Monsieur le Président, mes chers collègues, tout d'abord je dois me féliciter de la qualité des travaux de la mission, menés dans un état d'esprit qui démontrait la volonté, toutes tendances confondues, de comprendre les raisons de l'échec de la réforme du lycée proposée par le ministre de l'éducation nationale, M. Xavier Darcos, et de déterminer les axes principaux et les conditions de réussite d'une nécessaire réforme du lycée.
Sur ce dernier point, l'unanimité a régné au sein de la mission d'information : le lycée doit être réformé. Il ne s'agit pas d'une affaire technique qui ne concernerait que les « praticiens » du lycée, à savoir les enseignants, les élèves et les parents d'élèves, mais d'une affaire politique, au sens noble du terme.
La conception que nous avons du lycée dépend des conceptions que nous avons de l'éducation et de la société à laquelle elle prépare. Si j'aborde cette question, c'est pour remercier les membres de la mission d'information de leur implication et de leur travail. Un important travail collectif a été accompli, même si l'unanimité n'a pas été atteinte à l'issue des travaux.
L'absence d'accord sur le rapport remis par M. Benoist Apparu ne se limite pas à une querelle de procédure. Elle est le fait de divergences sur la conception du lycée et surtout sur les conditions de réussite de la réforme. Les propositions du rapporteur sont des propositions concrètes qui peuvent apparaître comme une base de départ à la présentation de solutions pour faire évoluer le lycée. En aucun cas, ces propositions ne doivent être considérées comme des solutions figées, intangibles.
Cela étant dit, qu'avons-nous entendu au cours de nos auditions et déplacements ?
Premièrement, les personnes auditionnées ont souligné la nécessité de prendre le temps de la concertation. La précipitation et l'absence de concertation constituent la première cause de l'échec de la réforme proposée par le ministre de l'éducation nationale, M. Xavier Darcos. Tous les acteurs s'accordent sur ce point. En voulant gagner du temps, on risque d'en perdre d'autant plus. A l'inverse, en prenant le temps, il est possible d'engager, dans la durée, une vraie réforme.
Deuxièmement, l'obtention des moyens nécessaires à la réforme a été unanimement réclamée – tant par les parents que par les enseignants – lors de chaque audition ou de chaque déplacement de la mission, par voie de pétition ou en préambule à une intervention. Dès lors, l'a priori idéologique qui consiste à supprimer les postes d'un enseignant sur deux partant à la retraite doit être repoussé.
Troisièmement, la reconnaissance du métier d'enseignant et, par conséquent, la reconnaissance des enseignants eux-mêmes nécessite l'ouverture d'un débat car aucune réforme ne peut aboutir si on ne s'interroge pas préalablement sur la signification de ce métier. Or, de toute évidence, ce sujet ne peut être abordé par le prisme étroit des décrets de 1950 définissant les obligations de service des enseignants.
Quatrièmement, le contenu des savoirs doit être précisé. Si le rapport évoque, à juste titre, la nécessité d'un tronc commun comparable au socle commun de compétences et de connaissances inscrit pour l'enseignement primaire dans la loi de 2005, il convient toutefois de s'interroger sur la constitution de ce tronc commun au lycée et sur sa nature.
Enfin, les conditions de vie des lycéens constituent un dernier point surprenant mais d'autant plus inquiétant que M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et haut commissaire à la jeunesse, ne semble pas l'avoir suffisamment pris en compte. Un phénomène, connu dans le monde étudiant, s'étend désormais au monde lycéen et remet en cause l'égalité des chances des lycéens : la nécessité pour un nombre de plus en plus grand d'entre eux de travailler pour pouvoir suivre des études.
En conclusion, nous avons considéré que si les trente propositions du rapport peuvent constituer une base de départ à la discussion sur la réforme du lycée, un débat doit préalablement être ouvert sur les quatre points suivants :
– les conditions de vie des lycéens ;
– le périmètre du tronc commun et le champ de l'interdisciplinarité – dont un exemple satisfaisant nous a été donné par le lycée Jean Renoir de Bondy à l'initiative de ses enseignants ;
– la formation des enseignants qui, sans revenir sur la mastérisation, doit comporter une dimension professionnalisante, notamment par l'accomplissement de stages ;
– un plan pluriannuel de recrutement afin de donner les moyens nécessaires à la réforme.
Ces quatre préalables sont indispensables pour rétablir une confiance qui n'existe plus et qui interdit à l'heure actuelle toute possibilité de réforme.