La rénovation de la démocratie sociale est indispensable pour moderniser notre système de relations professionnelles et permettre la conduite des réformes dont notre pays a besoin. La vitalité de cette démocratie suppose de fonder le dialogue social sur des organisations renforcées. Dès le 18 juin 2007, le gouvernement a transmis un document d'orientation invitant les partenaires sociaux à ouvrir une négociation sur les critères de représentativité, les règles de validité des accords et la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises (PME). Ce document a été complété le 26 décembre 2007 par l'envoi d'un document additionnel, signé par le Premier ministre, leur demandant d'élargir les négociations à la question du financement des organisations syndicales mais, également, au temps de travail et leur soumettant notamment la question des domaines respectifs de la loi et de la négociation collective en la matière. Le 10 avril dernier une position commune a été actée entre le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT sur ces questions de démocratie sociale. Le projet de loi, qui comporte trois parties, vise à donner force obligatoire à l'esprit et à la lettre de cette dernière ; il ouvre également des perspectives pour la négociation d'entreprise en matière de temps de travail en posant des règles simples et rapidement applicables, dans la lignée des questions soulevées par le document d'orientation du 26 décembre 2007.
Pour renforcer la légitimité des acteurs de la négociation, celle-ci doit reposer sur des critères rénovés dont, notamment, l'audience électorale. Conformément aux conclusions de la position commune, le projet prévoit donc que la représentativité s'acquiert désormais dans l'entreprise, lieu où s'exprime le plus directement et le plus pratiquement les relations sociales, pour remonter jusqu'au niveau national. Pour être représentatives, les organisations syndicales devront désormais respecter les principes républicains, avoir une ancienneté de plus de deux ans, être indépendantes, rassembler des adhérents et recevoir des cotisations, garantir la transparence financière et exercer une influence. De plus, elles devront bénéficier d'une audience électorale appréciée selon des seuils à partir des résultats aux élections professionnelles. Désormais, ce sont les salariés et eux seuls qui décideront qui sera et ne sera pas habilité à négocier en leur nom dans les entreprises, les branches et sur le plan national. Sera représentatif le syndicat qui aura obtenu 10 % des suffrages aux élections professionnelles dans l'entreprise et 8 % au niveau des branches et au niveau interprofessionnel. Le délégué syndical dans l'établissement représentera ce même syndicat et devra avoir personnellement obtenu 10 % des suffrages exprimés. Le premier tour des élections dans l'entreprise sera largement ouvert à tous les syndicats légalement constitués depuis au moins deux ans, indépendants et républicains. Chaque syndicat existant depuis au moins deux ans pourra – avant de devenir représentatif si les salariés le souhaitent – nommer dans l'établissement un représentant syndical qui aura les mêmes attributions que le délégué syndical sauf le pouvoir de signer des accords collectifs, lequel ne sera acquis qu'avec la représentativité. Cette réforme entrera immédiatement en vigueur dès les premières élections professionnelles, soit, potentiellement, dès cette année. Il en ira de même dans quatre ans et, au plus, cinq ans pour les branches et le niveau interprofessionnel. La consolidation des résultats électoraux sur le plan national nécessitera la mise en place d'un instrument de collecte incontestable et exhaustif qu'il faudra concevoir rapidement, dans la transparence – les moyens budgétaires sont d'ores et déjà prévus pour 2009 et les années suivantes.
La démocratie sociale, ce sont aussi des accords plus légitimes et plus accessibles. Ils devront désormais être fondés sur une légitimité d'adhésion de syndicats représentant au moins 30% des suffrages et sur l'absence de rejet de la part de syndicats représentant 50 % au moins des voix. Les possibilités de négocier seront également élargies, y compris pour les dix millions de salariés travaillant dans des entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Le projet laisse un délai d'un an pour que de nouveaux accords de branches, s'ajoutant aux seize existants, puissent encadrer la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat, avant d'ouvrir plus largement cette possibilité de négocier.
Nous veillons aussi à préserver la légitimité d'organisations syndicales que nous voulons renforcer.
La position commune a par ailleurs prévu un groupe de travail sur la question de la représentation des quatre millions de salariés travaillant dans des entreprises de moins de onze salariés et j'ai bien noté l'intention des signataires de le réunir dès le mois de juin, sans attendre l'échéance de septembre qu'ils s'étaient initialement fixée.
Il me semble indispensable, et le texte le prévoit, qu'une négociation nationale interprofessionnelle trouve très rapidement des solutions à l'ensemble de ces questions relatives au développement du dialogue social dans les très petites entreprises (TPE).
Un Haut conseil du dialogue social émettra un avis sur les listes des organisations représentatives et pourra aussi proposer des évolutions sur le seuil de 8 % au plan national mais également sur les modes de validation des accords et sur la question des organisations syndicales catégorielles. Sa composition sera très large afin d'impliquer tous les acteurs de la démocratie sociale. Il ne sera pas réservé à certains, contrairement à ce que laissaient penser les craintes exprimées lors de la réunion de la commission nationale de la négociation collective.
La deuxième partie du texte vise quant à elle à garantir une meilleure transparence du financement des organisations syndicales et professionnelles ainsi qu'une plus grande sécurité juridique.
La transparence financière constituera désormais l'un des critères de la représentativité. Les ressources et les dépenses de syndicats devront avoir un lien avec leur objet et être retracées dans des comptes annuels qui devront être certifiés dès lors que les ressources dépasseront un certain montant.
Par ailleurs, le texte sécurise les mises à disposition, prévues par accord collectif, vers des organisations syndicales de salariés ou d'employeurs.
Enfin, une disposition encadre le financement du dialogue social lorsque des accords instituent une contribution des entreprises. Il s'agit en l'occurrence de ceux déclinant l'accord « Union professionnelle artisanat » (UPA) de décembre 2001 sur le financement du dialogue social dans l'artisanat, lesquels, à l'exception de deux d'entre eux, ont été largement étendus depuis leur signature. J'ai entendu nombre de remarques formulées à leur endroit et j'ai attendu que la Cour de cassation mette fin au contentieux judiciaire, en octobre 2007, en les déclarant légaux. C'est aussi pour cela que le texte pose un certain nombre de limites.
La troisième partie du projet, enfin, s'attache à offrir plus d'espace à la négociation d'entreprise ou de branche dans l'organisation et l'aménagement du temps de travail dans les entreprises.
L'efficacité de notre démocratie sociale suppose de repenser l'articulation des rôles entre la loi et l'accord collectif en élargissant le champ de la négociation collective. Il est en effet nécessaire de permettre aux accords d'entreprise de déterminer, au plus près du niveau où les décisions s'appliquent, l'organisation du travail la mieux adaptée au développement de l'entreprise comme aux attentes des salariés en matière de pouvoir d'achat et de gestion du temps.
La loi a vocation à définir les règles nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des salariés et les prérogatives de la négociation collective peuvent être étendues, notamment en matière de contingent et de repos compensateur. Les signataires de la position commune ont négocié, à l'article 17, une disposition visant à permettre à certains accords d'entreprise de déroger, de manière expérimentale et sous condition, aux contingents conventionnels d'heures supplémentaires fixés par des accords de branche signés avant la loi du 4 mai 2004. Ils n'ont par ailleurs pas négocié de dispositions sur les autres questions soulevées par le document d'orientation du 26 décembre 2007.
Nous ne reprenons pas la réponse spécifique et expérimentale apportée par l'article 17, qui garantit quasiment le statu quo, mais nous nous inscrivons dans la logique visant à donner plus d'espace à la négociation d'entreprise sur les thèmes du contingent et de l'aménagement du temps de travail. Nous assumons ce point de divergence avec certains signataires de la position commune – la CGT et la CFDT, la CGPME étant favorable à notre texte, de même que le MEDEF, qui le considère comme « intrinsèquement bon ». Chacun le sait : nous tenons à réformer largement les règles issues des 35 heures pour favoriser une organisation du temps de travail adaptée à chaque entreprise.
Les règles en matière de repos et de durées maximales de temps de travail demeurent inchangées, de même que la durée légale de 35 heures qui constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de leur taux de majoration et garantit ainsi le pouvoir d'achat des salariés. Les accords d'entreprise permettront de fixer toutes les règles en matière de contingent et de repos compensateur. Il sera possible de dépasser le contingent en consultant les institutions représentatives du personnel de même qu'il sera plus facile de faire des heures supplémentaires.
S'agissant des forfaits, le projet pose un certain nombre de balises : accès uniquement à certains types de salariés cadres et autonomes dans la gestion de leur emploi du temps, aussi bien pour les forfaits jours que les forfaits heures ; garantie en termes de pouvoir d'achat d'une rémunération majorée au-delà des seuils fixés par l'accord et la durée légale ; suivi de la charge de travail des salariés en forfaits en jours et nouvelle durée maximale de travail en jours.
Enfin, le projet simplifie significativement la réglementation en matière de temps de travail en créant un nouveau mode unique d'aménagement négocié du temps de travail se substituant à quatre modes précédents.
L'accord devra fixer les limites pour le déclenchement des heures supplémentaires dans le respect de la durée légale mais également un délai de prévenance en cas de changement de durée ou d'horaires de travail qui, sauf stipulation contraire, sera d'au moins sept jours.
Ce projet de loi historique élargit donc l'espace de la négociation collective. Il s'appuie, comme cela a été le cas en matière de modernisation du marché du travail, sur un texte négocié dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007. Il garantit à la fois souplesse, sécurité, pouvoir d'achat et liberté. Ce sont les acteurs de l'entreprise qui lui donneront toute sa portée et ce sont les parlementaires qui lui permettront d'exister.