…Pour ma part, je demeure attachée à la notion d'individualisation des peines et au pouvoir d'appréciation laissé aux juges, deux principes qui permettent de faire place à des considérations d'humanité et d'équité, et qui ne sont nullement remis en cause par ce texte, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé.
Contrairement à ce qu'affirme M. Caresche, la loi du 10 août permet de lutter contre tous les types de criminalité, qu'il s'agisse de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants ou de délinquance de proximité, qui affecte la vie quotidienne de nos concitoyens. C'est aussi cela, le principe d'égalité devant la loi !
Parmi les peines plancher prononcées, 58,8% ont concerné des cas de vol et d'atteinte aux biens et 22 % des cas de violences. S'agissant de ces dernières, la peine minimale a été prononcée dans près de 70 % des cas de violences conjugales en récidive – ce qui est pour moi un motif particulier de satisfaction, car ce fléau était encore considéré, voilà cinq ans, comme un sujet mineur. Des peines plancher ont également été prononcées dans 62 % des cas de violences sexuelles et dans 61,6 % des cas de violences autres que sexuelles et autres que sur conjoints. Si cette loi permet de sauver ne serait-ce qu'une femme victime de violence conjugale, elle présente déjà une utilité à mes yeux.
J'ajoute que ses effets dissuasifs sont déjà bien établis. Tous le reconnaissent, tant les magistrats que les détenus eux-mêmes : chacun sait que, maintenant, l'on « risque gros » en cas de récidive. Au demeurant, on a constaté une baisse de 4,2 % de la délinquance générale en douze mois, et même de 6,8 % en ce qui concerne les atteintes aux biens. Pour la première fois depuis 1995, les atteintes aux personnes ont également décru de façon constante depuis mars 2008 – nous en sommes aujourd'hui à 1 % de baisse.
Le texte a également permis d'améliorer le dispositif d'injonction de soins, qui a été étendu à d'autres mesures que le suivi socio-judiciaire et qui a rendu automatique pour les délinquants sexuels : ces derniers ne peuvent plus bénéficier de libération conditionnelle ni de remise de peine s'ils refusent de se soigner.
S'agissant des médecins coordonnateurs, leur nombre est passé de 147 à 211 entre juin 2006 et octobre 2008. L'application des dispositions relatives à l'injonction de soins avait d'ailleurs été différée afin de permettre des recrutements supplémentaires. L'indemnité annuelle qui leur est versée a en outre été revalorisée de 164 % – elle s'élève à 700 euros depuis 1er janvier 2008 –, tandis que le nombre des personnes que peut suivre chaque médecin coordonnateur a été porté de 15 à 20. Ces efforts devraient très rapidement produire leurs fruits, notamment en ce qui concerne les délinquants sexuels.
Je précise également qu'il n'y a aucune incohérence entre la loi du 10 août 2007 et notre politique d'aménagement des peines. Un principe de fermeté doit certes s'appliquer à l'égard des récidivistes, car ils doivent être condamnés et leur peine doit être exécutée ; toutefois, l'aménagement des peines favorise non seulement la réinsertion des détenus, mais il permet également d'éviter la récidive. Le taux de récidive s'élève ainsi à 60 % en cas de sortie sèche de prison, tandis qu'il est réduit des deux tiers en cas d'aménagement des peines.
J'en viens à la question de la surpopulation carcérale, qui n'a rien de politique à mes yeux. Depuis 1985, le nombre de places n'a jamais été égal à celui des détenus, de sorte que tous les gardes des sceaux qui se sont succédé depuis Robert Badinter, toutes sensibilités confondues, ont dû s'efforcer de gérer le problème, notamment en construisant de nouvelles places de prison.
À cet égard, le plus important programme a été engagé en 1987 par Albin Chalandon, qui a fait construire 13 000 places supplémentaires. On a en revanche constaté une diminution de 4 % des places de 1997 à 2002. Je ne contesterai pas les fermetures qui ont alors été décidées, car nos prisons n'étaient pas dignes, mais il est regrettable qu'aucune mesure de compensation n'ait été prise. C'est la majorité actuelle qui a lancé un ambitieux programme de construction de 13 200 places, aujourd'hui en cours de réalisation. Je m'étonne que l'on se permette de déplorer la surpopulation actuelle alors que l'on n'a pas construit de places de prison quand c'était nécessaire.
Il est vrai que les bracelets électroniques ont fait leur apparition depuis quelques années, mais il nous reste à préserver la dignité des personnes qui continuent à être privées de leur liberté. C'est un devoir qui nous incombe à tous, que nous soyons de droite ou de gauche.
D'autre part, si j'ai mené une politique volontariste d'aménagement des peines depuis mon arrivée à la Chancellerie, c'est parce qu'une telle politique tend à favoriser la réinsertion des détenus et, ainsi, à éviter la récidive. Alors que seules 2 000 peines étaient annuellement aménagées de 2002 à 2007, en application de lois d'amnistie, des réductions automatiques de peines et des grâces collectives, il a été décidé de ne plus recourir à ce type de mesures et, pourtant, le nombre de peines aménagées a triplé en un an. Afin de parvenir à ce résultat, j'ai notamment pris un décret instituant des conférences régionales d'aménagement des peines, lesquelles ont fait la preuve de leur efficacité. Au demeurant, je précise que les mesures concernées sont des décisions prises par des magistrats du siège, et non des mesures administratives ou automatiques.
Il me semble que l'on peut déjà se montrer satisfait des résultats obtenus dans ce domaine, même si nous n'avons pas encore rempli tous nos objectifs. Je souhaite en effet que la surpopulation carcérale cesse d'ici à 2012, et que les personnes privées de leur liberté le soient désormais dans la dignité. Dans cette perspective, les mesures d'aménagements de peine devraient être facilitées par la future loi pénitentiaire, qui offrira des outils nouveaux aux juges de l'application des peines.
Pour ce qui est des bracelets électroniques, je rappelle que l'on en comptera 2 500 de plus en 2009 et que leur nombre total devrait être porté à 12 000 d'ici à 2012. Cela signifie 12 000 détenus en moins dans nos prisons, dont les capacités devraient alors atteindre 63 000 places.
S'agissant de la cohérence dans l'application de la loi du 10 août 2007 sur l'ensemble du territoire, vous savez que je veille au respect du principe d'égalité. Le taux de recours aux peines plancher peut certes varier dans des proportions notables selon les cours d'appel, puisqu'il est compris entre 34 et 70 % des condamnations prononcées ; toutefois, je rappelle que nous ne disposons pas encore d'indicateurs précis concernant la nature des condamnations prononcées et l'exécution des peines.
C'est pourquoi j'ai souhaité que nous disposions d'un nouvel instrument de mesure de la récidive dès le début de l'année 2009. Nous y travaillons déjà depuis quelques mois. Par une instruction en date du 24 septembre 2008, j'ai demandé que l'état de récidive soit systématiquement relevé. Pour le moment, force est de constater que le casier judiciaire n'est pas systématiquement à jour au moment des audiences et que les condamnations prononcées ne sont pas nécessairement réactualisées, surtout quand elles ne sont pas encore définitives.
Dans le ressort de la cour d'appel de Paris, il existe, c'est vrai, de grandes disparités. Des peines plancher sont prononcées dans 80 %, voire 90 % des cas à Fontainebleau, soit bien plus qu'au tribunal de grande instance de Paris. Cela étant, il faut avoir conscience que le relevé des condamnations est encore réalisé de façon manuelle dans ce dernier tribunal. Les formulaires n'étant pas toujours remplis lorsque les magistrats manquent de temps, les outils de mesure manquent de fiabilité : les taux actuellement observés sont très probablement en deçà de la réalité.
Au total, cette loi était non seulement attendue par nos concitoyens et par les magistrats eux-mêmes, mais elle a également fait la preuve de son utilité en quelques mois d'application seulement, notamment pour certaines formes de délinquance – je pense notamment aux atteintes aux personnes, et tout particulièrement aux violences conjugales. La loi du 10 août 2007 est un outil d'une grande efficacité.