La présente proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, est le fruit d'une réflexion approfondie que chacun garde à l'esprit.
Une première proposition de loi a été déposée en novembre dernier à l'Assemblée nationale. La Commission des affaires culturelles s'est réunie à quatre reprises au mois de décembre 2008 et ses travaux ont donné lieu à la publication de deux rapports.
Ces débats ont ainsi permis d'améliorer la qualité du texte proposé. La discussion en séance publique a même été engagée le mercredi 17 décembre 2008.
C'est un dispositif très ciblé qui, au terme de ces discussions, est aujourd'hui soumis à notre Commission. Son objet est double.
D'une part, la présente proposition de loi vise à réaffirmer le principe du repos hebdomadaire le dimanche. On sait l'importance de ce principe consacré par la loi du 13 juillet 1906, que le Conseil économique, social et environnemental a qualifié avec justesse de « marqueur historique ». On sait aussi qu'il constitue toujours aujourd'hui un élément très structurant pour l'ensemble de la société.
Il ne s'agit donc pas – il faut, à la lecture des amendements déposés, une fois encore le répéter – de remettre en cause le principe du repos le dimanche. Il ne s'agit pas non plus d'étendre le travail du dimanche à l'ensemble du territoire national.
Les dispositions législatives de principe relatives au repos hebdomadaire le dimanche, qui figurent aujourd'hui à l'article L. 3132-3 du code du travail, sont réaffirmées par le présent texte et même enrichies. En effet, la proposition de loi vise à prévoir que c'est bien, comme l'atteste la jurisprudence, « dans l'intérêt des salariés » que le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
D'autre part, la présente proposition vise, conformément aux préconisations du Conseil économique, social et environnemental contenues dans un rapport de M. Léon Salto et une étude de M. Jean-Paul Bailly en 2007, à résoudre deux difficultés particulières, liées à des incohérences dans le régime de certaines dérogations au principe du repos hebdomadaire le dimanche. Les règles applicables actuellement sont parfois à l'origine de situations non seulement incompréhensibles, mais aussi injustes, dont les conséquences économiques et sociales ne peuvent être ignorées plus longtemps. Le présent texte propose les adaptations de nature à résoudre ces difficultés.
Premier point : dans les zones touristiques, la situation est incompréhensible pour les visiteurs, notamment étrangers. Il existe de fait une véritable difficulté juridique liée au régime prévu à l'article L. 3132-25 du code du travail, qui rend possible l'attribution par le préfet de certaines autorisations de repos hebdomadaire par roulement dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente.
Toutefois, ces autorisations ne peuvent être attribuées que pendant la ou les périodes d'activités touristiques, et sont limitées aux établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel. Nous avons tous présent à l'esprit l'exemple du magasin de vêtements qui peut ouvrir le dimanche car les vêtements qu'il vend sont considérés comme des créations de mode, alors que le magasin qui vend des vêtements qualifiés d'ordinaires ne le peut pas. Cette situation a été dénoncée à de nombreuses reprises, en particulier par le Conseil économique, social et environnemental. Par deux fois, celui-ci a estimé que, pour des raisons d'équité et de cohérence commerciale, l'autorisation d'ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques devrait être collective et s'appliquer à l'ensemble des commerces.
Compte tenu de ces incohérences, la proposition de loi vise à modifier le régime qui figure à l'article L. 3132-25 du code du travail, en supprimant à la fois la condition relative à la période durant laquelle l'autorisation est applicable et celle relative au type d'établissement concerné, de sorte qu'un même traitement soit réservé, de droit, à l'ensemble des commerces au sein d'une même commune ou d'une même zone touristique.
Le second point est également clairement identifié. Dans certaines grandes agglomérations – la région parisienne ou les environs d'Aix-en-Provence –, des salariés ont exprimé le souhait de travailler le dimanche. Cette demande est souvent réitérée depuis de nombreuses années. La zone de « Plan de Campagne » dans les Bouches-du-Rhône emploie ainsi des salariés le dimanche depuis quarante ans. Il en va de même de magasins du centre commercial « Art de Vivre », à Éragny, depuis son ouverture voici près de vingt ans. Ces zones, comme d'autres, bénéficient d'ailleurs d'arrêtés préfectoraux.
Il est vrai que l'article L. 3132-20 du code du travail prévoit déjà que, lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet selon une modalité dérogatoire au droit commun. Ce régime n'est toutefois pas sans limites, comme l'a observé le Conseil économique, social et environnemental, lequel a estimé que, sur le fondement de cet article, « la jurisprudence du Conseil d'État ne permet [pas] de prendre en compte, en cas de fermeture le dimanche, (…) l'intérêt manifeste du consommateur (...) ». Il a ajouté : « L'appréciation des critères du "préjudice au public" ou du trouble "au fonctionnement normal de l'établissement" pourrait être modernisée en tenant compte de l'intérêt manifeste pour le consommateur d'avoir plus aisément accès à un établissement commercial qui ouvrirait le dimanche, situé dans une zone géographique difficilement accessible le reste de la semaine, pour effectuer des achats ayant un caractère familial… ».
C'est pour répondre à ces difficultés que la présente proposition de loi ouvre la possibilité au préfet de délimiter des « périmètres d'usage de consommation exceptionnel » – les fameux « PUCE » – qui seraient caractérisés, au sein d'unités urbaines de plus de 1 000 000 habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, l'importance de la clientèle concernée et l'éloignement de celle-ci de ce périmètre : autrement dit, dans les lieux où l'on a l'habitude de consommer le samedi et le dimanche, sur les sites où il existe des flux de clientèle importants ces jours-là.
En outre, cet usage de consommation exceptionnel pourra être caractérisé par la proximité immédiate d'une zone frontalière, où il existe un usage de consommation de fin de semaine, pour tenir compte de la concurrence produite par cet usage.
Aux termes du dispositif proposé, le préfet délimite ces périmètres sur demande du conseil municipal, au vu des circonstances particulières locales et après avis de l'organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d'agglomération ou de la communauté urbaine, le cas échéant.
Ces autorisations ne pourront ensuite être accordées par le préfet qu'au vu d'un accord collectif ou, en l'absence d'un tel accord, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum auprès des personnels concernés par la dérogation au repos dominical. L'accord collectif devra fixer les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical, ainsi que les engagements pris en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.
En l'absence d'accord collectif applicable, une décision unilatérale de l'employeur pourra être prise après avis des représentants du personnel – comité d'entreprise ou délégués du personnel – lorsqu'ils existent et après un référendum. Dans ce cas, le texte de la proposition de loi prévoit que le salarié bénéficiera au minimum d'un doublement de salaire et d'un repos compensateur.
De manière à ce que ce régime soit dans tous les cas fondé sur le volontariat, des garanties importantes sont prévues au profit des salariés : seuls les salariés ayant explicitement donné leur accord à l'employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement d'une telle autorisation. En cas d'absence d'accord de la personne concernée, une entreprise bénéficiaire d'une telle autorisation ne peut prendre en considération cette circonstance pour refuser de l'embaucher. Le salarié qui refuserait de travailler le dimanche ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire et ce refus ne peut être constitutif d'une faute ou d'un motif de licenciement.
Il est aussi prévu que ces autorisations ne pourront être attribuées aux commerces de détail alimentaire, au premier rang desquels les grandes surfaces, de manière à protéger le petit commerce.
Enfin, l'article unique de la proposition de loi contient une dernière mesure de manière, là encore, à inscrire dans la loi une recommandation du Conseil économique, social et environnemental. Afin de tenir compte des rythmes de vie actuels et mettre le droit en accord avec les faits, il est proposé que le repos hebdomadaire donné aujourd'hui dans les commerces de détail alimentaire le dimanche à partir de midi le soit désormais à partir de treize heures.
Tels sont donc les objectifs – et les seuls objectifs – poursuivis par la présente proposition de loi.
Préalablement à la présente discussion, j'ai naturellement entendu les partenaires sociaux afin de recueillir leur avis sur ce texte. Ils ont, notamment, fait observer que la disposition, qui figure à l'alinéa 20 de la proposition de loi, selon laquelle « à la demande du salarié, il peut être tenu compte de l'évolution de sa situation personnelle », ce que l'on appelle le problème de la réversibilité, pouvait encore être enrichie. Pour être franc avec vous, nous voulions que cette disposition nous permettre d'ouvrir la porte à la discussion avec les partenaires sociaux, ce qui a été le cas.
À la suite des échanges que nous avons eus, j'ai rédigé un amendement qui renvoie à la négociation collective le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur devra prendre en compte l'évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical. Cet amendement prévoit en outre qu'en l'absence d'un tel accord, l'employeur aura l'obligation, chaque année, de proposer au salarié travaillant le dimanche une priorité en vue d'occuper un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche. Cet amendement ouvre aussi la possibilité à tout salarié travaillant le dimanche de demander à tout moment à bénéficier d'une priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche.
Voilà autant de sujets sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir dans le détail lors de l'examen de l'article unique.