Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Laurent Wauquiez

Réunion du 5 novembre 2008 à 16h00
Commission élargie

Laurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi :

Je commencerai par quelques précisions sur l'orientation du budget qui vous est proposé. Comme l'ont relevé plusieurs d'entre vous, ce budget poursuit les réformes fondamentales de notre politique de l'emploi – nous verrons notamment aboutir en 2009 deux réformes importantes, la mise en place de Pôle emploi et la réforme de la formation professionnelle. Le fait que ces réformes aient heureusement été anticipées et enclenchées avant la crise nous permettra de bénéficier lorsqu'elle battra son plein, au début de 2009, d'outils de politiques de l'emploi réformés et beaucoup plus efficaces – c'est-à-dire représentant pour les salariés ou les demandeurs d'emploi un gain d'efficacité de 15 % à 20 %, selon les évaluations. En d'autres termes, le fait de bien accompagner un demandeur d'emploi accélère de 15 % à 20 % son retour à l'emploi. Les gains sont donc considérables, la barrière haute étant fixée par le modèle suédois du service public de l'emploi, qui est sans doute le plus performant en la matière.

Les contrats aidés ont été relancés dès le début juillet avec l'ajout de plus de 60 000 de ces contrats, avant même que nous n'entrions, à la rentrée, au coeur de la crise.

Le budget qui vous est proposé traduit donc la poursuite d'un effort de fond fait de réformes destinées à changer le visage de l'emploi et heureusement anticipées.

En deuxième lieu, nous entrons dans une période de crise qui, sur le front de l'emploi, se traduira par une phase difficile qui pourrait, d'après les évaluations dont nous disposons, durer un an.

M. Vercamer a très justement souligné que le calendrier d'élaboration d'un budget ne prévoit pas forcément l'irruption d'une crise d'une telle ampleur. Il n'est pas possible de réclamer à la fois que le budget reste inchangé et que le Gouvernement réagisse face à la crise, en particulier lorsque certains dossiers exigent une négociation avec les partenaires sociaux – comme les conventions de reclassement et les CTP.

Pour l'essentiel, le budget n'est pas destiné à varier, mais il y aura des ajustements liés aux mesures présentées par le Président de la République à Rethel, concernant notamment la sécurisation sociale professionnelle et les contrats aidés. Les autres mesures consistent à revoir le fonctionnement de Pôle emploi – ce qui peut se faire sans sortir du périmètre de ce dernier – et à agir sur la formation professionnelle. Sur ce dernier point, la négociation est encore en cours et nous tiendrons informée la représentation nationale.

Gardons-nous, par ailleurs, de penser que la politique de l'emploi se limite au budget nous examinons aujourd'hui, en oubliant les 4,5 milliards d'euros correspondant au fonctionnement de Pôle emploi et les 26 milliards d'euros destinés à la formation professionnelle. Ces montants sont considérables. La question est de savoir si chaque euro est correctement fléché et évalué et s'il va aux personnes qui en ont besoin.

Dans ses grandes masses, ce budget traduit la volonté de prioriser des publics que nous considérons comme essentiels pour notre action. Le premier de ces publics, monsieur Gille, est celui des jeunes. De fait, le budget prévoit la mise en place du contrat autonomie, avec 45 000 entrées en trois ans et une dotation de 50 millions d'euros en 2009. L'enveloppe spécifiquement destinée aux jeunes est donc renforcée et s'élèvera à 340 millions d'euros.

M. Gorce et M. Cherpion ont attiré notre attention sur la situation des travailleurs en situation de handicap. Le dispositif prévoit un renforcement des 20 000 aides au poste dans les entreprises qui ont été budgétées dans le projet de loi de finances pour 2009 et une augmentation de plus de 4 % des crédits destinés aux personnes en situation de handicap.

Troisième priorité : Pôle emploi et sa réforme. La dotation et l'effort de l'État en faveur de Pôle emploi sont maintenus, sans oublier, monsieur Gille, la question de l'abondement prévu dans le cadre de la loi votée sur le RSA. La dotation fléchée porte sur les comptes clos, c'est-à-dire ceux de 2007. Avec le montant de l'aide apportée par l'UNEDIC sur l'année à venir, qui atteindrait environ 3,2 milliards d'euros, le fonctionnement de Pôle emploi est assuré, du moins pour la phase de mise en place.

Je reviendrai dans un instant sur les contrats aidés et le financement de ceux qui n'étaient pas prévus initialement.

Je remercie Frédéric Lefebvre et Gaëtan Gorce d'avoir posé la question fondamentale de l'évaluation de notre politique de l'emploi. Nous affectons des centaines de millions d'euros à diverses structures – Maisons de l'emploi, Missions locales, PLIE… – mais leur effet n'est pas mesuré. Dans le cadre de la présentation de ce budget, nous avons essayé autant qu'il était possible de répondre aux questions posées par vos deux rapporteurs et de fournir des mesures d'impact. Mais cela ne suffit pas ; je reviendrai devant vous pour présenter l'ensemble des tableaux que nous avons décidé d'établir afin de disposer, désormais, d'indicateurs de suivi et d'efficacité pour tous les instruments de la politique de l'emploi. Notre but, en effet, est non seulement de mesurer la « production » – nombre de jeunes reçus en mission locale, nombre de demandeurs d'emploi ayant fait l'objet d'un suivi, par exemple –, mais aussi de mesurer l'efficacité des outils – en sachant combien de jeunes passés par la mission locale ont trouvé un emploi rapidement, ou combien de personnes passées par les « clubs seniors » de Pôle emploi ont trouvé un emploi plus vite. Messieurs Lefebvre et Gorce, je vous propose que nous fassions une présentation conjointe de ces tableaux, puisque vous êtes à l'origine de cette démarche.

Pour Pôle emploi, le tableau comportera une dizaine d'indicateurs répartis en deux types : d'une part, les indicateurs de suivi de la mise en place du nouveau service ; d'autre part, les indicateurs mesurant l'efficacité de l'accompagnement réalisé. Nous voulons en effet savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas, et cela vaut aussi pour les Maisons de l'emploi, pour les missions locales ou pour les PLIE. Je pense qu'il y a là des gisements d'efficacité considérables.

J'en viens à diverses questions précises.

Frédéric Lefebvre m'a interrogé sur l'allocation de fin de formation. Son financement conjoint par l'UNEDIC et par l'État avait quelque chose d'ubuesque, s'agissant d'un dispositif qui relève d'une logique assurantielle et non d'une logique de solidarité. Sa mise en place a été décidée en 2001, à une époque où l'UNEDIC était dans une situation financière difficile. Depuis, les comptes de l'UNEDIC se sont redressés, au point que l'excédent prévisionnel est de quatre milliards pour 2009 ; il paraît donc légitime, dans un souci de clarification des responsabilités, de demander aux partenaires sociaux que l'assurance chômage prenne en charge ce dispositif. Au demeurant, il n'est pas bon d'avoir recours à ce point aux allocations de formation : cela signifie en effet que lorsqu'on prend en charge un demandeur d'emploi, on ne lui propose pas assez vite une formation, ce qui contraint à la financer au-delà de sa période d'indemnisation. C'est le signe d'une politique de l'emploi insuffisamment réactive, situation que nous voulons améliorer avec Pôle emploi. Là aussi, les gisements sont importants : on compte aujourd'hui environ 37 000 bénéficiaires de l'allocation ; le but est de réduire ce nombre au moins de moitié, en proposant les formations suffisamment tôt pour qu'elles s'achèvent avant la fin de la période d'indemnisation.

Vous m'avez également interrogé, Monsieur Lefebvre, sur les services à la personne, sujet qui vous tient à coeur. Ce secteur bénéficie de nombreuses exonérations ou déductions sociales et fiscales, dont la justification est double. D'une part, c'est un secteur fortement employeur, qui a créé près de 300 000 emplois au cours des deux dernières années et qui va continuer à se développer ; l'entreprise O2, par exemple, s'apprête à recruter 3000 personnes supplémentaires, c'est-à-dire à doubler son effectif. D'autre part, ces exonérations et déductions découragent le travail au noir. Cependant, il avait semblé possible au Gouvernement de ramener les exonérations de cotisations sociales de quinze à dix points, ce qui maintiendrait le coût du travail déclaré nettement en dessous du coût du travail au noir et représenterait, pour le particulier employeur, une hausse du coût horaire relativement limitée, inférieure à un euro sur la base du SMIC. Mais nous avions proposé cette mesure avant le début de la période difficile que nous traversons en matière d'emploi ; nous sommes donc tout à fait ouverts à une discussion avec vous sur la base de votre amendement, dès lors qu'une saine évaluation permettrait de montrer qu'en rester à quinze points aurait bien un effet positif en termes d'emploi.

En ce qui concerne Pôle emploi, je réponds en même temps à M. Vercamer. Quand je suis arrivé, j'ai trouvé quelque peu surréaliste que les premières retombées concrètes de ce vaste chantier ne soient attendues que pour 2010. Certes, c'est une réforme qui concerne 45 000 agents, dont les statuts, les cultures professionnelles, les modes de fonctionnement sont différents ; mais deux ans, c'était vraiment trop. J'ai donc demandé une grande accélération, en distinguant deux phases. D'ici à la fin de cette année, toutes les fondations administratives de l'édifice devront avoir été posées, qu'il s'agisse de la mise en place des dirigeants, des choix d'organisation territoriale ou de la formation des agents. Et en 2009, je veux voir des résultats concrets sur le terrain. Nous avons mis en place un dispositif de suivi, avec des indicateurs. À la fin de l'année, il faut que nous ayons cent guichets uniques nouvelle version, répartis sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, dans le cadre de la mission Boulanger, nous avons travaillé à la rénovation de l'offre de services aux demandeurs d'emploi. Au premier trimestre 2009, il faut que nous montions à 30 % de guichets uniques, à l'été 2009 à 100 % ; et dans le même temps, il faut que le service change : le demandeur d'emploi devra avoir un entretien unique – et non deux entretiens redondants – et une seule personne pour assurer son suivi pendant toute sa période de recherche.

La mise en place de Pôle emploi doit également se traduire par un renouvellement de la relation avec les employeurs, qui trop souvent ont eu l'impression de ne pas avoir la possibilité d'un partenariat durable avec le service public de l'emploi. Ce partenariat existe déjà dans nombre de cas, mais il faut qu'il se généralise : je ne veux pas qu'on se contente de punaiser des offres d'emploi sur un mur ; il faut une force de prospection pour aller les chercher, et il faut aussi être capable de réagir lorsqu'une offre ne trouve pas preneur, par exemple en mettant en place une formation adaptée.

Enfin il faut, dans le cadre de Pôle emploi, constituer des forces de frappe beaucoup plus efficaces. Aujourd'hui, l'organisation du service est structurée par territoire, mais les forces qui sont sur place n'ont pas forcément les moyens de réagir dans certaines situations d'urgence. Il nous faut donc disposer de forces susceptibles d'être mobilisées pour leur apporter un soutien.

Le demandeur d'emploi bénéficiera ainsi d'un service public de l'emploi profondément renouvelé, y compris par divers progrès concrets, en matière d'horaires d'ouverture ou de mise en ligne par exemple.

Monsieur Gorce, je vous répondrai d'abord sur les CTP et, plus généralement, sur l'ensemble des dispositifs de transition professionnelle. Il s'agit de la composante « sécurité » de la « flexisécurité » : dans un contexte économique qui amène un salarié à avoir plusieurs périodes d'emploi pendant sa vie professionnelle, et où les périodes de crise peuvent être dures, nous devons disposer des outils permettant à un salarié de rebondir. Le plus grave en effet, ce n'est pas de perdre un emploi, c'est de se dire qu'on ne va pas en retrouver. Le Président de la République a annoncé le dispositif du CTP, qui comporte deux étages. Il s'agit tout d'abord de mettre en place un contrat de transition professionnelle généralisé sur l'ensemble du territoire, destiné à se substituer à la convention de reclassement personnalisé – CRP –, qui ne marche pas ; ce n'est pas le CTP expérimenté aujourd'hui, mais un CTP généralisé, version largement améliorée de la CRP. En second lieu, nous avons besoin d'un outil supplémentaire pour certains territoires, qui souffrent plus que d'autres ; c'est le CTP plus, qui tire les leçons de l'expérimentation faite dans sept bassins d'emploi.

J'en viens aux aspects budgétaires. S'agissant du CTP généralisé, il doit y avoir – selon un principe d'équilibre entre démocratie politique et démocratie sociale – des négociations avec les partenaires sociaux ; nous souhaitons qu'elles aboutissent assez vite pour que nous puissions vous en rendre compte avant la fin de l'année. S'agissant des CTP plus, qui relèvent d'un dispositif législatif, Pierre Méhaignerie et Gérard Cherpion ont proposé une première étape sur les sept bassins d'emploi d'expérimentation ; j'espère qu'un amendement au budget sera possible.

En ce qui concerne les contrats aidés, qui vont représenter 250 millions supplémentaires, là encore je souhaite que, vraisemblablement devant l'Assemblée nationale, un amendement au budget soit adopté. Ces sommes résulteront de redéploiements, mais pas à l'intérieur du budget de l'emploi ; il s'agit donc bien d'un abondement supplémentaire de celui-ci.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion