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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 18 juin 2008 à 16h15
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Je ne sais pour ma part si le texte est historique – encore que chaque texte de M. Xavier Bertrand soit présenté ainsi... –, mais il y a en tout cas quelque chose d'idéologique à vouloir renverser les normes. Cette volonté sera au coeur du débat auquel nous allons nous livrer dans la chaleur de l'été – il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur l'examen d'un tel texte en plein mois de juillet.

C'est en effet à la remise en cause de la mécanique de notre démocratie sociale que l'on assiste, remise en cause que notre collègue a parfaitement illustrée en évoquant le passage de la gravitation à l'induction. À propos de mécanique, en l'occurrence céleste, j'ai même un peu le sentiment que l'on en vient à la théorie des quanta, c'est-à-dire à l'éclatement total. Pour les salariés, en tout cas, ce sera la relativité généralisée…

Fixer par accord d'entreprise toutes les règles de contingents d'heures supplémentaires introduira des distorsions entre les entreprises : on organise ainsi une nouvelle concurrence entre elles et une accélération de la sous-traitance. Je n'ai pas la naïveté de croire que ces difficultés, que l'on ne peut négliger, n'existent pas déjà. Mais, d'un certain point de vue, vous allez légaliser la situation actuelle et accélérer des processus néfastes de bipolarisation du marché du travail entre les travailleurs, dont la situation est assez organisée, et ceux en situation de sous-traitance pour lesquels les heures supplémentaires seront à n'en plus finir. Comme l'ont souligné certains de mes collègues, c'est à un nivellement par le bas des conditions de travail que l'on assiste.

Le texte, nous expliquez-vous, monsieur le ministre, donnerait au salarié la liberté des heures supplémentaires. Or, il faut le répéter, ce n'est pas le salarié qui décide de ses heures supplémentaires.

Je m'interroge par ailleurs sur la démocratie sociale, car nous sommes à cet égard, avec la seconde partie du texte, à la limite du détournement de procédure par rapport à la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Autant vous avez le droit de ne pas être d'accord avec le fameux article 17 discuté par les partenaires sociaux, autant, avec ce projet de loi, on change de dimension. Certes, on parle en gros du même sujet, mais, encore une fois, avec une inversion complète de l'organisation de la négociation.

Je m'interroge également sur une contradiction qui existe entre la première partie du texte, dont le résultat – sinon l'objectif – sera de renforcer deux centrales syndicales, ce qui peut permettre de stabiliser le dialogue social et d'éviter justement une sorte d'émiettement entre de multiples organisations, et la seconde partie qui, à l'inverse, atomise la négociation collective en la renvoyant en priorité au niveau de l'entreprise. Soit il s'agit là d'une contradiction apparente, soit c'est la traduction du fameux adage « diviser – c'est-à-dire affaiblir le front syndical – pour mieux régner ».

La réponse se trouve un peu dans les pourcentages que rappelait notre collègue Jean-Paul Anciaux, c'est-à-dire les 95 % de salariés couverts par des conventions collectives et les 5 % de salariés syndiqués : tandis qu'on va commencer à détricoter les conventions collectives pour les uns, on va laisser la grande partie des salariés inorganisés négocier comme ils peuvent la durée du travail.

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