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Intervention de Isabelle Bouclon

Réunion du 10 février 2009 à 17h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Isabelle Bouclon, représentante de l'Association VIFF SOS Femmes :

Notre association a deux activités. La première est celle d'un centre d'hébergement ; l'autre consiste en un service d'aide aux victimes, créé en 1989 et en un centre de documentation spécialisé sur la question des violences, notamment conjugales et intrafamiliales.

Dans le cadre du service d'aide aux victimes, nous intervenons au commissariat de Villeurbanne, dans des locaux de la maison de justice et du droit de Villeurbanne mis à notre disposition par la municipalité et au siège de notre association. Nous proposons aux femmes et aux jeunes victimes de violences un accueil spécifique qui reçoit 98 % de jeunes femmes ou de jeunes filles.

Des améliorations sont encore sans doute nécessaires sur le plan législatif. Les avis de classement sans suite ne sont pas toujours envoyés et les trames d'entretien évoquées par Mme Chapalain ne sont pas toujours employées par les services de police lors du dépôt de plaintes. J'ignore si l'on peut savoir combien de commissariats en France y ont recours. À Villeurbanne, ce qui compte est surtout d'assurer le plus rapidement possible l'accueil du plaignant par des policiers qui manquent de moyens. Nous organisons chaque année pour la préfecture trois ou quatre stages de formation interdisciplinaire de deux jours, avec des policiers et gendarmes, sur le thème des violences conjugales. Ces stages permettent aux professionnels de se rencontrer et d'adopter ultérieurement une autre dynamique de travail et de partenariat. Nous insistons systématiquement sur cette trame d'entretien et les participants sont très intéressés par l'usage qu'ils pourront en faire avec les victimes.

Plus globalement se pose la question de l'évaluation des situations. Malgré les progrès législatifs accomplis, de nombreux professionnels manquent de formation, qu'il s'agisse des réseaux associatifs – et même du nôtre, qui travaille depuis trente ans exclusivement sur cette problématique – ou des policiers et gendarmes, même si leur formation initiale prévoit certains éléments dans ce domaine.

Notre association a été un lieu de stage de découverte de deux mois pour les élèves de l'École nationale de la magistrature. Ce stage a été supprimé et les futurs magistrats n'ont plus désormais affaire, au cours de leur formation, qu'à des dossiers ou, au mieux, à des situations judiciaires dont l'instruction ou l'enquête ont déjà abouti. Avec nous ils passaient deux mois à plein temps sur le terrain et découvraient la réalité à laquelle sont confrontés les victimes de violences.

Certes, nous observons des évolutions depuis trente ans mais les moyens dont disposent les structures associatives et étatiques pour appliquer ces lois et leur efficacité en la matière ne sont pas à la hauteur. Le traitement des affaires en temps réel est, il est vrai, très difficile. Le plus souvent, les magistrats doivent prendre des décisions en communiquant par téléphone avec un gendarme ou un policier lui-même parfois tétanisé à l'idée d'appeler le Parquet. Le magistrat dispose de l'audition de l'auteur et de celle de la victime, parfois d'un certificat médical attestant une incapacité temporaire de travail – que la loi n'exige pas –. Il dispose rarement d'éléments relatifs au contexte ou à l'antériorité des faits de violence car il s'agit souvent d'une première plainte – étape difficile, qu'il a parfois fallu des années pour accomplir. Ainsi, les magistrats n'ont pas les moyens de l'évaluation et, dans de tels cas – c'est du moins ce qui arrive au TGI de Lyon –, de nombreuses plaintes se concluent par des mesures alternatives aux poursuites.

Pour ce qui est des interventions auprès des auteurs, je précise que notre service adhère à l'Institut national d'aide aux victimes à Paris, et à Citoyens et justice à Bordeaux. Dans le cadre de ce dernier réseau, nous participons à un groupe ressource sur les violences conjugales, dont nous assurons d'ailleurs la présidence. Nous sommes donc bien informés des initiatives mises en oeuvre dans notre pays en direction des auteurs, du moins au sein de cette fédération. À Marseille, par exemple, est menée une expérience très intéressante d'enquête sociale rapide, spécifique aux violences conjugales, destinée à donner au magistrat d'autres éléments pour prendre sa décision d'opportunité des poursuites. De telles actions demandent du temps et des moyens. Ainsi les cours d'appel doivent payer des missions socio-judiciaires aux associations. Il serait utile de recenser toutes les initiatives existantes, dont le manque de moyens limite l'efficacité.

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