Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Dominique de Gramont

Réunion du 30 avril 2008 à 16h15
Commission des affaires économiques

Dominique de Gramont :

a également déploré – c'est sa seconde remarque sur la procédure – que la distribution et la production soient sous la pression d'une négociation permanente depuis l'année 2000 et s'est demandé si cela était rentable et n'entraînait pas d'importantes pertes d'énergie. Lors de la dernière concertation, il avait été avancé que, si un accord était trouvé sur un projet commun, celui-ci serait repris par le législateur, un peu comme il a été question de le faire en matière de droit du travail. Le 26 mars dernier, Christine Lagarde et Luc Chatel ont présenté un projet sur lequel – sans enthousiasme excessif parce qu'il y avait beaucoup de sacrifices de part et d'autre – toutes les parties ont été d'accord. Cela ne s'était jamais vu. Or le texte a été transformé sans que l'on sache pourquoi, comment et par qui. Le texte allait plein nord, il va maintenant plein sud. M. de Gramont ne comprend pas cette méthode de travail.

Il s'associe aux remarques faites par M. Luisetti sur les prix. Beaucoup de docteurs « Tant pis » proclament haut et fort que les prix comme les marges sont trop élevés en France. Ces affirmations sont reprises par des professionnels mais aussi par les plus hautes autorités de l'Etat, ce qui est extrêmement dangereux. En effet, le dernier moteur de la croissance, qui est la consommation, se trouve ainsi mis en cause. Les Allemands peuvent s'en passer car ils ont l'exportation et l'investissement. La France n'est pas dans cette situation. Pour la première fois depuis 1993, la consommation a été en baisse en volume dans les circuits hyper- et supermarchés en janvier, février et en mars. On assiste à une sorte de course à l'affolement de l'opinion publique. Résultat : les consommateurs ne consomment plus et, quand on les interroge, leur moral est au plus bas. On est en train de faire le lit de la crise.

Non, les prix ne sont pas plus élevés en France qu'à l'étranger. Ils sont moins élevés que les moyennes de la zone euro. D'après Eurostat, les prix évoluent moins vite dans l'alimentaire que dans la zone euro et même qu'en Allemagne. Pourquoi dénigrer les performances des entreprises françaises ? Pourquoi désespérer le consommateur ? Il faut mesurer les risques avant de faire des effets de manche.

Concernant le thème de la table ronde, M. de Gramont déclare que la négociabilité des conditions générales de vente n'a jamais été interdite en France. On peut offrir une récompense, une sorte de prix Nobel de droit, à qui trouvera dans l'ordonnance de 1986, qui est la base du système français, devenu le titre IV du livre IV du code du commerce, la moindre interdiction de négocier. Il y a toujours eu négociation et celle-ci s'est développée depuis dix ans. De 1998 à 2007, le prix trois fois net de cession de l'industrie de grande consommation des grandes marques en France a perdu dix points. Parallèlement, les marges de distribution sur les marques ont augmenté dans la même proportion. Ces chiffres, établis par l'ILEC, ont été repris par la commission Canivet et par la commission Attali. Il y a donc négociation mais, malheureusement, au détriment des producteurs. Il serait heureux que cette information soit connue du consommateur.

Quant à la discrimination, elle est interdite dans tous les pays, y compris aux Etats-Unis d'Amérique en vertu du Robinson-Patman Act voté au cours des années 1930. Contrairement à ce qui est dit parfois, ce texte est toujours appliqué. Des jurisprudences abondantes datent de la présente décennie. Il a été décidé de permettre la discrimination pour permettre une négociation qui existe depuis toujours. Bien que ce raisonnement soit difficilement compréhensible, les industries de consommation ont accepté de faire un geste politique en l'acceptant. Elles ont indiqué qu'elles voulaient bien négocier à condition que ce soit quelque chose contre quelque chose, conformément au principe du contrat. La production ne veut pas négocier contre rien du tout, que ce soit à l'avant ou à l'arrière. Tout cela crée un prix de cession trois fois net. L'important est de savoir combien on vend à son partenaire. Les fournisseurs se sont regroupés dans une sorte de collectif qui ne dit pas son nom mais qui réunit sept organisations – représentant les grands, les moyens, les petits fournisseurs, les producteurs agricoles, les coopératives, les capitalistes et les indépendants. Ils ont signé un texte important et font circuler une pétition dans laquelle il est clairement affirmé qu'ils veulent négocier contre quelque chose, pétition qui sera adressée au Gouvernement si les choses tournent mal.

M. Jérôme Bédier a indiqué que la distribution est partisane de « contreparties globales et vérifiables ». Ce sont les termes mêmes figurant dans le texte présenté par Christine Lagarde et Luc Chatel le 26 mars dernier et avec lequel les représentants des fournisseurs étaient d'accord, et le demeurent. S'il y a équivoque sur la forme et accord sur le fond, il n'y a pas de problème. Par contre, si l'équivoque sur la forme masque un différend sur le fond pour des raisons politiques, les fournisseurs ne peuvent pas être d'accord. Il est très important – cela demanderait d'entrer un peu dans le détail, or le temps manque et ce n'est pas le lieu – de savoir quelle est la pomme de discorde. Le sentiment actuel des producteurs est qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de rédaction. Mais s'il y a accord général sur la notion de contreparties globales et vérifiables par un tiers, sous-entendu le juge, il ne devrait pas y avoir de problème.

Le texte, tel qu'il a été transformé, « nuitamment » ou « week-endement », ne rejoint pas la dynamique européenne, qui repose sur le principe de mutualité : on discute et on échange quelque chose contre quelque chose, par exemple une amélioration du prix contre un investissement commercial, avec l'idée que la progression du marché en résultant profite aux consommateurs et aux entreprises. Le modèle qui est présenté au Parlement est le modèle anglais, lequel est le cimetière de l'industrie. Si le législateur veut préserver la croissance en France, il ne faut pas s'inspirer du modèle anglais, mais plutôt du modèle rhénan, pro-industriel, pro-fabrication, pro-création de valeurs, qui consiste à commencer par créer de la valeur avant de se demander comment la répartir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion