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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 22 octobre 2008 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Je souhaite revenir sur les contrats « CAP 2005 » et « CAP 2008 » du SSF. Si, dans notre commission, nous attachons beaucoup d'importance aux budgets de la marine, de l'armée de l'air et de l'armée de terre, c'est-à-dire aux moyens donnés aux militaires pour effectuer en pleine capacité et en pleine connaissance leur métier, nous accordons aussi beaucoup d'intérêt à la vie de nos industries et aux emplois y afférents.

Or de nombreuses inquiétudes se font jour chez DCNS. Il a été demandé à cette entreprise d'entreprendre une profonde transformation sociale et elle a parfaitement réussi à le faire – nous avons été nombreux à le reconnaître au sein cette commission. Elle a également procédé avec succès et sans gros remous à la diminution du nombre de postes qui lui était demandée. Mais, dans le même temps, les budgets diminuent et les commandes sont remises en cause, comme cela va être le cas pour les FREMM après l'abandon du deuxième porte-avions. À ce sujet, j'ai été heureuse d'apprendre que la question du mode de propulsion était remise à l'étude ; si l'avis de la Commission avait été suivi, nous aurions peut-être aujourd'hui un deuxième porte-avions.

Je suis également inquiète aujourd'hui car le budget recherche est quasiment nul. Je ne pense pas que les critiques que vous avez exprimées à ce sujet, amiral, soient toutes imputables à DCNS. On peut peut-être aussi déplorer une absence de projets de la part de l'État, pour le naval en particulier. De même, le budget du MCO est sérieusement en baisse. Je sais – et vous l'avez indiqué – que le niveau des engagements réalisés au 1er octobre n'atteignait que la moitié des objectifs fixés pour l'année. Or cela a des conséquences sur les crédits de paiement : dans cette entreprise, ils sont réduits de moitié. On imagine les conséquences que cela peut avoir sur la vie de l'entreprise et sur l'emploi. Les bassins industriels de Brest et de Toulon vont être massivement touchés.

Dès lors, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur les marchés dits « CAP 2008 » ? Vous parlez d'appels d'offres globaux. Je constate plutôt un découpage par petits morceaux de l'ensemble des contrats. Ainsi, DCNS n'aura plus la maîtrise de l'entretien des navires, la maîtrise d'oeuvre et d'ouvrage passant au SSF. Du fait des contrats que vous envisagez et des appels d'offres que vous ouvrez à l'ensemble des entreprises, on risque de voir des ouvriers de DCNS sans travail regarder travailler des entreprises qui étaient à l'époque des sous-traitants de DCNS. Cela m'inquiète beaucoup car un tel processus ne va pas manquer de créer du chômage et de susciter des mouvements sociaux.

Par ailleurs, je ne suis pas persuadée que cela soit bénéfique en termes de compétitivité. Je crains que, si l'on perd les compétences françaises en ce domaine, cela n'entraîne la disparition de l'industrie navale tant française qu'européenne.

Amiral Paul-François Forissier, chef d'état-major de la marine. Je partage totalement votre préoccupation. Cela étant, il importe de savoir comment les différents acteurs – qui sont nombreux autour de la table – règlent les différents paramètres qui relèvent de leur compétence.

Nous avons donné, au cours des quinze dernières années, suffisamment de gages de bonne volonté à DCNS et lui avons manifesté suffisamment notre préoccupation de lui procurer la posture la plus confortable possible dans un monde concurrentiel, pour qu'elle ne puisse douter que nous avons autant besoin d'une DCNS performante et compétente qu'elle a besoin d'une marine nationale solide sur laquelle compter. Notre partenariat est clair, même si notre couple traverse parfois – ce qui est normal – des grains ; tout le monde est d'accord sur les objectifs.

En ce qui concerne les constructions neuves, la négociation avec l'industriel pour trouver, à la suite de la réduction des ambitions de l'État français sur le nombre de frégates à construire, un autre montage comportant des avantages pour tout le monde m'apparaît plutôt aller dans le bon sens puisqu'il a abouti à une commande globale de onze bateaux au lieu de huit.

Pour ce qui est du MCO, nous avons quelques divergences. DCNS utilise depuis de très nombreuses années la sous-traitance locale, se réservant l'ingénierie et la conduite de chantier. Nous avons affirmé pour notre part dès le début que nous voulions ouvrir le MCO à la concurrence. Nous avons donc confié des travaux d'entretien pour des petits bâtiments à des chantiers concurrents de DCNS, comme celui de Concarneau pour l'entretien des goélettes en bois et de quelques autres bateaux. Mais cette ouverture reste encore très partielle, DCNS réalisant toujours 95 % du MCO – avec d'ailleurs les mêmes sous-traitants que ses concurrents. Ce n'est pas une situation très saine sur le long terme.

Je ne pense pas qu'on puisse reprocher à nos contrats « CAP 2005 » et « CAP 2008 » d'avoir mis DCNS en difficulté. J'observe d'ailleurs que les situations sont différentes selon les sites. Ainsi, l'établissement brestois de DCNS a, dans le cadre des contrats 2005, fait des progrès de productivité, d'organisation et de fonctionnement tout à fait remarquables. Il est presque parvenu à l'optimum de ce qu'on pouvait espérer il y a quelques années.

Les contrats CAP 2008 sont la continuité des contrats précédents, à cette différence près que nous devons nous plier à des contraintes supplémentaires. Comme nous avons eu des difficultés à mettre en oeuvre les contrats « CAP 2005 » – en raison de l'annualisation budgétaire, l'État avait du mal à s'engager sur des contrats globaux, avant que l'industriel ne s'engage lui-même en échange –, nous avons décidé, pour assurer la pérennité de ce mode d'action, de segmenter les contrats « CAP 2008 » par tranches conditionnelles annuelles. C'est sans doute ce qui inquiète l'industrie. Mais cela a été décidé au niveau des directions centrales afin de permettre à ces contrats globaux de vivre face aux contraintes administratives et budgétaires auxquelles nous sommes soumis. Rien ne serait pire que le retour au statu quo ante.

Cela étant, j'entends vos préoccupations et je les partage. Je souhaite, bien évidemment, que DCNS puisse se développer et vivre correctement. En ce qui concerne le MCO naval, je pense qu'elle a un atout considérable. Dans le monde dans lequel nous vivons, l'un des paramètres clés des clients est la sécurité. Or DCNS bénéficie de cet avantage considérable d'être une société de droit privé installée dans une enceinte militaire protégée. C'est un critère commercial majeur. Je suis très favorable à ce que des bateaux étrangers soient entretenus dans nos ports et prêt à faciliter les choses. Nous incitons fortement DCNS à aller chercher des marchés à l'international, ce que d'ailleurs, la vieille DCN, du temps où elle était arsenal de la marine, pratiquait régulièrement. J'ai souvenir d'avoir vu étant jeune des frégates belges et allemandes à l'arsenal de Brest et des bateaux américains à l'arsenal de Toulon.

Son changement de statut et l'immense travail interne réalisé au sein de cette entreprise l'ont conduite – c'est naturel quand on traverse un grain – à se replier un peu sur elle-même. Cela étant, quand on voit les résultats, on ne peut que se féliciter de l'évolution intervenue. Je pense que le temps est venu pour elle de se rouvrir à l'international en matière de services. Lorsque nous connaissons nous-mêmes des difficultés et que nos budgets d'entretien ne sont pas au niveau des besoins de DCNS pour entretenir son savoir-faire et maintenir sa capacité de travail, il faut absolument qu'elle aille chercher du travail à l'étranger, d'autant plus – et c'est un des atouts de DCNS qu'il faut conserver – que la construction neuve et le MCO sont deux activités sensiblement différentes. Dans les chantiers étrangers, on a souvent privilégié, pour des raisons de politique industrielle, la construction neuve par rapport au MCO, de sorte que le savoir-faire en ce domaine n'est pas aussi répandu qu'on veut bien le dire en Europe. Il y a là une véritable compétence qu'il faut capitaliser.

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