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Intervention de Günter Verheugen

Réunion du 12 mai 2009 à 11h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Günter Verheugen :

Merci pour ces propos chaleureux, et pour les avoir tenus dans ma langue maternelle – un bel exemple d'entente franco-allemande. Je vous suis très reconnaissant de me donner l'occasion d'évoquer l'un des projets les plus importants de la politique européenne, que la crise économique que nous traversons rend encore plus essentiel. Je suis également heureux que la France se soit emparée récemment de cette question de la simplification, grâce à l'engagement de l'Assemblée nationale et en particulier de sa commission des lois. J'ai déjà eu un échange de vues sur ce sujet avec M. Warsmann il y a quelques mois à Bruxelles.

« Mieux légiférer » est l'un des principaux projets politiques de l'Union. Si la réflexion portait à l'origine sur l'amélioration de la qualité de nos règles juridiques, la simplification est devenue aujourd'hui un élément clef de notre stratégie pour la croissance et l'emploi. Elle doit faire l'objet d'une étroite coopération avec les États membres, parce que les économies nationales ne pourront en tirer des bénéfices que si nous travaillons ensemble. Mon approche s'inscrit dans une perspective économique, même si la question peut être abordée sous un autre angle, juridique ou démocratique par exemple. Mais au fil des ans, il est apparu que ce projet va bien au-delà : il pose tout simplement la question de l'organisation des relations entre l'État et ses citoyens au XXIème siècle. Au cours de ces derniers mois, le sujet a pris encore plus d'importance. Je me réjouis que les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne aient suivi mes propositions il y a quelques semaines. Le programme « Mieux légiférer » est aujourd'hui un instrument essentiel de l'Europe pour combattre les difficultés conjoncturelles : bien utilisé, il permettra de réduire nettement les coûts de nos économies nationales sans faire peser la moindre charge sur le contribuable. Il devrait donc être à l'origine de gains de productivité massifs.

J'insiste sur le fait que mieux légiférer ne revient pas à déréglementer. Le malentendu est malheureusement répandu. Il ne s'agit pas de réduire des exigences ni d'abaisser des standards de sécurité ou de qualité, mais de savoir si l'objectif politique de la loi peut être atteint de manière moins coûteuse et plus simple. On ne renonce en aucun cas à cet objectif politique. Nous aurons toujours besoin de règles – et la crise à laquelle nous sommes confrontés le confirme. Elle a montré que l'approche anglo-saxonne selon laquelle il ne devrait pas y avoir de règles dans l'économie est erronée, et a conforté la vision allemande et française. Nous aurons donc toujours besoin de règles, mais elles doivent être raisonnables et efficaces, notamment en termes de coûts.

Il y a quelques semaines, la Commission a présenté sa troisième réflexion stratégique sur l'amélioration de la réglementation. Le point le plus important consiste en la réduction de la charge administrative : depuis 2007, nous conduisons un programme d'action pluriannuel pour baisser les charges qui pèsent sur les entreprises européennes. Nous avons établi un objectif de réduction de 25 % d'ici à 2012. La Commission a déjà présenté des mesures qui représentent un potentiel d'économies de 30 milliards par an pour les entreprises européennes. Bien d'autres vont encore être élaborées, de sorte que les économies réalisées dépasseront sans doute largement l'objectif de 25 %.

Je serai très sensible au soutien de la France, tant pour l'élaboration des lois issues du programme que pour leur mise en oeuvre. Par souci de rapidité, le programme d'action a bénéficié de procédures accélérées, comme il en existe en France. Des ensembles de mesures ont déjà été présentés en 2007 et 2008. Sur vingt-et-une mesures proposées, douze ont été acceptées. Certaines sont retardées du fait de la procédure de codécision entre le Parlement et le Conseil. Il est très difficile d'adopter rapidement des lois lorsque les autres institutions n'y accordent pas la même priorité, ou n'ont pas la possibilité d'avancer aussi vite. Il faut une majorité au Parlement européen et au Conseil des ministres, et la France y joue un rôle clef. La Commission va faire le maximum pour que ces mesures, qui touchent au total 72 textes dans treize domaines juridiques, soient toutes présentées avant la fin de son mandat.

Un élément clef de la stratégie de la Commission est une exécution en commun avec les 27 États membres. Le programme a élaboré sa propre dynamique et sert aujourd'hui d'exemple à de nombreux États membres. Fin 2006, seuls sept d'entre eux avaient établi des objectifs nationaux de réduction mais ils sont vingt-quatre aujourd'hui et je suis convaincu que les trois qui restent feront de même d'ici la fin de l'année. Ainsi, tout le monde sera embarqué dans ce projet. Les États membres suivent les propositions de la Commission et se concentrent sur les charges bureaucratiques qui pèsent sur les entreprises. Nous utilisons le même modèle standard de coûts pour toute l'Europe, des coûts que nous avons analysés de manière systématique avant d'élaborer nos mesures. Nous avons aussi, en interrogeant les entreprises, accumulé beaucoup d'informations sur la façon dont elles suivent les réglementations, ce qui nous a permis de mieux définir nos objectifs.

Nos actions d'allégement des procédures se concentrent sur les procédures administratives particulièrement contraignantes pour les acteurs économiques. Nous devons interroger tous ceux qui sont confrontés, directement ou indirectement, à la législation européenne. La Commission a mis en place un groupe consultatif de haut niveau réunissant des représentants de confédérations professionnelles, d'associations de défense des consommateurs et d'autres forces de la société sous la direction d'Edmund Stoiber, homme politique éminemment expérimenté. Nous recevons aussi des contributions des États membres, tel le rapport de M. Warsmann de décembre 2008 sur la qualité et la simplification des lois, qui renvoie à de nombreuses reprises à notre programme. Ce rapport contient toute une série de simplifications possibles, notamment en droit communautaire, et évoque les obligations supplémentaires liées à la transposition en droit national. Il apparaît qu'on peut profiter des lois européennes pour aller plus loin que ce qu'on a jamais osé faire au niveau national !

Le programme d'action accorde une importance particulière au droit des sociétés. La Commission a fait plusieurs propositions dans ce domaine, qui sont en cours d'examen au Parlement et au Conseil et représentent à elles seules un potentiel d'économies de 7 milliards d'euros par an pour les entreprises européennes. L'adoption de ces propositions sera déterminante pour remplir notre objectif de 25 % de réduction des charges administratives. Deux d'entre elles suscitent toutefois un blocage de la part du Conseil et j'aimerais que les députés français aident la Commission à convaincre leur gouvernement de les soutenir. La première, qui émane à la fois du Parlement européen et du groupe Stoiber, permettrait aux États membres d'exonérer les PME de certaines dispositions et pourrait leur faire réaliser ainsi une économie de 6 milliards d'euros. Chaque État membre pourrait décider de conserver le système actuel ou de mettre en place le régime simplifié. L'environnement général des PME variant évidemment selon chacun des États, il est bien préférable, dans l'esprit de la subsidiarité, de nous en remettre à ces derniers pour élaborer une législation nationale plutôt que d'imposer à tous des règles européennes. La France, qui aurait toute liberté pour adapter cette possibilité à son propre système, devrait pouvoir accepter cette proposition.

La deuxième proposition concerne la suppression d'une obligation tout à fait désuète : celle pour les entreprises de publier dans la presse certaines informations qui sont déjà disponibles sur internet. Plus personne ne se sert aujourd'hui de ces annonces légales très coûteuses pour les entreprises, mais certains médias ont évidemment fortement intérêt à ce qu'elles soient maintenues ! Toutefois, si les autorités politiques ont l'intention de subventionner la presse, il me semble qu'elles devraient le faire sur un budget propre et non pas en imposant une redevance aux entreprises. Il n'y a aucune raison objective pour conserver ces annonces légales, si ce n'est que certains éditeurs français ou autrichiens se sont plaints à leurs gouvernements d'une perte de chiffre d'affaires. C'est d'ailleurs un problème récurrent lorsque l'on veut mieux légiférer : tout le monde est d'accord sur le principe, mais on se heurte très vite à des difficultés dans la pratique !

La réduction de la charge administrative nécessite une coopération entre l'Union européenne et les instances nationales. Ce n'est que par des efforts communs que nous pourrons soulager les entreprises et leur permettre de concentrer leurs ressources sur leur activité propre.

En vue d'améliorer la qualité de la réglementation européenne, la Commission a mis en place un système d'études d'impact obligatoires pour les nouveaux textes. Ce système, qui profite des enseignements de différentes expériences nationales, me semble très solide. Il permet, par une approche intégrée, l'analyse de tous les aspects, économiques, sociaux et environnementaux, d'un texte et s'applique à toutes les initiatives importantes. Nous avons institué aussi un contrôle de la qualité de ces études, qui améliore d'autant leur transparence. Toutes les études d'impact ainsi que leur évaluation deviennent publiques dès que la Commission a adopté la proposition visée. Les services de la Commission font une analyse poussée des propositions du point de vue de la subsidiarité et prennent aussi en considération leurs effets nationaux et régionaux, ainsi que leurs répercussions spécifiques sur les petites et moyennes entreprises – dans la ligne du Small Business Act – et pour les consommateurs. Je me réjouis que la réforme constitutionnelle française rende de telles études d'impact obligatoires, dans le respect des principes de proportionnalité. Nous sommes tout à fait disposés à partager notre expérience, puisque nous avons déjà mené plus de deux cents de ces études, dont on peut déjà tirer quelques conclusions générales.

Je voudrais souligner le fait que le programme de simplification n'a qu'une conséquence économique indirecte : la réduction massive du volume de la réglementation européenne rendra l'application du droit européen plus simple, mais elle ne changera pas sa teneur. La France, en préparant une cinquième loi de simplification, montre qu'elle comprend la nécessité de cet objectif. À l'échelon européen, l'initiative revient à la Commission. Celle-ci a déposé depuis 2005, début de son mandat, 185 propositions de simplification, dont 137 ont déjà été adoptées. Le résultat est une réduction du volume de l'acquis communautaire de 1300 textes déjà, soit 10 % du total ! La Commission a aussi entrepris des actions de codification. Ainsi, 436 textes, si amendés, modifiés, révisés que plus personne ne peut s'en servir sont prêts à être codifiés, ce qui permettra une simplification massive sans modifier en rien leur substance. Le programme prévu dans ce domaine devrait être bouclé à la fin de notre mandat.

Je voudrais enfin souligner l'importance macroéconomique de ce projet. La réduction des charges administratives ne doit pas être confondue avec les coûts de conformité – ceux que supportent les entreprises lorsqu'elles doivent, par exemple, faire des investissements pour satisfaire à de nouvelles normes de consommation énergétique. La réduction des charges administratives ne vise que les obligations de rapports, informations, saisies statistiques – tout ce que les Allemands appellent « guerre de la paperasse ». Or le coût de cette paperasse représente environ 3,5 % du PNB européen. S'en débarrasser complètement suffirait à compenser – de façon théorique bien sûr – l'impact de la crise actuelle !

Une réduction de 25 % des charges administratives représente 110 à 120 milliards d'économies. Or, environ 50 % des coûts sont exclusivement liés à la législation nationale. Bruxelles n'y peut rien : c'est aux États de jouer ! Le reste se décompose en coûts directs liés à la législation européenne et coûts liés à sa transposition en droit national. Ce sont des ordres de grandeur significatifs. C'est pourquoi plusieurs États membres ont fait de ce sujet une de leurs priorités. La Chancelière Angela Merkel a fait de même et la réduction de la bureaucratie et des coûts pour les entreprises est devenue un sujet capital pour l'opinion publique allemande. Les efforts que nous menons depuis quatre ans ont en outre conduit les entreprises européennes à revoir leur position sur l'Europe : elles reconnaissent beaucoup plus facilement que celle-ci offre un environnement favorable à leur activité.

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