Je vous remercie de me donner la possibilité de vous parler de ce projet consistant à donner une définition légale des violences à caractère psychologique, et pour lequel je me bats depuis près de deux ans.
En l'état actuel de la législation, seule la violence à caractère physique, est prise en compte dans le code pénal et dans le code civil. Or la violence à caractère psychologique est le ciment de la violence conjugale : aucune femme victime ne dira avoir subi de violence physique sans avoir, au préalable, subi l'emprise de son conjoint. D'une soumission par les mots, l'auteur passe à une soumission par les coups. Ce processus est irréversible.
Les lois ayant introduit les notions de violences en tous genres ou de violence mettant en danger la victime – soit une définition très large des violences –, il devrait normalement être possible de prendre en compte la violence à caractère psychologique. Or cette notion étant extrêmement complexe – elle comprend notamment des micro-violences –, il est impossible à un policier et un magistrat de la qualifier. Aucun de mes dossiers ne comporte une plainte enregistrée par un policier sur la base d'une violence à caractère psychologique. Si aucune plainte de ce genre n'est déposée, le juge aux affaires familiales ne pourra jamais asseoir sa décision sur cette base non plus. En matière pénale, selon le principe de légalité, le magistrat ne peut entrer en voie de condamnation si le délit n'est pas défini dans ses éléments. Or aujourd'hui, comment un magistrat pourrait-il le faire alors dans la mesure où la violence psychologique ne l'est pas ?
La situation actuelle est donc la suivante : la violence des coups est condamnée, mais la violence des mots n'est jamais abordée ! L'enquête ENVEFF – Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France démontre pourtant que les séquelles traumatologiques chez la femme victime de violences conjugales à caractère psychologique sont considérables et plus graves que les violences conjugales à caractère physique !
Définir les violences à caractère psychologique non seulement permettra à l'appareil judiciaire de les qualifier, mais aussi aidera les victimes à nommer ce qu'elles vivent. L'emprise psychologique induit l'impossibilité psychique chez les victimes de faire la distinction entre ce qui est tolérable et intolérable, acceptable et inacceptable. Or, les lois n'aident pas ces femmes à faire cette distinction et à prendre conscience de l'illégalité de la situation dans laquelle elles se trouvent. Une définition légale, claire et précise, le leur permettra : son intérêt fondamental est là.