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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 15 juillet 2009 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Au nom de Frédéric Mitterrand et en mon nom, je félicite Mme Michèle Tabarot pour son élection à la présidence de la Commission.

La loi dite « HADOPI 1 » a été adoptée par votre assemblée et ses mesures de fond, tendant à la protection de la création artistique, ont été validées par le Conseil constitutionnel. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est que le Conseil constitutionnel a invalidé certaines modalités d'application.

Il ne s'agit donc pas de revenir sur les dispositions de fond. Mais une loi dépourvue de mesures d'application perd son autorité. Or nous sommes tous attachés à ce que les lois adoptées soient appliquées.

Le projet de loi dit « HADOPI 2 » vous est présenté dans la rédaction adoptée la semaine dernière par le Sénat. Je remercie la présidente et le rapporteur pour le travail qu'ils ont accompli à partir de ce texte sénatorial. Je souhaite que nous puissions débattre dans le même esprit qu'au Sénat, où les échanges ont été extrêmement intéressants. Il est tout à fait normal que le travail parlementaire vienne améliorer un texte ; je suis donc ouverte à des amendements, l'important étant de trouver les meilleurs moyens pour appliquer les dispositions de fond adoptées.

Ce texte prévoit des sanctions et des procédures pour les appliquer. Comme la loi « HADOPI 1 », il a surtout un rôle pédagogique et dissuasif, donc préventif, vis-à-vis de deux comportements.

D'abord, nous visons le téléchargement illégal sur internet en l'assimilant au délit de contrefaçon, puni de sanctions extrêmement lourdes mais modulées par le juge en fonction de l'appréciation de la responsabilité de l'auteur. Une peine de suspension d'abonnement à internet a été prévue.

Ensuite, nous visons les personnes qui ne commettent pas elles-mêmes une contrefaçon mais qui laissent délibérément un tiers utiliser leur ligne à cet effet, avec une gradation de la mise en garde.

Une fois la constatation effectuée, l'abonné sera averti à deux reprises, par courriel puis par lettre recommandée avec accusé de réception. S'il ne prend aucune disposition pour empêcher l'usage de sa ligne pour des téléchargements illégaux, une sanction interviendra. Je suis convaincue que la mise en garde suffira le plus souvent, ce qui évitera de recourir à la sanction prévue pour défaut de surveillance. Cette sanction est une contravention de cinquième classe, passible d'une amende de 3 750 euros et d'une suspension d'un mois de l'abonnement à internet.

Puisque le Conseil constitutionnel en avait fait grief au premier texte, je souligne que cette procédure ne se fonde pas sur une présomption de culpabilité et qu'elle ne porte aucunement atteinte à la présomption d'innocence. Le juge devra s'assurer que tout a été fait pour informer la personne ; le seul fait que des téléchargements aient été commis à partir de la ligne d'un abonné ne suffit pas à engager la responsabilité de ce dernier.

Le nouveau dispositif est mieux proportionné. Le Conseil constitutionnel ayant considéré que la suspension de l'abonnement peut être considérée comme portant atteinte à la liberté de communication, la responsabilité de la suspension incombera au juge et non à une simple autorité administrative. Mais le juge doit pouvoir décider rapidement et en s'appuyant sur une certitude.

Trois objectifs sont visés pour garantir l'efficacité du dispositif.

Premièrement, le travail d'investigation préalable sera amélioré. Les agents assermentés de la HADOPI dresseront des procès-verbaux constatant la contrefaçon ou la négligence caractérisée ; ils pourront recevoir les déclarations de l'internaute, mais ils ne détiendront qu'un pouvoir de constatation, sous le contrôle complet de l'autorité judiciaire. Ce sera au parquet d'apprécier les éléments apportés pour poursuivre ou pour approfondir l'enquête. Là encore, nous répondons à une préoccupation du Conseil constitutionnel.

Deuxièmement, compte tenu du nombre d'affaires, le traitement judiciaire de la procédure sera simplifié. La procédure judiciaire retenue est celle de l'ordonnance pénale, qui n'est ni exceptionnelle en droit français, ni arbitraire. Elle est employée assez fréquemment et respecte les droits de la défense, notamment le principe du contradictoire. En outre, chacune des deux parties peut la juger insuffisante et demander le recours à la procédure classique, c'est-à-dire le jugement en audience publique. Enfin cette procédure concerne les seuls délits de contrefaçon sur internet.

La sanction sera effective, car la personne sanctionnée ne pourra plus se réabonner.

S'il ne faut pas surestimer l'importance de ce texte pragmatique, destiné à assurer l'effectivité de la loi précédemment votée – par là même équilibré, respectueux des décisions du Conseil constitutionnel et cohérent – il n'en faut pas moins rappeler qu'il contribue ainsi à la protection de la création mais aussi, grâce à la réintroduction du juge, des libertés.

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