La rédaction de cette proposition de loi répond à l'une de nos préoccupations majeures depuis les années soixante-dix, à savoir les violences faites aux femmes. Malgré le corpus législatif, largement voté grâce aux féministes, la situation nous semble avoir progressé insuffisamment, et même, à certains égards, régressé. En 2004, les Cortes ont voté à l'unanimité une loi organique contre la violence de genre et nous nous sommes demandé pourquoi ne pas en faire autant.
Le Collectif ayant une expérience très concrète des violences subies par les femmes, il lui a semblé qu'il était temps qu'une loi globale et cohérente soit votée. Trente ans après le début de la lutte contre les violences faite aux femmes, les résultats sont insuffisants et l'État doit donner une impulsion nouvelle. Il faut s'attaquer à toutes les formes de violences, dans tous les domaines : éducatif, publicitaire, professionnel, sanitaire et social, en matière de droit d'asile comme dans le traitement des personnes prostituées et des victimes de l'esclavage moderne. Les guides de bonnes pratiques et la mutualisation des expériences intéressantes ne sont pas assez suffisants.
Le corpus législatif est exclusivement répressif, ou presque. Comme il est d'application difficile, il en devient inefficace. Comment, en effet, éradiquer les violences faites aux femmes sans insister sur la prévention, la formation des personnels, l'aide et le soutien, l'hébergement ? On ne peut pas rester tributaire des bonnes volontés locales. Il faut une loi globale et cohérente, qui s'appuie sur du concret.
Sur la question des violences psychologiques, les opinions au sein des pouvoirs publics divergent quant à la possibilité de les définir. Le relais de Sénart pourrait apporter une contribution utile parce qu'il a travaillé sur le délit spécifique de violence conjugale. Nous avons été prises par le temps pour rédiger la partie de la proposition de loi qui concerne les violences psychologiques, si bien que nous avons utilisé la définition du harcèlement moral mais ce n'est pas très satisfaisant. Il faut réprimer les violences psychologiques en tant que telles. La version initiale de la proposition de loi de 2006 les prévoyait expressément.
Quant à la création de juridictions spécialisées, nous ne proposons pas de tribunaux d'exception. Ces tribunaux respecteront la totalité des droits de la défense ! Le juge à qui sera confié le dossier instruira à charge et à décharge.
Pourquoi créer de telles juridictions ? Tout d'abord, parce qu'il manque une articulation entre droit civil et droit pénal. Ensuite, parce que les tribunaux sont débordés. On nous reproche de vouloir faire de la justice de genre mais il n'y a pas d'autre solution quand on sait qu'il existe des biais dans le droit et la justice ordinaires. Ainsi, le code civil a longtemps consacré l'infériorité des femmes et les tribunaux pénaux condamnaient pour adultère davantage les femmes que les hommes. Qu'il s'agisse d'une mesure transitoire ou pas, le retard est énorme. Les procureurs, débordés, sont tentés par le classement sans suite d'affaires toujours délicates. En outre, les magistrats et l'ensemble des personnels devraient être formés à accueillir les femmes victimes ; mais ces magistrats là seraient encore plus spécialement formés.
Enfin, l'ordonnance de protection reprend en partie des dispositions qui existent déjà. Nous travaillons autour de la prévention, pour que les décès à la suite de violences conjugales ne défraient plus la chronique. Il est fondamental de mettre en avant des mesures fortes, visibles et lisibles pour mieux protéger les femmes.