La notion de temps dans la prise en charge est une condition sine qua non pour obtenir des effets durables. Autrement dit, si nous voulons voir ces personnes s'installer dans un autre type de relation, nous devons pouvoir avoir du temps, – même si des effets peuvent être obtenus très rapidement – car ils doivent s'inscrivent dans la durée. En ce sens, le fait que l'obligation de soins soit aujourd'hui de 18 ou 24 mois pour la plupart des personnes interpellées est pour nous une excellente chose. Même si elles sont réfractaires au départ, elles acceptent au fil du temps de prendre en compte le travail que nous leur proposons.
Ce temps permet l'accompagnement après l'arrestation et après la condamnation. En effet, les auteurs, qui au départ se sentent plus victimes qu'auteurs de violences – même s'ils reconnaissent leurs actes –, se sentent ensuite doublement victimes quand ils sont arrêtés et condamnés. C'est en les amenant à jouer le rôle du juge en groupe de paroles qu'ils finissent par s'auto-condamner.
J'en viens aux bonnes pratiques, même si nous nous interrogeons toujours sur ce terme. Nous avons travaillé dans le cadre d'un programme européen, après une réunion sur ce thème en janvier 2008, à Berlin, où sont intervenus des représentants de presque tous les pays de la Communauté européenne. Nous avons donc mené ensemble une réflexion sur cette problématique, dont les résultats devraient être publiés bientôt.
Par ailleurs, la FNACAV, qui regroupe aujourd'hui plus d'une vingtaine de structures en France, a établi une première charte qui, sans énoncer à proprement parler des bonnes pratiques, y renvoie en indiquant les valeurs premières dans le travail que nous souhaitons faire.
C'est tout d'abord, bien sûr, le refus de la violence sous toutes ses formes, avec cette idée forte que l'intervention auprès des auteurs de violences est complémentaire des actions de justice et n'est pas une alternative à l'application de la loi.
C'est ensuite l'idée que l'auteur est seul responsable de ses actes, sauf en cas de légitime défense, prévue par la loi.
C'est d'autre part la conscience des limites de notre intervention, et de la nécessité de ne pas perdre de vue la sécurité des personnes dans notre travail : nous recevons des gens plus ou moins dangereux, certains très dangereux, et nous avons en ce sens des obligations légales et déontologiques.
Quatrième idée : la nécessité d'un travail en réseau et en partenariat.
Enfin, l'obligation de formation et de supervision des intervenants d'autant que la question du traitement des auteurs de violences conjugales est aujourd'hui enfin prise en compte. Ne pas le faire aboutirait à toujours et seulement soigner les victimes, alors que le but est de mettre fin aux violences, ou au moins de les ramener au niveau le plus bas possible.
Catherine Vasselier. Je voudrais ajouter une chose sur le protocole passé entre le procureur d'Aix-en-Provence et le réseau associatif.
Aujourd'hui, avant le jugement, nous recevons les personnes seulement deux fois (un entretien individuel et une séance en groupe) dans les deux mois qui suivent leur garde à vue et leur mise en cause. En effet, l'expérience nous a montré que, lorsque nous recevions les mis en cause plus souvent avant le jugement, il en résultait une absence de condamnation au moment du procès. Les deux rencontres que nous pratiquons maintenant n'ont donc pas pour objectif un travail thérapeutique: il s'agit simplement, dans ce temps très particulier où les auteurs de violences sont évincés du domicile conjugal, de les entendre, d'abord par rapport à leur garde à vue mais aussi, pour certains, sur le fait qu'ils ne voient plus leurs enfants ou se retrouvent dans un foyer d'hébergement. L'entretien individuel leur permet de poser tout cela, mais sert aussi à éviter que leur conjoint soit en danger car c'est la période pendant laquelle elle l'est le plus. Il est donc important d'avoir ces entretiens avec ces personnes, tout en évitant qu'ils aboutissent ensuite – et c'est là toute la difficulté – à une absence de condamnation par le magistrat ou encore à des peines minimes.