Je préciserai, tout d'abord, le rôle et les missions de l'école maternelle. Les deux termes de l'expression montrent sa spécificité. C'est une école, c'est-à-dire un lieu où les enfants viennent pour apprendre. Nous considérons qu'ils sont déjà en position d'élèves, c'est-à-dire en âge de bénéficier du service pour lequel sont embauchés les professeurs des écoles ou les instituteurs et institutrices – puisque les deux catégories existent encore – qui servent à l'école maternelle.
Mais cette école est « maternelle », c'est-à-dire qu'elle assure la transition entre la toute petite enfance et l'élève plus âgé qui peut rester assis à une place et est suffisamment socialisé pour bénéficier d'un enseignement.
L'accueil des enfants à l'école maternelle est à cheval sur ces deux temps de la vie.
Vous avez parlé, madame la rapporteure, d'inégalité territoriale. Pour les enfants de trois ans, il n'y a pas d'inégalité, ni sociale, ni territoriale. Nous scolarisons la quasi-totalité des enfants de cet âge. La France est, d'une certaine façon, une exception européenne, en ce sens que, à trois ans, le service public d'Éducation nationale fait une place à tous les enfants dont les parents le désirent, l'école n'étant obligatoire qu'à partir de six ans.
L'école maternelle à partir de trois ans fait l'objet de toutes les attentions du ministre de l'Éducation nationale, de son administration, de la Direction générale de l'enseignement scolaire, en particulier, du Bureau des écoles qui est en charge de ce dossier.
Qu'attendons-nous de l'école à cet âge ? Qu'elle soit un moyen de construire l'égalité des chances. Les différences d'approche de la langue française par les tout-petits sont, nous le savons, un élément discriminant. Si les enfants sortent de l'école maternelle sans maîtriser suffisamment le langage de l'école et en étant restés trop proches du langage de la maison, ils seront en difficulté pour entrer, à sept ans, dans les apprentissages fondamentaux. Or le grand problème de l'éducation est que l'école primaire, après l'école maternelle, n'est pas aujourd'hui en mesure de donner à 100 % des enfants les éléments essentiels pour poursuivre leur scolarité au collège dans les enseignements fondamentaux. 15 % d'élèves entrent en sixième sans maîtriser suffisamment la lecture et le calcul. Si nous voulons que, au sortir de l'école primaire, 100 % des élèves maîtrisent les connaissances de base pour profiter de l'enseignement au collège, il faut nous concentrer sur les acquisitions premières du langage oral à l'école maternelle.
Cette attention particulière portée à l'école maternelle a fait l'objet de diverses actions. Dès son installation au ministère, M. Xavier Darcos a demandé à la Direction générale de l'enseignement scolaire que je dirige de réunir une commission pour travailler sur ces questions, notamment, sur celle du contenu des programmes d'enseignement de l'école maternelle pour que les enfants maîtrisent le langage. M. Xavier Darcos a également demandé au professeur Alain Bentolila un rapport sur ce sujet. Je puis affirmer, sous le contrôle de mon chef de bureau, M. René Macron, que nous avons abouti à des conclusions semblables : il faut rendre l'école maternelle capable de donner aux enfants à partir de trois ans les éléments essentiels pour la maîtrise de la langue française, notamment du vocabulaire. C'est la raison pour laquelle de nouveaux programmes de l'école maternelle sont en application depuis la rentrée 2008, c'est-à-dire en même temps que les nouveaux programmes pour l'école primaire.
Cela montre que, pour nous, l'ensemble de l'enseignement primaire – école maternelle et école élémentaire – fait l'objet d'une égale attention et d'une attention très forte.
La question de la scolarisation des enfants de deux à trois ans est redoutable. À cet âge, les enfants ne sont pas encore tout à fait prêts pour être de véritables élèves. Même si l'école maternelle est adaptée au rythme des jeunes enfants, avec l'aide, en particulier, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), les enfants doivent avoir un minimum de capacité à vivre en groupe pour profiter du groupe « classe ». La période « deux-trois ans » reste un temps particulier que l'on ne peut pas assimiler au temps de l'école maternelle que je viens de décrire, même si les enfants commencent à parler et bénéficient, même à cet âge, de l'apport des maîtres.
Pour ces enfants de deux-trois ans, nous pouvons parler de différenciation territoriale. Elle est due à la fois à l'histoire des régions et aux situations particulières. Alors que la moyenne nationale pour l'accueil des enfants entre deux et trois ans est, aujourd'hui, de 21 % – ce qui signifie qu'un élève sur cinq bénéficie de l'école maternelle dès l'âge de deux ans –, il existe de grandes disparités selon les académies. Dans celle de Lille, par exemple, le taux de scolarisation des enfants de deux à trois ans est de 53 % tandis qu'il n'est que de 8,6 %, dans celle de Créteil et de 7,7 % dans celle de Paris. Nous vous fournirons tous les tableaux dont nous disposons à ce sujet.
Aux termes de la loi, nous devons offrir, dans les zones les plus défavorisées, c'est-à-dire les zones d'éducation prioritaire (ZEP), la scolarisation aux enfants de deux ans pour les familles qui le souhaitent. C'est la consigne qui est donnée aux recteurs.
Pour résumer la situation : 100 % des enfants – pour simplifier – sont scolarisés à l'âge de trois ans, quelque 20 % le sont entre deux et trois ans, avec de grandes disparités territoriales. Mais la position de l'Éducation nationale – il me semble important de le réaffirmer très fortement – est de ne pas fermer la porte aux enfants entre deux et trois ans, sous les réserves pédagogiques – et exclusivement pédagogiques – que j'ai formulées. Le service public d'Éducation nationale est ouvert, comme le prévoit la loi, dès l'âge de deux ans dans les secteurs difficiles.