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Intervention de Pierre Lasbordes

Réunion du 11 décembre 2007 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lasbordes :

a rappelé que cette communication sur le système de radionavigation par satellite propre à l'Union européenne, Galileo, intervenait à la fin d'un long processus, ponctué de crises et de rebondissements, heureusement conclu la semaine dernière. La proposition de résolution, adoptée par la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale le mercredi 28 novembre 2007, à la veille du conseil des ministres des transports de l'Union, a vu ses principaux points satisfaits. Néanmoins, et compte tenu de l'importance du sujet, le président Patrick Ollier a souhaité que ses principaux enjeux soient présentés à la commission. Le seul système de navigation par satellite mondial actuel est le GPS, le « global positionning system » (système de positionnement global) américain. Il a été initialement mis en place par le département de la défense des États-unis afin de permettre de connaître la position en longitude, latitude et altitude de tout objet sur terre, pour peu qu'il soit équipé du récepteur adapté. Ce système se compose de trois « segments », un segment spatial actuellement constitué d'une trentaine de satellites, en orbite à environ 20 000 kilomètres d'altitude, un segment de contrôle composé de 5 stations américaines au sol, qui pilotent et surveillent le système, et un segment utilisateur qui regroupe l'ensemble des utilisateurs, civils et militaires, qui reçoivent les informations passivement, et donc sans risque de saturation. L'origine du GPS est purement militaire, la recherche dans ce domaine, lancée dès les années 60, s'est traduite par l'envoi des premiers satellites en 1978. Son déploiement civil, d'abord limité, puis généralisé sous la présidence de Bill Clinton, permet aujourd'hui une précision d'une dizaine de mètre, mais reste sous le contrôle complet des autorités américaines, ce qui pose un problème politique majeur. C'est dans ce cadre qu'il faut apprécier la volonté des pays européens, membres de l'Agence spatiale européenne, composée de 17 États dont 2 non membres de l'Union européenne, la Suisse et la Norvège, et de l'Union européenne elle-même, de se doter d'un système de radionavigation par satellite, indépendant du système GPS américain. L'Union européenne n'est évidemment pas seule à s'être inquiétée de l'existence d'un système de positionnement mondial unique, sous le contrôle exclusif d'un seul État. La Russie, avec le système Glonass, dont la conception remonte aux dernières années de la guerre froide, la Chine avec le système Beidou et l'Inde avec l'IRNSS, l'objectif de ce dernier étant pour le moment limité au cadre plus régional du sous-continent indien, ont chacun des projets de développement ou des réalisations plus ou moins avancés dans ce domaine. La Russie et la Chine ont, à des degrés divers, montré leur intérêt ou annoncé leur participation au système européen. La maîtrise de la technologie de la constellation de satellites, qui est le coeur du système, conditionne celle des multiples applications industrielles que le positionnement par satellites rendra possible. L'Union européenne ne peut rester absente de ce qui apparaît, d'ores et déjà, comme l'un des principaux secteurs industriels du XXIème siècle, et dépendre de systèmes ou de technologies élaborées hors de l'Europe pour certaines applications vitales au fonctionnement de la société de demain. La réalisation de ce projet industriel capital constitue un test très révélateur des faiblesses de l'Union, bien sûr, mais aussi de la force des synergies qu'elle sait également créer. Il convient aussi de souligner le rôle pionnier de notre pays dans ce domaine, le CNES ayant engagé dès les années 70, dans le cadre de son programme Argos, des recherches sur la localisation et la navigation par satellite, puis sur l'amélioration du signal GPS à travers le complément européen au GPS et le projet Euridis, qui ont conduit au programme Egnos d'optimisation des performances du système GPS, dont la certification pour répondre aux besoins de l'aviation civile devrait intervenir fin 2008, et qui est maintenant clairement intégré par la commission au programmes de radionavigation par satellites de l'Union. Le système de navigation par satellite Galileo est beaucoup plus ambitieux. Galileo représente une avancée technologique et une révolution sociétales équivalentes à celles engendrées récemment par le téléphone mobile. Il promet également le développement d'une nouvelle génération de services universels. Les Conseils européens ont tous souligné l'importance stratégique de ce programme. Galileo offrira, en effet, des avantages considérables dans de nombreux secteurs de l'économie. Si l'exemple des transports terrestres, aériens, ou maritimes est le plus souvent cité, la radio navigation par satellite profite chaque jour davantage à la pêche et à l'agriculture, à la prospection pétrolière, aux activités de défense et de protection civile, ou aux bâtiments et travaux publics. Galileo est conçu et élaboré sur une base civile tout en intégrant les protections nécessaires en matière de sécurité. Galileo offre ainsi, pour certains des services proposés, les garanties juridiques de fonctionnement exigées par les sociétés modernes, en particulier en matière de responsabilité contractuelle. Le système est basé sur la même technologie que le GPS et offre un degré de précision similaire, voire supérieur en raison de la structure de la constellation de satellites et des systèmes terrestres de contrôle et de gestion prévus. Il possède une fiabilité supérieure car il comprend un « message d'intégrité » informant immédiatement l'utilisateur des erreurs qui apparaissent. De plus, Galileo sera reçu sans aléas dans les villes mais aussi dans les régions situées à des latitudes extrêmes. Enfin, il constitue un véritable service public et offre une garantie de continuité de services pour certaines applications. Étant sous contrôle civil, Galileo ne devrait pas être soumis aux mêmes restrictions que le GPS. Si l'on peut regretter les retards de son développement, il bénéficie en contrepartie de l'acquis des systèmes américains et russes, et est conçu dès l'origine dans un cadre de coopération internationale. Techniquement, sa composante spatiale comprendra 30 satellites d'une masse moyenne de 700 kilos. Cette constellation de 27 satellites opérationnels et de 3 de réserve sera déployée sur 3 plans d'orbite circulaires, régulièrement espacés, à environ 23 000 kilomètres d'altitude. La composante au sol s'appuiera sur deux centres de contrôle gérant les satellites et la mission, situés en Italie et en Allemagne, un centre consacré spécifiquement à la sécurité civile devant être établi en Espagne. Rappelons, à cet égard, que c'est le désaccord de l'Espagne sur le rôle de ce centre qui a conduit son opposition au volet industriel du système, jusqu'à l'accord final. Une trentaine de stations de détection et 10 stations de transmission seront positionnées dans le monde. Le rôle du segment terrestre est de veiller à l'intégrité des signaux Galileo, à la détermination des positions orbitales des satellites et à la synchronisation des horloges terrestres et satellitaires. Galileo propose 5 grands types de services : le service ouvert qui est gratuit et libre d'accès. Il correspond à l'utilisation civile du GPS actuel et s'adresse aux particuliers. Les données qu'il fournit seront compatibles avec celles du GPS ou du Glonass russe. Il est complété par le service commercial, le service « sécurité de la vie », le service public réglementé, qui permet d'éventuelles applications militaires et, enfin, le service de recherche et de secours.

Le projet européen de navigation par satellite a véritablement pris corps lors de l'adoption, en janvier 1999, par le Parlement européen de la résolution : « Vers un réseau transeuropéen de positionnement et de navigation, comprenant une stratégie européenne pour un système mondial de navigation par satellite ». Puis une série d'avis et de décisions des différentes instances de l'Union européenne ont permis de transformer le projet initial en programme Galileo. Le programme devait se dérouler en quatre phases, qui ont vu s'accumuler les retards. Il était prévu, en effet, que le système entre en fonction en 2008 alors que la date retenue aujourd'hui pour son exploitation est 2013. La phase de définition, qui s'est étendue de 1999 à 2003, a vu la validation des études préliminaires et l'étude des besoins des utilisateurs et des fournisseurs de services du système. Les objectifs du programme se sont consolidés à cette étape, parallèlement à la prise de conscience politique, au niveau européen, de l'importance de ses enjeux, ce qui n'a pourtant pas empêché une mise en place difficile de sa gouvernance publique. La phase de développement et de validation, qui devait s'achever en 2005, est encore en cours, avec l'envoi, depuis Baïkonour, des 2 satellites expérimentaux Giove, le premier, Giove-A, lancé fin décembre 2005, a donné satisfaction. Cette phase reposait sur l'attribution de la maîtrise d'ouvrage à l'Agence spatiale européenne, par délégation de l'Union et des États membres de l'ESA. La maîtrise d'oeuvre était conférée au consortium industriel Esnis (European satellite navigation industries), créé en 2003 et composé d'EADS Astrium, Alcatel Alenia Space, Thalès et Galileo Sistemas y Servicios. Le fonctionnement de cet ensemble n'a pas été optimal. Ce n'est pas un des moindres paradoxes du projet que d'être confronté, depuis son origine, à des obstacles plus politiques ou administratifs que techniques. Quant aux 2 dernières phases : la phase de déploiement, par le lancement par blocs des satellites du système et la mise en place du réseau de stations au sol, puis la phase opérationnelle et la mise en exploitation, elles devraient intervenir entre 2009 et 2012. Les dysfonctionnements observés de la deuxième phase tiennent nettement aux insuffisances du partenariat public-privé initialement prévu.

M. Pierre Lasbordes a fait remarquer qu'introduire un tel partenariat, aussi en amont, pour un programme d'une telle ampleur, exposait le secteur privé à des incertitudes et à des prises de risque assez peu compatibles avec le besoin de perspectives claires qui lui est propre. L'hypothèse, quelque peu dogmatique, d'un financement privé d'une grande partie de la phase de déploiement et de l'intégralité de l'exploitation ne s'est pas vérifiée. L'échec des négociations sur le contrat de concession entre l'entreprise commune Galileo, fondé par l'Union et l'Agence spatiale européenne, et le consortium, a finalement été acté par le conseil des ministres des transports de juin 2007. Le Conseil constatant cet échec, mais aussi le montant important des investissements déjà consentis par l'Union, alors que le Parlement européen se prononce régulièrement en faveur du programme, a suggéré à la Commission de présenter d'autres scénarios pour en assurer la poursuite. La Commission a pris acte du retard de 5 ans intervenu dans sa réalisation et a donc proposé d'en clarifier le nouveau déroulement. La réintroduction du partenariat public-privé n'est ainsi prévue que pour la seule phase d'exploitation, à partir de 2010 et la gouvernance publique est simplifiée en attribuant la maîtrise d'ouvrage à la Commission et la maîtrise d'oeuvre à l'Agence spatiale européenne. La Commission a également proposé un réajustement des conditions de financement et une redéfinition des principes d'acquisition des différents éléments du système. Ces propositions, articulées autour de deux volets, l'un financier, l'autre, industriel, ont servi de base aux accords obtenus finalement, dans le contexte de dramatisation que l'on sait, à la fin du mois de novembre.

M. Pierre Lasbordes a précisé qu'après la réunion du Comité des représentants permanents du 21 novembre 2007, qui avait commencé à apporter des solutions aux obstacles nationaux rencontrés par les nouvelles propositions de la Commission, le Conseil des ministres de l'économie et des finances du 23 novembre a levé les incertitudes pesant sur le financement du programme. La solution trouvée a été négociée avec une délégation du Parlement européen. Le débat sur les besoins de financements complémentaires, portant la contribution de l'Union à 3,4 milliards d'euros, s'est donc conclu par un compromis sur le financement du surcoût. En effet, le budget communautaire assurera bien les 2,4 milliards d'euros qui devaient être trouvés, pour mener à bien le développement du système, après l'échec du partenariat initialement prévu. L'Allemagne, principal contributeur net du budget de l'Union, est restée opposée au compromis, pour des raisons de politique intérieure mais aussi parce qu'elle est attachée, dans ce domaine, à un fonctionnement du type de celui de l'Agence spatiale européenne qui est une organisation internationale et, comme telle, applique la notion de juste retour en garantissant la participation de son industrie. Les marchés pour les industries nationales de chaque contributeur sont, en effet, calculés au prorata de leurs participations financières au budget de l'Agence. La position allemande risquait cependant d'entraîner le Conseil vers un conflit avec le Parlement européen qui, par une résolution du 20 juin 2007, précisait que le programme Galileo étant placé sous la responsabilité de la Commission devait, dès lors, bénéficier de financements communautaires. L'accord intervenu prévoit donc que la somme proviendra principalement des fonds de la politique agricole commune non dépensés en 2007 mais aussi de la réaffectation de dépenses de recherche de 2008. Le compromis diffère de la solution qu'avait proposée la Commission en septembre sur un point important : la marge disponible au titre de la politique agricole commune sera utilisée uniquement en 2007 et à hauteur de 1,6 milliards. En outre, et afin de répondre aux inquiétudes allemandes, une déclaration a été adoptée affirmant le caractère exceptionnel de l'aménagement budgétaire opéré. Mais, surtout, l'adoption du deuxième volet, industriel, par le conseil des ministres des transports des 28 et 29 novembre devrait être à même d'aplanir les dernières réserves de l'Allemagne. En effet, le volet industriel a, lui, après d'ultimes rebondissements liés à la position espagnole, été adopté à l'unanimité. Le schéma, mis sur pied par Jacques Barrot, prévoit la répartition des acquisitions nécessaires à la réalisation du programme en 6 lots principaux : les systèmes, les satellites, le segment sol de mission, le segment sol de contrôle, les lanceurs et l'exploitation. L'attribution des lots se fera par appel d'offres suivant les règles communautaires, des règles de non-cumul interdisent à tout chef de file, c'est-à-dire au titulaire du marché, d'être candidat à plus de 2 lots et lui imposent également de sous-traiter 40 % de son lot à d'autres entreprises. Chaque pays participant devrait donc être en mesure de bénéficier des retombées industrielles du programme, les lots devant permettre aux principales entreprises concernées de prendre pleinement part aux réalisations programmées.

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