Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 12 mars 2009 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Montebourg :

Je voudrais revenir sur l'esprit de la loi du 29 janvier 1993, et plus particulièrement sur son article 87 qui crée la commission de déontologie.

L'inspirateur de ce texte est Michel Sapin, avec qui, en effet, j'ai cosigné un mémoire juridique que nous avons adressé à chacun des membres de la commission de déontologie, dans le but d'en défendre l'esprit. La loi de 1993 visait à éviter que des infractions pénales ne portent atteinte, d'une part à l'intérêt général et à la réputation de l'État, à cause d'éventuels mélanges d'intérêts publics et d'intérêts privés, d'autre part aux entreprises, lesquelles risquaient d'avoir pour dirigeants des personnes susceptibles d'être mises en cause au pénal dans le cadre de la répression de la prise illégale d'intérêt, qui est commune à toutes les démocraties modernes. Dans ce cadre, la commission de déontologie joue un rôle essentiel de prévention : plutôt que réprimer, avait estimé le législateur, mieux vaut prévenir.

Or, vu l'organisation actuelle des pouvoirs, tout le monde sait que la négociation de la fusion entre la Caisse d'Épargne et la Banque populaire s'est faite dans le bureau de M. Pérol. En outre, celui-ci était auparavant banquier d'affaires chez Rotschild ; à ce titre, il a conseillé la création de Natixis, dont la débâcle financière est l'une des causes des graves difficultés rencontrées par les deux maisons mères.

Qu'un haut commis de l'État soit pressenti pour prendre la présidence de la deuxième banque française qui naîtra de cette fusion, nous ne le blâmons pas. En vertu de l'article 13 de la Constitution, M. Sarkozy peut nommer n'importe qui à ce poste ; n'importe qui, sauf celui qui a présidé à la négociation de la fusion des deux groupes. En effet, dès lors que M. Pérol devient président, les interrogations commencent. Avec quelles contreparties les contribuables ont-ils versé 5 milliards d'euros ? Un siège pour M. Pérol ? Avec quel salaire ? Quel parachute ? Quels stock options ? Pourquoi l'État n'a-t-il pas obtenu de voix délibérative dans le conseil d'administration ? Les intérêts privés de M. Pérol ne seraient-ils pas venus contaminer l'intérêt général ? C'est pour éviter ce genre de suspicions qu'avait été conçue la loi de 1993.

L'enjeu actuel n'est pas de savoir qui doit opérer la saisine de la commission ou comment on doit le faire, monsieur le président, mais d'éviter un scandale majeur. Le risque pénal s'approche à grand pas, puisque les syndicats ont annoncé qu'ils envisageaient de porter l'affaire devant le parquet, et que, selon le site Mediapart, des membres de votre commission ont évoqué hier l'usage de l'article 40 du code de procédure pénale faisant obligation à toute autorité ayant connaissance d'un délit de le porter sans délai à la connaissance du procureur de la République. Voilà ce qui menace M. Pérol et, à travers lui, la deuxième banque française, au moment même où nous avons besoin de solidité bancaire et de confiance en nos institutions. Et c'est le moment que choisit la commission de déontologie pour inventer je ne sais quel stratagème, en évoquant des lettres et des saisines, au lieu de jouer son rôle de prévention et d'appliquer, tout simplement, la loi.

Sincèrement, monsieur le président, quand une action pénale aura été déclenchée contre M. Pérol, estimerez-vous toujours que la commission de déontologie a joué son rôle ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion