L'avantage de l'adjectif « durable » est qu'il traduit la prise de conscience du problème de la biosphère et de l'écologie, mais le substantif, le noyau de l'expression, reste un terme techno-économique. Je crains que l'adjectif ne serve qu'à enjoliver une notion qui reste inchangée. Or il faut repenser le développement : le Chili de Pinochet a connu un développement techno-économique réel, ce qui ne l'a pas empêché de s'enfoncer dans un sous-développement politique et humain incontestable. L'idée du développement était que la technique et l'économie sont des locomotives qui entraînent la démocratie, le mieux-être et la paix. Les choses ne se passent pas ainsi. Peut-on introduire une dose d'humanité et essayer de thématiser, comme je l'ai vu faire dans une commission en Bolivie, le « développement humain » ? J'ai quelques idées sur ce sujet, qu'il serait trop long d'exposer ici. Je ne nie pas que terme de « développement durable » ait son utilité et permette quelques prises de conscience, mais il restera à mon avis fondamentalement incantatoire. Le mot anglais sustainable – soutenable – est au demeurant bien plus intéressant que notre traduction française. Reste que, pour que le développement soit soutenable, la notion même de développement doit être repensée et humanisée.