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Intervention de Maryvonne Chapalain

Réunion du 10 février 2009 à 17h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Maryvonne Chapalain, commandant fonctionnel à la Délégation aux victimes de la direction générale de la police nationale :

En tant que commandant fonctionnel à la Délégation aux victimes au sein de la Direction générale de la police nationale, je suis particulièrement concernée par cette question. La délégation est une structure mixte, composée de policiers et de gendarmes. Depuis sa création, en 2005, elle est chargée d'améliorer l'accueil et la prise en charge des victimes de toutes les infractions pénales dans les commissariats et les unités de gendarmerie.

L'accueil des victimes de violences conjugales est toujours délicat. Les plaintes sont complexes et il faut beaucoup de temps aux policiers et aux gendarmes pour les établir. Il leur faut évaluer le contexte psychologique dans lequel évoluent ces femmes et les mettre en confiance afin d'établir l'historique des violences subies, au-delà du fait récent qui les a amenées à déposer plainte. Il leur faut également identifier l'existence éventuelle d'autres victimes au sein de la famille, notamment des enfants, même s'ils n'en sont que les témoins. L'historique des violences commises au sein du couple permettra au magistrat de juger de leur gravité.

Je n'emploie pas l'expression « violences conjugales » car la loi du 4 avril 2006 concerne les violences entre les conjoints, les concubins et les pacsés, ainsi que celles émanant d'anciens compagnons. Nous parlons donc désormais de « violences au sein du couple ».

Dans 90 % des cas, les victimes de ces violences sont des femmes. Ces violences ne sont pas uniquement physiques, elles sont aussi psychologiques et sexuelles. De nombreuses femmes n'osent pas avouer qu'elles se font violer par leur mari. Pourtant, la loi d'avril 2006 reconnaît le viol entre époux et en fait une circonstance aggravante.

La complexité des plaintes a conduit à l'élaboration d'un questionnaire très détaillé à l'intention des commissariats et des unités de gendarmerie. Ce document vise à leur permettre d'appréhender la totalité des faits de violences qui ont pu exister au sein du couple, mêmes les faits antérieurs à la plainte, pour que le magistrat puisse évaluer la nature des violences. Il fait également état des violences financières et du vol de papiers d'identité, qui frappent particulièrement les femmes d'origine étrangère en les plaçant sous l'emprise de leur compagnon. En reconnaissant le vol entre époux, la loi de 2006 a beaucoup amélioré leur situation.

De récentes instructions ministérielles invitent à procéder à l'interpellation de l'auteur des violences très rapidement après l'audition de la victime afin d'éviter la poursuite des violences et qu'elle soit éventuellement suivie d'une mise en garde à vue immédiate de l'auteur des faits. Ensuite, pour répondre au souhait de nombreux magistrats, une confrontation est organisée entre les deux personnes – ce n'est pas chose aisée, car elles ont tendance à camper sur leurs positions respectives – enfin, elles sont présentées au magistrat. Il s'agit de la procédure simple.

Il existe également une procédure dite de la main courante, fort décriée. Cette simple déclaration d'une personne qui se présente dans un commissariat n'a pas la valeur d'une plainte transmise en justice et n'entraîne, en principe, aucune suite judiciaire. Cependant, nous recevons depuis plusieurs années des instructions de notre ministre de tutelle, mais également des magistrats, pour que les mains courantes informatisées des commissariats soient transmises à la justice, au même titre que les procès-verbaux de renseignement judiciaire de la gendarmerie.

Les instructions invitent à encourager les victimes à déposer plainte, car c'est pour elles le seul moyen d'être prises en charge et d'agir à l'encontre de l'auteur des violences. Certaines s'y refusent, préférant une simple déclaration « à toutes fins utiles ». Quoi qu'il en soit, le refus d'entraîner des suites judiciaires doit émaner de leur volonté et non selon de celle d'un fonctionnaire de police.

Lorsque les faits sont de faible gravité, les mains courantes sont conservées au commissariat de police. Après une main courante, instruction est donnée aux services de reprendre contact avec la victime, quarante-huit heures après sa déclaration, afin d'apprécier l'évolution de sa situation et de vérifier que la réitération des violences ne justifie pas de s'orienter vers une procédure.

Les forces de police interviennent également dans le cadre du flagrant délit. Le standard de police secours reçoit un appel, en général la nuit, d'un témoin, d'un voisin ou d'un membre de la famille qui dit entendre des cris. Les policiers se rendent au domicile où se trouvent une personne qui présente des marques de coups et son compagnon, souvent sous l'empire de l'alcool. Nous faisons d'abord en sorte de protéger les enfants.

Ensuite, si la victime veut déposer plainte, les policiers emmènent l'un et l'autre au commissariat pour enregistrer la plainte et l'auteur des faits est immédiatement placé en garde à vue. Dans le cas où la victime ne souhaite pas déposer plainte, la procédure de flagrant délit a ceci d'intéressant qu'elle permet aux policiers de constater l'existence d'un fait délictueux, ce qui dédouane la victime aux yeux de son compagnon. C'est la justice seule qui décide s'il y a délit et s'il convient de le réprimer. La procédure est la même que précédemment : les deux personnes sont emmenées au commissariat pour être entendues et l'auteur des faits est mis en garde à vue.

Les victimes doivent savoir que même si elles n'ont pas déposé de plainte, ou si elles l'ont retirée, des poursuites judiciaires peuvent être engagées.

Bien souvent, une personne qui a subi des violences est traumatisée. Certaines arrivent au commissariat en chemise de nuit, avec leurs enfants sous le bras… Pour mieux les accueillir, nous intervenons en partenariat avec les associations spécialisées sur cette question auxquelles je rends hommage pour leur travail. Les fonctionnaires de police orientent les victimes vers les structures d'hébergement d'urgence qui connaissent bien ces problématiques. J'ajoute que depuis la loi de 2006, l'éviction du conjoint du domicile peut être diligentée. C'est un point très positif, mais il arrive aussi que la victime souhaite quitter le domicile commun pour être mise à l'abri au moins quelques jours.

Il existe aujourd'hui dans les services de police 150 permanences d'associations, faisant essentiellement partie du réseau INAVEM, dans lesquelles les victimes de violences intrafamiliales sont accueillies par des travailleurs sociaux et des psychologues.

Les services de police disposent par ailleurs de 120 travailleurs sociaux, recrutés localement, et, depuis deux ans, de psychologues, recrutés par le ministère de l'intérieur. Ceux-ci ne sont pas en concurrence avec les associations car leur rôle n'est pas de prendre en charge la victime mais de l'orienter vers les réseaux associatifs et les structures médico-sociales. La prise en charge des victimes est de mieux en mieux assurée et les psychologues peuvent aussi intervenir auprès des auteurs de violences. Nous aimerions d'ailleurs qu'ils soient en mesure de les orienter, en fin de garde à vue, vers des structures médicales.

Nous avons également la possibilité de contacter les correspondants départementaux chargés de l'aide aux victimes. Des partenariats se développent et de nombreuses structures sont mises en place pour assurer un meilleur accueil des victimes de violences entre époux. Des conventions ont été passées avec les réseaux de l'INAVEM, le CIDFF – Centre d'information sur le droit des femmes et des familles – et la Fédération nationale Solidarité Femmes.

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