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Intervention de Dounia Bouzar

Réunion du 8 juillet 2009 à 9h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Dounia Bouzar, anthropologue :

Je n'ai pas connaissance de cas de port de la burqa en France. De fait, en arrivant en France, les Afghanes sont plutôt heureuses de la retirer.

Pour ce qui est des créneaux réservés dans les piscines, chaque fois qu'un élu accorde un traitement particulier à des citoyens se référant à l'islam, ces bons sentiments se réclamant du respect de l'autre renvoient à la même représentation de l'islam que celle des personnes qui le diabolisent. Cette forme de laxisme repose sur des représentations archaïques de cette religion : « Chez eux, on ne touche pas la main d'une femme, il n'y a pas de mixité, on arrache les affiches… » C'est une autre forme de discrimination envers l'islam, considéré comme l'altérité même. Cette attitude archaïque fait accepter de la part des musulmans des choses que l'on n'accepterait pas d'un bouddhiste. N'acceptons pas de comportement archaïque, quelles que soient les références religieuses ou culturelles invoquées.

Je n'ai pas encore fait de comparaisons à l'échelle européenne, mais il me semble qu'ailleurs, la situation correspond à une autre réalité. Dans les autres pays européens, en effet, l'objectif n'est pas l'égalité et on tolère que les musulmans aient les pratiques qu'ils veulent, dès lors qu'ils restent entre eux. Le drap noir est le même, mais il n'a pas la même fonction dans la société et le discours est différent.

Pour lever tout malentendu, je précise que ma position ne consiste pas à dire qu'il faut respecter les différences. Les gens de référence musulmane demandent précisément le droit à l'indifférenciation, à être traités comme les autres. Je n'ai évoqué le droit à la différence qu'en dénonçant l'attitude des pays étrangers qui prétendent que l'interdiction du niqab est un déni de ce droit. L'exemple est pourtant mal choisi, car le drap noir supprime les différences. Le « droit à la différence » est encore une manière de considérer l'autre comme quelqu'un qui doit être civilisé. Je vous rappelle, à cet égard, les débats honteux dans lesquels nous nous sommes laissés entraîner pendant vingt ans à propos de l'excision, qui n'a rien à voir avec l'islam.

Vous aurez compris durant mon exposé que les dysfonctionnements personnels comportent selon moi une grande part de causes psychologiques. En effet, la recherche de la dignité conduit actuellement à une sorte de névrose. Il semble cependant difficile d'imposer une obligation de traitement. N'étant pas juriste, je me fie à vous pour trouver la réponse aux questions de sécurité posées par le port du voile intégral.

Quant à savoir si je suis favorable à une loi, je répondrai que, sur fond d'aspiration à la toute-puissance, de recours à la religion pour se maintenir dans une bulle hors du monde réel et de désir de dominer, ces jeunes qui s'adressent en fait à Dieu pour avoir une loi et un butoir ont besoin qu'on leur oppose des limites. Le problème de ces jeunes musulmans tient souvent à ce qu'ils n'ont pas eu de père structurant. Il faut donc un rappel à la loi, au sens symbolique et psychanalytique du terme, mais cela passe par la loi réelle.

Le salafisme se développe dans les prisons parce qu'il s'agit aussi d'une bulle, d'un espace virtuel. Certains utilisent la religion pour vivre dans une telle bulle et échapper à la loi des hommes. La prévention et la formation des acteurs sont bien évidemment nécessaires et il faut savoir si ce retour à l'islam a pour objet de se structurer pour revenir sur terre ou d'échapper à la réalité terrestre et à la loi. Pour les femmes sur lesquelles le discours salafiste a autorité, la situation est plus compliquée, mais elle comporte aussi cette recherche de toute-puissance, d'extase et de virtualité.

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