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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 4 mars 2009 à 12h00
Commission des affaires européennes

Bruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

J'observe qu'il n'existe pas aujourd'hui de question plus importante que l'Europe. Je ne le dis pas en raison du poste que j'occupe, mais parce qu'il n'y aura pas d'autres réponses à la crise qu'européenne. Tous ceux qui croient en l'existence de solutions nationales non concertées sont dans l'erreur. Rien ne me semble donc plus utile que de débattre ensemble des différents sujets qui viennent d'être abordés.

Un nouvel élan est possible en Europe. Pour cela, nous avons besoin d'une impulsion provenant de l'ensemble des institutions européennes. Ceux qui aujourd'hui donnent le plus cet élan, ce sont les États-membres, notamment la France, qui a joué un rôle majeur sous la conduite de Nicolas Sarkozy pendant notre présidence de l'Union, et qui continue aujourd'hui sur la même voie, mais aussi l'Allemagne, la présidence tchèque, qui essaie d'avancer sur un certain nombre de sujets, l'Italie ou encore le Royaume-Uni, avec lesquels nous travaillons de façon étroite. La Commission européenne a également montré qu'elle était capable de faire preuve de compréhension, notamment en ce qui concerne le soutien à l'industrie automobile. A cela s'ajoute le Parlement européen, qui a acquis un rôle essentiel, notamment sous l'impulsion de son président, et fait la preuve de sa capacité de décision, d'initiative et de débat. Une fois les élections passées, cette institution devrait occuper une place centrale dans l'élaboration du dispositif de sortie de crise.

Le premier sujet sur lequel il faudra retrouver un élan européen, c'est naturellement la régulation financière à l'échelle mondiale. Nous devrons en effet apporter un plan « clefs en mains » lors du prochain sommet du G20 à Londres : si nous arrivons divisés, cette réunion ne débouchera sur aucun résultat. Je rappelle qu'on ne connaît même pas la position américaine, celle-ci étant toujours en cours d'élaboration. C'est une raison de plus pour que nous soyons unis et forts.

Un premier axe d'action doit concerner le contrôle des hedge funds, qui devront être soumis à des ratios de solvabilité et de fonds propres : il est suicidaire qu'une institution financière ait des engagements dix fois supérieurs à ses fonds propres, comme c'est aujourd'hui possible. Il ne faut pas se cacher qu'un accord sera sans doute difficile sur ce sujet, mais nous devrons y travailler.

En second lieu, nous devrons veiller à éradiquer les paradis fiscaux, sans quoi la régulation des hedge funds resterait sans effet : certains opérateurs pourraient en effet continuer à fonctionner sans contrôle.

Il faudra enfin instaurer une supervision bancaire transnationale. Le maintien d'instances de supervision nationale est certes tout à fait envisageable, mais nous avons besoin d'instaurer des liens entre les différentes autorités de contrôle, notamment au plan européen. Si les ratios de solvabilité des hedge funds ne sont pas du tout contrôlés, ou bien s'ils ne le sont qu'au niveau national, nos efforts ne seront en effet qu'une goutte dans l'océan.

J'ajoute que nous devrons également tendre à définir une politique économique et industrielle au plan européen. Mais j'y reviendrai.

S'agissant de la zone euro, il est exact que la monnaie unique a été notre première protection contre la crise économique et financière. Sans elle, tous les pays européens se trouveraient dans une situation désastreuse. Il faut être conscient que si nous ne subissons pas une crise identique à celle des années 1930, c'est grâce à l'euro.

D'autre part, je rappelle que l'adhésion à l'euro n'est pas une faculté ouverte aux États-membres, mais une obligation résultant des traités communautaires. Seuls font exception à cette règle les pays bénéficiant d'une clause d'opt out, comme le Royaume-Uni. La participation à la zone euro n'a donc rien d'une prébende, ni d'un geste généreux consenti à l'égard de certains pays.

Si les critères d'adhésion définis en 1991 étaient sans doute satisfaisants à l'époque, on peut se demander s'ils ne méritent pas aujourd'hui d'être réévalués. Malgré leur rigueur, l'Autriche, par exemple, traverse aujourd'hui de graves difficultés. Faut-il conserver les critères actuels, ou bien faut-il les faire évoluer ? C'est un débat qui mérite d'être ouvert, mais il est en tout cas certain que nous aurons besoin de critères stricts : si une accélération de l'adhésion à l'euro était envisagée, elle devrait menée de façon rigoureuse, afin d'éviter toute importation d'instabilité dans la zone euro.

La question de l'harmonisation fiscale se pose également, mais il faut être lucide : nous aurons sans doute beaucoup de difficulté à avancer sur ce sujet, sur lequel s'applique aujourd'hui la règle de l'unanimité. Cela étant, une vraie réflexion est aujourd'hui nécessaire.

Dès que nous serons sortis de la crise, nous devrons aussitôt nous attaquer à trois questions auxquelles il faut réfléchir dès maintenant. La première est celle de la dette : en conséquence des réponses qu'appelait l'urgence de la crise, l'endettement public sera bien supérieur à tout ce qu'on avait connu depuis la création de l'Union européenne. Comment faire pour revenir à une situation des finances publiques plus saine et plus soutenable ?

La deuxième question est celle de l'innovation, qui est aussi l'une des clefs du problème : elle seule permettra des taux de croissance suffisants pour absorber une part de la dette – faute de quoi celle-ci devra être absorbée soit par le biais de l'inflation, soit par une hausse de la fiscalité, deux options qui ne sont guère souhaitables. Le développement de l'innovation est la seule voie permettant à l'Union européenne de reprendre pied dans l'économie mondiale, tout en gagnant en compétitivité et en croissance, cela afin d'assainir les finances publiques dans de bonnes conditions et de relever le défi – qui est la troisième question majeure – de réduire la pauvreté et les inégalités au sein de l'Union européenne.

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