dollars ou en équivalents-dollars.

En résumé, les trois grandes menaces pour notre économie sont le ralentissement économique des États-Unis, qui entrent dans une situation de quasi-récession, l'envolée des cours des matières premières – non seulement le pétrole, mais aussi les denrées alimentaires, ce qui aura des conséquences dramatiques dans les pays émergents – et la surévaluation de l'euro par rapport aux fondamentaux de l'économie européenne, reconnue par le commissaire Almunia lui-même.

Compte tenu de ces facteurs, le Gouvernement a été amené à réviser la prévision de croissance pour 2008, qui est maintenant comprise dans une fourchette de 1,7 à 2 %. Cette prévision est équilibrée et cohérente avec les estimations d'un certain nombre d'analystes. Elle tient également compte des bons résultats obtenus en début d'année. À cet égard, la lecture des analyses laisse apparaître une certaine schizophrénie : d'un côté, les prévisions sont particulièrement alarmantes sur le plan financier et en ce qui concerne l'inflation ; de l'autre, les données fondamentales de la zone euro, notamment de la France sont encourageantes. Ainsi, alors que la prévision d'inflation retenue est de 2,2 % pour l'année 2008, la production industrielle française a progressé de 1,2 % en janvier, les exportations ont augmenté de 6,9 % dans la même période – ce qui ne s'était pas vu depuis 2005 – et l'emploi dans l'intérim, qui est souvent un bon indicateur du mouvement de l'économie, a connu une hausse de 4,6 %. En février, l'augmentation de la consommation des ménages a été de 1,2 %, 29 000 entreprises ont été créées et le nombre de demandeurs d'emploi a baissé de 13 700. L'indicateur du climat des affaires, qui est passé à 109 au mois de mars, est lui aussi en redressement significatif. Tous ces clignotants sont donc au vert.

Sur les marchés financiers, les facteurs d'inquiétude tiennent en particulier au manque de confiance des opérateurs dans les opérations interbancaires et aux nécessaires réajustements dans les bilans des sociétés du fait de la difficulté d'appliquer aujourd'hui la fair value et le mark to market. On ne sait donc pas très bien si l'on a atteint un point bas, si l'on s'en approche ou si l'on en est encore loin. Certains analystes considèrent que l'intervention de la Réserve fédérale américaine pour le sauvetage de Bear Stearns constitue un tournant et démontre que, dès lors que l'on descend en dessous d'un certain seuil, la Banque fédérale ou toute autre banque centrale intervient pour sauver les établissements en grande difficulté.

S'agissant maintenant de l'année 2009, le Gouvernement table sur une croissance comprise entre 1,75 et 2,25 % du PIB, avec un point médian à 2 %. Il s'agit d'une prévision un peu volontariste par rapport au consensus de place, qui est actuellement à 1,8 %, et délibérément optimiste par rapport aux prévisions qui seront commentées par le directeur général du FMI. Celui-ci considère que, en dépit du plan de 165 milliards de dollars lancé aux États-Unis, l'économie ne repartira pas avant la fin de 2009, ce qui semble extrêmement pessimiste.

Les prévisions macroéconomiques du ministère de l'Économie ne seront rendues publiques que le 15 avril, mais il faut d'ores et déjà souligner que les réformes engagées et celles qui sont envisagées sont de nature à justifier une prévision plutôt optimiste pour 2009 et devraient permettre à la France de mieux résister en 2008 par rapport à des pays comme l'Espagne, l'Irlande, l'Italie ou même l'Allemagne.

La loi TEPA a été critiquée et le sera encore. L'important est que ses effets sur l'économie et sur l'emploi soient positifs. De nombreux économistes, y compris certains de ceux qui l'avaient critiquée en son temps, conviennent qu'elle arrive au bon moment. Alors que le plan de relance américain ne commencera à produire ses effets qu'au mois de juin 2008, la réforme adoptée en France en juillet 2007 produit déjà les siens et nous sert, d'une certaine manière, de bouclier au début de l'année 2008.

La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, lancée au début de cette année, devrait permettre au marché de l'emploi, qui se porte bien, de se porter mieux encore. La plateforme unique offrira une gamme complète de services, de l'accueil du demandeur d'emploi jusqu'à sa prise en charge en passant par son indemnisation. Il faut espérer que le processus qui est en train de s'engager permettra de résorber les 500 000 offres d'emploi non pourvues sur le marché du travail français.

La transposition dans la loi de l'accord signé le 11 janvier 2008 par les partenaires sociaux pour créer un mode de rupture moins conflictuel entre employeurs et salariés et mettre en oeuvre le principe de flexi-sécurité permettra également d'améliorer le marché du travail. La renégociation de la convention d'assurance chômage définira l'« offre valable d'emploi » et les conditions dans lesquelles un double refus exposera le demandeur à une diminution de son indemnisation. Il faut ajouter à cet ensemble la réforme, d'ici à la fin de 2008, du système de formation professionnelle, sur laquelle le Conseil d'orientation de l'emploi a déjà fait certaines propositions de bon augure, et enfin un soutien à l'emploi des seniors. Sur ce quatrième point, le ministère a déjà demandé à l'ANPE de mettre en place un régime spécifique d'accueil. Il faudra certainement remettre en cause la dispense de recherche d'emploi et instaurer des dispositifs associant formation, soutien et accompagnement pour ramener les seniors vers le marché du travail.

La deuxième grande réforme portera sur le marché des biens et services, dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie. Ce texte, actuellement en examen au Conseil d'État, ne sera pas une loi fiscale puisque les dispositifs d'exonération n'excéderont pas 300 millions d'euros : il est en effet possible d'utiliser d'autres mesures que la simple dépense pour relancer la croissance. Le projet prévoit des mesures destinées aux entrepreneurs, notamment individuels, pour accompagner les 321 000 entrepreneurs de 2007 dans le développement de leur activité grâce à un régime fiscal et social simplifié. Il comporte également un chapitre important sur la concurrence au service du consommateur dans le secteur de la distribution. Un retour des marges commerciales à leur niveau antérieur au vote de la loi Galland a été évalué par le ministère : il permettrait de créer plus de 80 000 emplois. Le dispositif repose sur un triptyque : permettre la négociabilité des conditions générales de ventes, réglementer différemment l'urbanisme commercial – ce qui ne sera pas facile –, renforcer les pouvoirs de l'autorité de la concurrence pour lutter contre les abus, les ententes et les rentes.

Au total, les dispositions de ce projet devraient soutenir la croissance pour environ 0,3 % du PIB au cours des prochaines années. À cet effet favorable s'ajoute celui des mesures pour le pouvoir d'achat votées au début de 2008.

Enfin, le ministère travaille à la revue générale des prélèvements obligatoires, qui a donné lieu à de nombreux travaux de réflexion au sein des administrations. Cette réforme n'a pas pour but de modifier les taux des prélèvements obligatoires – on ne peut se le permettre – mais de rendre la structure de ces prélèvements plus favorable à la compétitivité des entreprises et moins défavorable aux revenus du travail. Elle portera sur l'impôt sur les sociétés, sur la taxe professionnelle, sur les valeurs locatives et sur la suppression de l'impôt forfaitaire annuel a minima.

En 2007, l'objectif du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires – 44 % du PIB – a été atteint et même dépassé, puisque le taux s'est établi à 43,5 %. De même, l'objectif de dette publique, fixé à 64,2 % du PIB, a été exactement respecté en 2007.

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