Je voudrais vous remercier d'avoir réuni ensemble les deux Commissions chargées des Affaires européennes. Cela me semble très utile non seulement pour l'organisation de nos travaux, mais aussi pour la qualité de nos échanges.
La réunion du Conseil européen, qui s'est tenue dimanche dernier dans un cadre informel, avait pour objet de faire le point sur la réponse de l'Europe à la crise économique et financière sans précédent que nous traversons. Cette réunion avait été convoquée sur la proposition du président Nicolas Sarkozy et de la chancelière Angela Merkel, qui en avaient fait la demande dans une lettre conjointement adressée à M. Mirek Topolánek, dont le pays exerce la présidence de l'Union, et qui a repris cette idée. J'y vois la preuve qu'un nouvel élan franco-allemand est le seul moyen de redonner un élan à l'ensemble de l'Europe.
La crise mérite que l'on bouscule l'agenda européen, car elle nécessite une réponse forte et coordonnée. A cet égard, l'Union européenne ne s'est peut-être pas encore montrée tout à fait à la hauteur, mais les échéances qui nous attendent dans les semaines à venir devraient nous permettre de réaliser de nouvelles avancées.
Si la rencontre du 1er mars a été un succès, c'est qu'elle a permis d'envoyer un signal fort d'unité et de solidarité au plan européen, ce qui n'était pas écrit d'avance.
En outre, alors que la réunion organisée au préalable par neuf pays d'Europe centrale et orientale aurait pu être interprétée comme un signe de division, elle a été l'occasion de constater que ces pays se trouvaient dans des situations économiques et financières différentes, et qu'un traitement unique n'était pas la bonne solution. Il convient au contraire de procéder au cas par cas, notamment en ce qui concerne le soutien financier immédiat qui peut être apporté par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque mondiale et la Banque européenne d'investissement (BEI), ou bien la perspective d'une adhésion, à brève échéance, de nouveaux États-membres à la zone euro.
Sans prétendre faire le tour de tous les sujets traités au cours du sommet informel du 1er mars, je me limiterai pour le moment aux éléments qui ont fait l'objet des débats les plus importants.
La principale question a naturellement été la crise financière. Les chefs d'État et de Gouvernement ont rappelé que l'assainissement du secteur bancaire et financier constituait la principale priorité. Sans rétablissement du crédit bancaire, il n'y aura pas de reprise durable : les entreprises ont besoin d'avoir accès au crédit. Il faut donc assainir la situation en amont.
Dans ce but, un accord est intervenu sur les principes généraux qui doivent guider les plans nationaux relatifs aux actifs toxiques des banques. Le cadre d'action proposé par la Commission européenne a en effet été accepté par tous les États-membres. Quel que soient les mécanismes retenus au plan national, chacun est convenu qu'il était impératif d'appliquer des règles communes en vue de réduire, autant que possible, les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur.
Il reste que les situations bancaires sont très différentes selon les pays, de sorte que les États-membres ont élaboré des plans de sauvetage différents, aujourd'hui en cours de finalisation. Certains pays réfléchissent à la création de bad banks, chargées de reprendre l'ensemble des actifs toxiques, tandis que d'autres ont choisi de recourir à des garanties d'État, à des nationalisations temporaires ou à des recapitalisations. Pour sa part, la France a combiné plusieurs de ces solutions. L'essentiel n'est pas d'imposer un cadre unique à tous les États européens, mais plutôt d'élaborer des règles communes.
Les débats ont également porté sur la situation des pays d'Europe centrale et orientale, qui traversent des difficultés pour des raisons tenant à leur situation budgétaire, à leur niveau de croissance et à l'état de leur système bancaire. Les chefs d'État et de Gouvernement ont très clairement réaffirmé le principe de solidarité européenne, qui doit conduire à écarter le retour de toute division entre l'Est et l'Ouest – vous savez que c'est l'une des craintes de certains pays européens. Il est hors de question d'accepter une régression historique en entérinant une nouvelle séparation au sein de notre continent. Tous les pays européens appartiennent à égalité à la même famille.
D'autre part, je rappelle que d'efficaces instruments de soutien existent déjà. Ils ont notamment été utilisés dans le cas de la Hongrie et dans celui de la Lettonie, et ils pourront à nouveau servir. Je pense notamment aux possibilités d'intervention de la Banque centrale européenne, de la BEI, de la BERD, des fonds européens et des crédits de la Commission, qui peuvent venir en appui des aides consenties par le Fonds monétaire international – je parle ici des pays hors zone euro.
Si les chefs d'État et de Gouvernement ont souhaité adresser un message de solidarité au plan européen, ils ont également insisté sur le principe de responsabilité : les situations des États-membres étant très différentes les unes des autres, tout traitement global de la crise doit être écarté. Les pays d'Europe centrale et orientale ont d'ailleurs reconnu qu'une approche au cas par cas était la réponse la plus adaptée à leurs difficultés.
Pour ma part, je me rendrai dès demain à Budapest, puis dans d'autres pays, notamment la Slovénie et la Slovaquie, afin d'examiner très précisément les besoins actuels. Je me rendrai ensuite en Autriche, puis en Pologne. La France, qui a su renouer une relation forte avec les pays d'Europe centrale et orientale, doit en effet montrer qu'elle est prête à leur apporter son soutien face à la crise.
La relance et le soutien à l'industrie ont fait l'objet d'une troisième série de réflexions au sein du Conseil. La prospérité des États-membres dépendant des échanges qui peuvent se développer librement à l'intérieur de l'Union européenne, la perspective d'un retour au protectionnisme me semble aujourd'hui bien improbable. La création du marché intérieur a déjà porté ses fruits dans le passé, et il n'y aurait pas de sens à s'écarter de cette voie.
Nous aurions en revanche besoin de coordonner les mesures de relance, ainsi que les politiques économiques, et à terme de définir une véritable politique économique européenne. Malgré de nombreuses discussions et de multiples engagements informels, cette question n'a pas été sérieusement abordée jusqu'à présent. Il est temps de prendre des décisions dans ce domaine. Pour y parvenir, le seul point de départ crédible sera d'obtenir un accord entre la France et l'Allemagne sur la coordination des politiques économiques et sur la définition d'une politique économique commune à nos deux pays.
Il faudra travailler sur ce sujet, de même que sur la reconfiguration du paysage automobile européen, dont je discutais hier encore avec les conseillers de Mme Merkel. Nous voulons tous sauvegarder les emplois et les technologies dans ce secteur, mais nous savons également qu'il faudra accepter certaines évolutions afin de conserver une industrie automobile compétitive. Nous y travaillons notamment en vue du Conseil des ministres franco-allemand du 12 mars prochain.
En quatrième lieu, les chefs d'États et de Gouvernement ont réaffirmé la nécessité d'accorder une priorité absolue à l'emploi. L'Union européenne doit mobiliser tous les instruments dont elle dispose, notamment le Fonds d'ajustement à la mondialisation et le Fonds social européen. A cet égard, je trouve qu'il faudrait assouplir les règles d'attribution du Fonds d'ajustement à la mondialisation, tout en augmentant les montants disponibles. Dans les circonstances actuelles, il me semble tout à fait inapproprié de continuer à exiger qu'au moins 1 000 emplois aient été supprimés sur un même site.