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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 9 décembre 2008 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur et M :

Ce travail, dont l'accomplissement, en parfaite coopération, si ce n'est toujours en parfait accord, avec Christophe Caresche, m'a apporté une grande satisfaction, prouve l'utilité de la méthode que nous avons retenue depuis le début de la législature pour suivre l'application des lois.

Nous avons consacré notre rapport d'information aux trois dispositions qui avaient été les plus vivement débattues au moment de l'examen du projet de loi : l'instauration, conformément à l'engagement du Président de la République, de peines minimales d'emprisonnement applicables aux majeurs et aux mineurs de plus de treize ans récidivistes de crimes et de délits punissables de plus de trois ans d'emprisonnement – cette disposition était, et reste, la plus commentée – ; l'élargissement des conditions dans lesquelles les juges peuvent écarter l'excuse de minorité prévue par l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante ; enfin, la généralisation et la systématisation de l'injonction de soins, dont la mise en oeuvre a été repoussée de quelques mois.

Je veux préciser au préalable que les chiffres dont nous faisons état dans notre rapport doivent être envisagés avec prudence, car il est encore trop tôt pour mesurer l'impact exact de la loi.

Le grand reproche adressé au dispositif des peines plancher était qu'il entraînerait l'automaticité du prononcé de peines minimales. Or, sur plus de 18 000 condamnations en récidive légale recensées depuis la publication de la loi, 9 000 peines plancher ont été prononcées : cela signifie que les juges ont dérogé à l'application de peines minimales dans la moitié des cas, préférant recourir à la palette des peines disponibles, du prononcé de peines au quantum inférieur, mais souvent fermes, de peines assorties d'un sursis, simple ou avec mise à l'épreuve, jusqu'à des peines plus lourdes que les peines plancher, dans des proportions que nous ne pouvons pas, hélas ! connaître plus précisément. Nous avons également été frappés par la variation considérable du taux d'application des peines minimales selon les ressorts des cours d'appel – 34,4 % à Paris, 72,5 % à Bourges.

Les effets de l'instauration de peines minimales sur la récidive sont difficiles à évaluer, principalement par manque de recul. Si nous comparons le quatrième trimestre 2006 au quatrième trimestre 2007, le nombre de condamnations en récidive a baissé de 2,75 %, mais cette baisse doit encore être confirmée.

L'impact de l'instauration de peines plancher sur la population carcérale est difficilement quantifiable. Si l'augmentation de la population carcérale a commencé en 2006, on observe un très net accroissement du « stock » des détenus depuis un an. En tenant compte d'autres facteurs, notamment de la suppression des grâces collectives en 2007 et en 2008, on évalue l'impact de la loi du 10 août 2007 à une augmentation de 2,5 % de la population carcérale.

En dépit des nouvelles possibilités de déroger à l'excuse de minorité ouvertes par le texte, nous avons constaté que ce principe est très rarement écarté par les juges, quand il n'est pas maintenu de façon systématique au travers d'une motivation « type », en contradiction avec la volonté affichée par le législateur d'adresser un message fort aux mineurs multirécidivistes de plus de seize ans.

En ce qui concerne la systématisation de l'injonction de soins, les indicateurs manquent, le nombre de médecins coordonnateurs étant davantage un indicateur de moyens, et non de résultats.

Mes questions découleront de cette brève présentation.

Nous aimerions d'abord savoir dans quelle mesure nous pourrons, madame la ministre, mesurer l'impact dissuasif de cette loi : est-il prévu d'améliorer le suivi statistique du prononcé des condamnations en récidive ? Celui-ci nous est apparu d'autant moins satisfaisant que certains juges fondaient leur décision de ne pas appliquer les peines plancher sur l'impossibilité de distinguer les cas de nouvelles récidives.

Nous aimerions également vous entendre sur l'impact de la loi sur la population carcérale, et notamment sur le risque que constitue le recours massif au sursis avec mise à l'épreuve : certains magistrats que nous avons entendus y voient une véritable « bombe à retardement » risquant de provoquer à terme une inflation du nombre des détenus. Un tel risque pourrait même inciter certains à renoncer à révoquer des sursis avec mise à l'épreuve, alors même que le condamné méconnaîtrait ses obligations.

Nous nous interrogeons à ce propos sur l'articulation de la loi du 10 août 2007 avec la future loi pénitentiaire.

En ce qui concerne l'application de la loi aux mineurs, nous manquons des mesures statistiques qui nous permettraient de nous prononcer sur la pertinence du critère des « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion », qui peut justifier le maintien de l'excuse de minorité. Pourriez-vous indiquer aux parquets les moyens d'améliorer l'application de la loi dans ce domaine ?

Êtes-vous enfin en mesure de nous donner des informations plus précises sur le recrutement et l'évolution statutaire des médecins coordonnateurs ?

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