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Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 25 juillet 2007 à 15h00
Commission des affaires économiques

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du Développement et de l'Aménagement durables :

, présente le contexte dans lequel son ministère travaille.

Premièrement, le problème de l'avenir de l'homme et de la planète est clairement posé à peu près partout dans le monde. L'idée selon laquelle on pourrait éternellement prélever plus que la reconstitution naturelle ne le permet n'a strictement aucun sens. On peut discuter du curseur - à savoir la vitesse du processus - mais pas du fond.

M. Jean-Louis Borloo a été frappé par le degré d'implication des grands États du monde sur ce sujet, qu'il s'agisse de ceux qui ont signé le protocole de Kyoto, de ceux qui ne l'ont pas signé ou encore de ceux qui l'ont signé sans le ratifier, et ce quelles que soient les opinions concernant les problèmes de gouvernance internationale ou la création d'un ONU environnemental. Le même constat vaut pour les grandes fédérations et organisations syndicales mondiales. En quelques mois, le sujet a été abordé par l'ensemble des acteurs de la planète alors qu'il ne relevait jusqu'alors que du militantisme, de l'avant-garde et dénotait des niveaux de conscience et de perception variables. On voit qu'on a basculé sur autre chose.

La performance économique sera dans une économie durable ou ne sera pas. Il y a une véritable guerre économique, scientifique et technologique dans le domaine de l'organisation du développement durable. M. Jean-Louis Borloo est convaincu que les économies qui ne reposeront pas sur la notion de développement durable ont une espérance de vie relativement courte. Si l'industrie automobile américaine s'est fait dépasser par les Européens et les Japonais, c'est parce que le degré de consommation d'énergie et de pollution de celle-ci n'était plus adapté à cette nouvelle réalité.

Il n'est pas question de faire du catastrophisme, mais il est juste temps de prendre ce sujet à bras-le-corps. Un hommage doit être rendu à tous ceux qui, depuis des décennies, de manières diverses et variées, ont attiré l'attention de leurs concitoyens et mené des actions, dans une chaîne de perception et de fidélité.

D'autre part, le débat présidentiel a clairement fait apparaître que l'ensemble des formations politiques républicaines avait décidé de changer de braquet d'une manière ou d'une autre. Il y a eu, impulsés par les organisations non gouvernementales (ONG), et particulièrement par Nicolas Hulot, qui en était en quelque sorte le chantre, un certain nombre de prises de conscience et d'engagements.

En outre, le Président de la République en a pris deux types : le premier est la création d'un ministère chargé de s'occuper à la fois des problèmes d'urbanisme et d'habitat, d'énergie, d'une partie de l'industrie, des transports sous toutes leurs formes, des ressources naturelles et de la biodiversité, des infrastructures et de la mer, non pas pour en faire un « gros machin », mais pour aboutir à des définitions stratégiques sur la combinaison de tous ces éléments afin de mettre en place le pacte écologique français et de gagner la bataille du développement durable. Il ne fallait pas que l'écologie se retrouve à côté ou contre les autres politiques mais, au contraire, que les décisions prises de manière transversale en ce domaine soient soutenables vis-à-vis des autres États, et permettent, dans certains cas, de prendre des tours d'avance dans le développement propre de la France. L'idée qui sous-tend la création d'un tel ministère est d'arrêter de travailler en parallèle et de faire en sorte que les différentes directions concourent à la même stratégie. Il ne s'agit pas simplement d'arbitrages budgétaires.

Un ministre de tutelle aurait suffi pour cela. L'objectif est pourtant que les politiques soient conçues en amont en fonction de l'ensemble des problématiques, ce qui est l'objectif essentiel du MEDAD. C'est assez difficile à mettre en oeuvre car le ministère de l'équipement, qui avait d'abord pour vocation de reconstruire la France puis de développer sa stratégie industrielle et énergétique, un peu déstabilisé depuis la décentralisation, doit s'intégrer à un ministère du développement durable français dans toutes ses composantes. C'est le nouveau grand chantier français, induisant la réforme de l'ensemble des politiques d'infrastructures et de l'énergie. Cette réforme se fera en partenariat, notamment avec, le Parlement qui aura pour interlocuteur un seul cabinet appelé à lui fournir des réponses et des propositions stratégiques.

Qu'en est-il de la déclinaison territoriale ? Les interlocuteurs de l'État se heurtent à l'évidence à la division des directions - DRIRE, DIREN, DDA - qui leur apportent des réponses souvent différentes voire contradictoires. Il faut que l'État ait une stratégie durable en élaborant ses propres décisions de manière standardisée de façon à simplifier la vie à ses interlocuteurs, voire à les contrôler éventuellement. Le ministère travaille donc sur le rapprochement des DRIRE et des DIREN, réalisé de manière satisfaisante dans sept cas appelant une généralisation.

Le second engagement du Président de la République consiste en un exercice démocratique fort et particulier : la constitution de six groupes de travail sur les principaux grands sujets de développement économique et de développement durable, présidés par des personnalités qualifiées indiscutables. Chaque groupe de travail doit désigner trois ou quatre priorités fortes et définir les moyens à développer et les programmes opérationnels à mettre en oeuvre. Ce Grenelle de l'environnement a démarré puisque les groupes de travail ont été constitués, non sans quelques difficultés tenant à la méthode de travail à adopter. M. Jean-Louis Borloo s'est déclaré fasciné par l'extraordinaire richesse et la mobilisation de tous les acteurs. Dans le domaine de l'habitat, par exemple, où il y a six ou sept acteurs majeurs - habitat neuf, habitat ancien, établissements publics, bureaux et commerces - on est capable de faire trois fois mieux qu'aujourd'hui à condition d'avoir un véritable programme, comme il existe des programmes de services à la personne ou de rénovation urbaine, avec un pilotage commun de toutes les légitimités et une stratégie clairement affichée.

M. Jean-Louis Borloo est convaincu qu'on va passer radicalement à la vitesse supérieure dans le domaine du développement durable sans entrer dans une société de privation mais, au contraire, dans une société de confort, où seront améliorés non seulement la qualité de la vie, mais également le pouvoir d'achat et la transmission de patrimoine, de manière à donner un sens à la présence de chaque homme sur terre, à la vie en commun. C'est probablement l'un des sujets politiques majeurs de ce nouveau siècle.

Les thèmes des six groupes de travail sont les suivants : lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie, préserver la biodiversité et les ressources naturelles, instaurer un environnement respectueux de la santé, adopter des modes de production et de consommation durables (agriculture, pêche, agroalimentaire, distribution, forêt et usage durable des territoires), construire une démocratie écologique (institutions et gouvernance), promouvoir des modes de développement écologiques favorable à la compétitivité et à l'emploi.

Les présidents des deux assemblées parlementaires ont désigné des députés et des sénateurs, titulaires et suppléants, pour siéger dans les différents groupes de travail. Les assemblées en tant que telles et les commissions permanentes et délégations seront, par ailleurs, associées à un moment du calendrier. Un débat sans vote aura lieu probablement dans la première semaine d'octobre. Le ministre et les deux secrétaires d'État sont à la disposition de la commission et de la délégation pour travailler en profondeur et échanger sur tous sujets. Les rapports intermédiaires de chaque groupe de travail leur seront communiqués.

Les groupes de travail ont été constitués depuis trois semaines. Ils doivent rendre leurs préconisations en vue d'un rapport de synthèse les 22 ou 23 septembre. Un débat sans vote aura lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat sur les différentes propositions, ainsi que six réunions régionales. La population française pourra en outre s'exprimer via Internet. Une réunion finale aura lieu fin octobre ouvrant soit sur un processus législatif sur certains sujets, soit sur la mise en place de programmes opérationnels au nombre de quinze ou vingt. Un projet de loi de programmation sur les conséquences du Grenelle sera probablement soumis avant Noël au Parlement, ainsi que d'autres projets de loi en attente (responsabilité environnementale ou OGM). Un comité de suivi sera mis en place par programme ainsi qu'un comité de suivi général, qui soumettra un rapport annuel au Parlement.

M. Jean-Louis Borloo s'est déclaré convaincu que la France est à un moment de son histoire où elle peut changer complètement la donne de manière heureuse. Il y aura toujours des débats, des tensions, des prises de position divergentes mais, à y regarder de près, il y a plus de malentendus que d'envies de ne pas faire. Le principal problème est de savoir comment s'y prendre : on ne sait pas, par exemple, comment faire un bilan carbone dans une ville, et c'est également très difficile de réaliser une maison en énergie positive. Sur les principaux sujets, l'atomisation des intervenants nuit à l'action davantage que le manque de conscience de la population notamment des moins de vingt ans. Les moyens techniques et technologiques existent ; manquent une méthode, une organisation, un partage des programmes entre des légitimités différentes.

M. Jean-Louis Borloo s'est déclaré frappé par l'extraordinaire mobilisation des fédérations professionnelles, des associations et des collectivités territoriales. Il revient au Gouvernement, de manière très ouverte, très républicaine, très respectueuse, de faire progresser ce qui est à la fois une chance pour la France et une responsabilité écrasante si cette chance n'était pas saisie.

La France présidera le Conseil de l'Europe dans un peu plus de douze mois et portera à cette occasion un certain nombre des préconisations du Grenelle de l'environnement. Elle peut reprendre le leadership dans ce domaine, alors que cela n'a pas toujours été le cas du fait des atouts dont elle dispose dans ce domaine (climat tempéré, énergie facilement transportable et bon marché). Des hérauts d'avant-garde appelaient au changement mais il a fallu du temps pour élaborer une vraie politique en ce domaine.

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