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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 4 mars 2009 à 12h00
Commission des affaires européennes

Bruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Pas du tout, du moins si l'on adopte les bonnes décisions. Pour le moment, l'innovation n'est qu'un simple indicateur : la stratégie de Lisbonne présente de nombreux aspects positifs, mais elle demeure purement déclaratoire. A titre personnel, je propose que le ratio des dépenses publiques consacrées à l'innovation – aujourd'hui fixé à 3 % du PIB – devienne un objectif obligatoire, et non plus un simple indicateur. Au même titre que les critères de déficit public et de dette, cette obligation devrait être assortie d'un mécanisme de surveillance et d'alerte. Les niveaux de développement économique n'étant pas identiques partout dans l'Union, il serait également souhaitable d'instaurer des critères différenciés.

S'agissant de l'Irlande, tout indique qu'un référendum serait aujourd'hui couronné de succès. Cela étant, chacun sait que ce type de consultations est un exercice politique compliqué. Alors qu'il y a eu un débat sur la date du référendum, il semble que l'on s'en tienne à l'échéance initialement prévue, à savoir l'automne prochain. Nous devrons naturellement tout faire pour que l'Irlande vote en faveur du traité de Lisbonne, qui est une pièce essentielle du puzzle actuel : sans des institutions européennes fortes, la sortie de la crise ne sera en effet que plus difficile.

J'en viens aux questions posées par Mme Guigou. Nous ne consoliderons l'euro qu'en permettant à un nombre plus important d'États-membres d'y adhérer dans de bonnes conditions, c'est-à-dire sur la base de critères stricts, mais adaptés aux réalités économiques actuelles.

Vous comprendrez que je ne me prononce pas publiquement sur la situation de l'Autriche, mais je reconnais qu'il y a effectivement une difficulté. Le Président de la République a d'ailleurs rencontré hier le chancelier fédéral, et je vais me rendre prochainement en Autriche. Des choix hasardeux ont certes été faits en matière bancaire, mais j'ai tout à fait confiance dans la capacité de ce pays à se sortir de la situation actuelle.

En ce qui concerne la coordination économique, je rappelle qu'un remarquable rapport a été réalisé au Sénat sur les défauts du système actuel et sur le coût très lourd qui en résulte. Si l'Allemagne a tant gagné en compétitivité, ce qui lui permet de dégager des excédents commerciaux gigantesques, alors que nous sommes en grand déficit commercial, c'est notamment faute de coordination des politiques économiques. Or, il n'est dans l'intérêt de personne de continuer dans cette voie, pas même dans celui de l'Allemagne : sur les 200 milliards d'euros d'excédents commerciaux engrangés par ce pays, 150 sont réalisés au sein de la zone euro. L'Allemagne doit donc préserver ses capacités d'exportation dans le marché intérieur. La richesse des États-membres résultant en très grande partie du commerce réalisé dans le cadre de l'Union, le dumping fiscal et la compression des salaires, qui nuisent aux pays voisins, ne sont dans l'intérêt d'aucun pays européen. Un minimum de coordination permettrait d'augmenter la richesse de tous les États, ainsi que le pouvoir d'achat de tous les citoyens européens.

Pour y parvenir, le seul point de départ que je croie envisageable réside dans un accord entre les deux principaux partenaires commerciaux de l'Union, à savoir la France et l'Allemagne. J'ajoute que je ne crois pas aux stratégies de contournement : avec nos amis allemands, il faut poser les problèmes sur la table de façon technique et rigoureuse, en veillant à dépassionner les débats. Au lieu de créer des problèmes politiques là où il n'y en a pas, il vaut mieux considérer nos intérêts respectifs. J'ai bon espoir que le conseil des ministres franco-allemand du 12 mars prochain permette de donner un signal politique fort en faveur de la coordination des politiques économiques.

En réponse à M. Yung, il faut reconnaître que la situation britannique est délicate : c'est probablement le grand pays européen qui a subi le choc le plus brutal en matière d'emploi, de déficit public, de dette et de croissance. Là aussi, la solidarité européenne doit jouer. Elle repose sur l'extension de la coordination des politiques économiques aux grands pays industriels de l'Union, comme l'Italie et le Royaume-Uni. Je rappelle que la part de l'industrie dans la valeur ajoutée française est passée de 20 à 12 % en 10 ans, alors qu'elle reste de 22 % en Allemagne et de 15 % au Royaume-Uni. La question est donc simple : voulons-nous qu'il existe encore une industrie européenne à la fin de cette crise ? Si la réponse est « oui », il faudra remplir trois conditions : coordonner nos politiques économiques, car la concurrence ne fera qu'affaiblir les positions de chacun ; renforcer notre compétitivité ; et donc établir des obligations claires en matière d'innovation et de recherche.

Pour ce qui est du sommet social du 7 mai, nous avons fait un certain nombre de propositions, notamment en ce qui concerne l'organisation de rencontres entre les États-membres, la Commission européenne et les responsables syndicaux. Je pense que nous avons d'ailleurs réussi à convaincre la présidence tchèque que ces derniers ont un rôle tout à fait important à jouer dans la préparation de ce sommet. Et je me rendrai prochainement en Suède, pays qui travaille beaucoup sur cette question. Nous commencerons ensuite un travail approfondi une fois que le Conseil européen du 19 mars sera derrière nous.

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