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Intervention de Michel Sapin

Réunion du 12 mars 2009 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Sapin :

Je ferai pour commencer deux remarques d'ordre personnel.

Tout d'abord, je comprends, monsieur le président, que votre position soit difficile. Il n'est pas facile d'avoir à répondre après que le Président de la République s'est exprimé pour dire une chose inexacte. Quand on a, comme vous, le sens de ses fonctions, la situation présente doit être particulièrement pénible à vivre, et cela peut expliquer des propos inutilement désagréables.

Ensuite, en 1993, j'étais ministre des finances. Pourquoi ces dispositions ont-elles été prises ? D'abord, si le délit de prise illégale d'intérêt n'a pas été inventé à l'époque, il a été redéfini et précisé à ce moment. Ensuite, et surtout, comme vient de le dire M. Montebourg et comme je l'avais dit à l'époque devant les parlementaires, notamment devant la commission des lois de l'Assemblée nationale que j'avais présidée quelques mois auparavant : mieux vaut prévenir que punir.

L'attente du jugement ouvre en effet une période d'incertitudes. Des soupçons pèsent sur les personnes – parfois inutilement, parce que ce n'est pas parce que l'on est nommé à la tête d'un groupe privé après avoir exercé des fonctions dans un cabinet ministériel ou au secrétariat général de l'Élysée que l'on est pour autant une vile personne. Des soupçons pèsent sur l'institution – et je pense que nous sommes nombreux ici, sur tous les bancs, à être attachés à la morale publique et au bon fonctionnement de l'État ; vous en êtes d'ailleurs, monsieur le président, une digne illustration. Des soupçons, enfin, pèsent sur l'entreprise concernée, ouvrant, comme c'est le cas aujourd'hui, une période d'incertitude, notamment quant à ses modes de direction. Il est donc préférable de prévenir.

C'est pourquoi, sous l'autorité du Premier ministre de l'époque, Pierre Bérégovoy, j'avais souhaité, dans une loi qui porte aujourd'hui mon nom, mettre en oeuvre des mécanismes de prévention des phénomènes de corruption et des mélanges indignes entre la sphère publique et la sphère privée. Vous comprendrez, monsieur le président, que je sois attaché au respect de ces principes, et que, comme citoyen et comme parlementaire, je puisse m'autoriser à exprimer une opinion sur ce sujet sans être pour autant qualifié de « soviétique ».

Cela étant dit, je souhaite vous poser quelques questions précises.

Vous l'avez souligné, la législation a évolué depuis 1993. La loi de 1993 avait voulu être exhaustive et couvrir toutes les situations ; au bout du compte, elle en a couvert trop, encombrant ainsi le travail de la commission. En 2007, sous l'impulsion de votre prédécesseur, la loi a été modifiée dans un esprit de simplification, de manière à privilégier l'essentiel sur l'accessoire. Toutefois, à force de vouloir aller à l'essentiel, n'a-t-on pas fini par créer une situation qui permet d'éviter de le traiter ? En effet, si l'affaire Pérol n'est pas l'essentiel, où est-il ? Sans préjuger ni du jugement de votre commission, si elle était saisie, ni de celui du juge pénal, qui sera saisi, connaissez-vous beaucoup d'affaires d'une telle importance, où le problème de la collusion d'intérêt se pose avec autant d'acuité ?

De fait, votre commission se trouve dans une position étonnante. Sa saisine est obligatoire dans un certain nombre de cas, qui sont ceux punis par la loi du point de vue pénal ; or la seule autorité qui puisse dire, de manière préventive, si un dossier entre dans ce champ, c'est votre commission – laquelle devrait par conséquent se prononcer préalablement sur le fond… Il est bien évident que si l'on craint que la commission donne un avis négatif, on ne la saisira pas. Cette étrangeté avait d'ailleurs été parfaitement résumée par le Canard enchaîné, dans un dessin représentant l'analyse de la situation par deux personnalités que je ne nommerai pas : « Dans un cas, elle n'est pas compétente ; dans l'autre, elle donne un avis favorable ».

Ayant eu l'occasion de vous côtoyer dans d'autres circonstances, monsieur le président, je comprends que tout cela vous place dans une position juridiquement et humainement terriblement compliquée. La commission aurait dû être saisie, mais il n'y a qu'elle, si elle avait été saisie, qui aurait pu dire qu'elle aurait dû être saisie ; or elle n'a pas été saisie. Voilà qui est impossible à comprendre !

Souhaitez-vous, monsieur le président, une modification de la loi sur ce point, afin d'éviter semblable confusion dans l'avenir ?

Par ailleurs, en votre âme et conscience, en tant que président de cette commission, membre du Conseil d'État, et étant attaché comme vous l'êtes aux questions de déontologie, souhaitez-vous – ce qui est encore possible aujourd'hui – que la commission de déontologie soit saisie du cas Pérol ?

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