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Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 23 janvier 2008 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur/ 2 :

, a indiqué que cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 12 décembre 2007, répond à la fois à une nécessité et à une urgence.

En premier lieu, elle permet d'installer une filière universitaire de médecine générale digne de ce nom. En effet, pour des raisons historiques, cette discipline ne bénéficie pas actuellement d'une filière universitaire complète, car la médecine générale est restée à l'écart de l'organisation mise en place en 1958 par les ordonnances dites « Debré » créant les centres hospitaliers et universitaires ainsi que les médecins à plein temps hospitalo-universitaires. Aujourd'hui, cette formation est donc dispensée par des enseignants associés, au nombre de 131 au 1er janvier 2008.

Ce n'est que progressivement que la filière de médecine générale s'est structurée, notamment grâce à l'article 60 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Inspiré par un rapport des professeurs Jean-François Mattei et Jean-Claude Etienne, il a opéré une réforme importante du troisième cycle des études médicales, soumettant la médecine générale au même régime que les autres spécialités d'internat et en la transformant en une spécialité médicale à part entière, érigée au rang de discipline universitaire et sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées (DES).

Après toutes ces étapes, il ne reste plus qu'à ajouter une pierre pour achever cet édifice juridique. En effet, dès lors que la médecine générale a été pleinement reconnue par l'université, il faut adopter les dispositions permettant de créer les corps de personnels enseignants de cette discipline, sans quoi celle-ci ne constituera pas une filière universitaire à part entière.

Mais la proposition de loi répond également à une urgence, deux raisons faisant qu'il est indispensable de disposer d'une filière complète de médecine générale, dotée de ses propres corps d'enseignants.

– D'une part, la filière de médecine générale attire chaque année plus de 2 000 étudiants en médecine, ce dont il faut se réjouir, car il est essentiel que de bons médecins généralistes soient les pivots de notre système de soins. Mais, il faut parer dans le même temps à la désaffection envers la médecine générale qui, avec le départ des médecins nés pendant le « baby boom », risque de subir une crise démographique, certaines estimations chiffrant à 13 % la baisse du nombre d'omnipraticiens d'ici 2025. On rencontre d'ailleurs sur le terrain non seulement des problèmes de structures et d'organisation mais aussi déjà un manque de généralistes. C'est pourquoi il faut améliorer significativement l'attractivité de cette discipline, en offrant aux étudiants de médecine générale la meilleure des formations et des modèles d'indentification, ce qui impose de créer des corps d'enseignants spécialisés.

Cette nécessité absolue a été soulignée par tous les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale, comme les organisations des enseignants de médecine générale. En outre, la ministre de l'enseignement supérieur entend renforcer les effectifs des enseignants de médecine générale, 49 nouveaux postes ayant ainsi été annoncés depuis juin 2007. Or, lorsqu'il s'agit de postes d'enseignants titulaires, ils ne peuvent être actuellement pourvus en raison de l'absence de corps d'enseignants spécialisés, et il faut donc mettre fin à cette situation absurde.

– D'autre part, la création de tels corps d'enseignants se justifie par la nécessité de doter la médecine générale de « formateurs » qui pratiquent, dans ce domaine, une recherche de haut niveau. Dans ce but, il faut recruter des personnels dont les activités – correspondant aux trois piliers fondamentaux que sont l'enseignement, la recherche et les soins – soient liées par un statut qui valorise ainsi leur effort de recherche.

Le dispositif de la proposition de loi est simple, ne faisant que fixer les grands principes du futur statut des personnels enseignants de médecine générale. Pour le reste, il est renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de fixer le statut proprement dit, les modalités de recrutement des enseignants titulaires et les conditions d'intégration des actuels enseignants associés de médecine générale. La proposition de loi repose sur deux principes fondamentaux.

– En premier lieu, le statut des enseignants de médecine générale s'appuiera, comme pour les autres spécialités médicales, sur le triptyque enseignement-recherche-soins. Il est donc proposé de reprendre, pour les enseignants de médecine générale, la formule qui fait la force du statut du personnel hospitalo-universitaire, car elle associe trois grandes missions qui se renforcent les unes et les autres et contribuent de ce fait à la qualité globale de l'enseignement et de la recherche.

– En second lieu, afin de tenir compte de la spécificité de l'activité des médecins généralistes par rapport à celle des autres médecins, la proposition de loi prévoit que l'activité de soins devra être réalisée en médecine ambulatoire et non pas au sein des centres hospitaliers et universitaires. Ses auteurs ont en effet écarté la solution qui aurait consisté à créer un statut de « biappartenant hospitalo-universitaire » pour les enseignants de médecine générale. En effet, l'exercice de la médecine générale ne se situant pas à l'hôpital et les hôpitaux n'ayant pas pour mission de développer la médecine générale, le recours, pour les enseignants de cette discipline, à un tel statut n'est, de toute évidence, pas opportun si l'on souhaite préserver les spécificités de la médecine générale qui sont fondées sur la prévention, la relation de confiance avec le patient, et sa prise en charge globale.

Le rapporteur a conclu en soulignant l'opportunité de la proposition de loi adoptée par le Sénat, sur les plans tant juridique que pratique, et en indiquant qu'il avait pu constater, lorsqu'il a été auditionné par les États généraux de l'organisation des soins, que l'ensemble des intéressés souhaite une adoption très rapide de ce texte, ne serait-ce que pour nommer au plus vite les premiers enseignants titulaires de médecine générale. Un projet de décret d'application a déjà été rédigé, permettant une mise en oeuvre rapide de la loi. C'est pourquoi compte tenu de la suspension prochaine des travaux parlementaires, il est souhaitable que l'Assemblée nationale adopte le texte sans modification.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Se félicitant que la proposition de loi prévoie que la formation soit enfin effectuée en médecine de ville, conformément aux souhaits des organisations étudiantes et aux nécessités pratiques, M. Jean-Luc Préel s'est toutefois interrogé sur les moyens disponibles pour en assurer une application effective. Vingt créations de postes de chef de clinique ont en effet été attribuées l'an dernier, ne représentant donc que moins d'un poste par université. De même, la formation de 2 000 étudiants en médecine générale est actuellement en attente de validation. Or la mise en place effective du stage de médecine générale, comprenant trois mois en zone rurale et trois mois en zone urbaine, est centrale si l'on veut que les étudiants puissent choisir un mode de pratique en connaissance de cause.

Approuvant l'objectif de la proposition de loi, M. Jean-Claude Mathis a insisté sur le problème posé par le retard dans la validation de la formation de 2 000 étudiants en médecine générale. En outre, la France compte aujourd'hui environ 68 000 à 69 000 généralistes, soit un ratio de moins de mille habitants par médecin, qui demeure supérieur à celui des pays voisins. Même si les effets du départ en retraite des médecins appartenant à la génération du « baby boom » ne vont certes pas tarder à se faire sentir, le déficit se pose donc moins en termes d'effectif total que de répartition sur le territoire, avec un surnombre dans certains secteurs et des déserts médicaux dans d'autres, certains ne manquant alors pas d'être tentés par l'appel à des médecins étrangers.

Observant qu'il était inévitable d'établir un lien entre la proposition de loi et l'évolution de la densité médicale, M. Jean-Frédéric Poisson a regretté que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 n'ait pu régler ce problème. Il y a une véritable nécessité à organiser la filière de médecine générale, mais sa valorisation doit également être améliorée, en termes financiers aussi bien que de statut social, ce que lui ont confirmé les représentants du conseil de l'ordre des Yvelines qu'il a récemment rencontrés. Un autre déficit doit être comblé, celui qui existe aujourd'hui, pour les médecins comme pour les infirmières, en matière d'éthique médicale, qui n'est enseignée, au mieux, qu'à compter de la quatrième année. Or, elle devrait l'être dès la première année, car de plus en plus fréquentes sont les occasions dans lesquelles il importe que le généraliste possède les repères nécessaires. On constate malheureusement que les jeunes qui s'installent, en particulier dans les zones « rurbaines », connaissent mal les institutions et les partenaires et sont insuffisamment préparés à une relation médecin-patient-science qui se révèle de plus en plus complexe. Il faut donc renforcer, sans doute au détriment des mathématiques, la formation en culture générale, en philosophie et, au-delà, dans ce que l'on peut regrouper sous le vocable de « sciences humaines ».

Annonçant que le groupe SRC voterait cette proposition de loi d'autant mieux venue qu'elle intervient bien tardivement, compte tenu de l'impossibilité actuelle de valider la formation de 2 000 étudiants, M. Gérard Bapt s'est interrogé sur les moyens en permettant l'application effective, s'agissant non seulement du nombre de postes mais aussi du financement des stages. Les étudiants ne choisissent pas la médecine générale car ils ne la connaissent pas : or le financement des stages actuellement prévus en deuxième cycle connaît un retard considérable, les crédits supplémentaires accordés l'an dernier n'ayant permis que de poursuivre le remboursement des dettes accumulées, et il faut maintenant en outre assurer l'effectivité des stages en troisième cycle.

Par ailleurs, il est faux de dire qu'il n'y aurait pas de crise démographique affectant la médecine générale en France. D'ores et déjà, la démographie médicale est plus défavorable en France que dans certains pays voisins et la situation risque de s'aggraver à l'horizon 2025, les départs en retraite étant inférieurs aux installations, car la féminisation progresse et certains médecins ayant suivi un cursus de médecine générale, tels les angiologues ou les nutritionnistes, ne la pratiqueront pas ensuite.

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