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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 6 novembre 2008 à 15h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Je tiens à préciser que la sévérité des propos que je tiendrai au nom du groupe SRC ne doit pas être perçue comme une agression à l'égard des ministres en tant que personnes. D'ailleurs, ces propos seront dans l'exacte continuité de ceux des quatre rapporteurs. Le tableau qu'ils ont brossé concerne tous ceux qui sont viscéralement attachés à la politique de la ville et du logement parce qu'ils considèrent qu'il y a là un enjeu fondamental de cohésion sociale.

Alors que je vous interpellais sur le précédent budget de la ville et du logement, vous m'aviez répondu, madame la ministre, qu'il n'était pas le vôtre, et j'avais accepté cette réponse. Ce budget-ci est le vôtre, vous devez l'assumer, et c'est un budget de régression, comme les rapporteurs l'ont fait valoir avec compétence. Au-delà, je m'élève vigoureusement contre la méthode retenue. Quelle est sa légalité ? Voilà un budget qui foule aux pieds des engagements pris dans la loi de rénovation urbaine, la loi de cohésion sociale et la loi DALO, tous ces textes dont nous n'avons jamais contesté les objectifs. Dans ces conditions, que vaut la signature de l'État ? Quelle est la valeur des conventions passées avec l'Union sociale de l'habitat ? Quelle est la valeur des signatures de M. Borloo, de Mme Vautrin, de M. Daubresse, de la vôtre, madame la ministre, qui figurent sur ces conventions ? Qui engagent-elles donc ? Le Parlement a-t-il encore une compétence en matière budgétaire ?

Je rappelle qu'une partie des crédits qu'on nous demande d'adopter aujourd'hui s'inscrit dans la stratégie d'un certain projet de loi de mobilisation pour le logement que nous n'avons pas encore examiné. Étroitement associés par M. Piron, rapporteur, aux travaux préparatoires à l'examen de ce texte, nous savons qu'y est prévu le transfert de nombreux engagements de l'État. Or, on nous demande d'acter dès aujourd'hui ce désengagement par la loi de finances. Il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais demandé que le projet de loi de mobilisation pour le logement soit examiné avant le projet de loi de finances, car nous sommes en désaccord sur certains objectifs du texte à venir et nous aurions peut-être pu les infléchir.

Nos collègues évoquent l'hypothèse d'introduire dans la loi des rapports sur l'activité de l'ANAH et de l'ANRU – dont, soit dit au passage, les directeurs, que nous avons auditionnés, s'interrogent sur l'avenir de leurs organismes. Mais une proposition de loi relative à la simplification du droit, adoptée il y a quelques semaines par notre assemblée, a purement et simplement annulé un nombre considérable de rapports prévus par certaines lois, concédés par divers ministres de gouvernements successifs certains soirs de grand tumulte dans l'hémicycle. Nul n'ignore que lorsqu'on n'ose pas dire non à l'opposition, ou à la majorité d'ailleurs, on lui promet un rapport… Hélas, pas moins de douze rapports intéressant la commission des affaires économiques ont ainsi été annulés.

Ce problème de méthode, comme toujours, cache un problème de fond, en l'espèce le désengagement de l'État. Pour ce qui est du 1 % logement, qu'on ne parle pas d'accord avec ses acteurs, tous, y compris les représentants des employeurs, ayant fait savoir que cet état de fait leur avait été imposé.

À ce désengagement massif de l'État, s'ajoutent les prélèvements opérés ici ou là, que les rapporteurs ont eu raison de souligner. L'an passé, ce sont les SACI que l'État a sollicitées pour pouvoir tenir ses engagements en matière de logement ; cette année, c'est le 1 % logement qu'il ponctionne ; l'an prochain, ce seront des prélèvements sur les organismes de logement social. Et ensuite ? Sur l'ANRU ? Sur les crédits en faveur des quartiers d'habitat dégradé ? S'agissant de l'ANRU, des ministres avaient pris des engagements dans l'hémicycle, notamment sur la DSU, nous faisant accepter un dispositif devant courir jusqu'en 2009 dont nous avions, non sans mal et in extremis, arraché le maintien. Que vaut aujourd'hui cette parole, madame la ministre ? Ce reniement de la parole de l'État, Messieurs les présidents des commissions, prend une acuité particulière en matière de logement.

Pour ce qui est des aides au logement – dont l'enveloppe globale diminue de 1 % – vous m'aviez indiqué, madame la ministre, que vous examineriez la question du seuil de 15 euros en-dessous duquel elles ne sont pas versées. Pourquoi donc avoir relevé ce seuil de deux euros ? Faire ainsi une économie de 60 millions d'euros n'est pas acceptable. Alors que les aides personnalisées au logement représentent un coût total de 14 milliards, l'État n'y contribue plus qu'à hauteur de cinq milliards, le reste provenant des entreprises, des partenaires sociaux et des organismes de prestations sociales.

Les PALULOS, pour leur part, sont quasiment supprimés. C'en est donc fini de l'aide à l'amélioration des logements hors des quartiers prioritaires, dont le périmètre se réduit comme peau de chagrin. Autant dire que nous préparons le travail de l'ANRU de nos successeurs !

Les crédits destinés à compenser la surcharge foncière diminuent, pour leur part, de moitié, alors même que cette intervention, comme celle du 1 % logement, est indispensable à l'équilibre des opérations. Dès lors, soit les communes se substitueront à l'État pour équilibrer les opérations, notamment de PLAI dans les zones denses, soit elles ne le pourront pas, mais en ce cas, plus aucun programme ne verra le jour. Pourquoi cette diminution ? Tous les bailleurs sociaux avaient recours au 1 % logement pour compléter le tour de table indispensable à la réalisation d'opérations équilibrées, sachant que celles-ci doivent l'être aussi à long terme.

Enfin, quelle a été la contrepartie des dépenses fiscales qui augmentent de manière colossale ? On sait ce qu'il en a été pour l'avantage de Robien. Il faudrait regarder tout cela de plus près, y compris pour le PTZ.

Madame la ministre, je vous le dis franchement : nous sommes amers. Nous ne comprenons pas la stratégie adoptée. Rien, pas même la crise financière, ne peut justifier les modalités d'élaboration de ce budget du logement qui marque le désengagement de l'État et met en grande en difficulté ses partenaires, au premier rang desquels l'ANRU, l'ANAH et le 1 % logement, pour ne rien dire de l'Union des HLM.

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