Il est exact que le système électoral israélien complique singulièrement la situation. Depuis 1996, aucune législature n'est allée jusqu'à son terme. Le système électoral a fonctionné tant qu'il existait un parti dominant – d'abord le parti travailliste, pendant une trentaine d'années, puis le Likoud, qui a pris le relais à la fin des années 70. Depuis 1990, les deux grands partis se sont affaiblis, tandis que les petits partis se sont renforcés, ce qui a déséquilibré la situation.
Les députés israéliens ayant bien conscience du problème, de nombreuses réformes ont été proposées, mais aucune d'entre elles n'a abouti. Les petits partis n'ont en effet aucun intérêt à ce que la situation change, et je ne vois malheureusement aucune perspective de réforme interne pour le moment.
Dans ces conditions, la communauté internationale pourrait-elle agir ? Je rappelle qu'elle n'intervient jamais dans le mode de désignation des instances politiques, à l'exception des États dits « faillis ». Les Palestiniens eux-mêmes ont pu choisir le type de scrutin qu'ils souhaitaient – ils l'ont d'ailleurs modifié, au préjudice du Fatah, en combinant représentation proportionnelle et représentation par circonscription. Comme l'a montré l'exemple italien, il faudra attendre que le système soit complètement à bout de souffle pour qu'un changement interne se dessine. Mais nous n'en sommes pas encore tout à fait là en Israël.
Sur la question de Jérusalem, il y a eu des progrès sur le papier depuis 2000, car certains responsables israéliens, notamment M. Ehud Barak, ont accepté le principe d'une division de la souveraineté. Il reste à discuter de ses modalités, ce qui est une question plus complexe. Cela étant, le principe d'une division a été accepté par la gauche israélienne, et même par une partie de la droite modérée.
L'hypothèse d'une internationalisation de Jérusalem est en revanche rejetée par les deux parties, bien que cette solution présente un certain intérêt. Pour avoir beaucoup travaillé sur la question de Jérusalem, je crois qu'il faut s'interroger sur ce que l'on désigne par ce nom : fait-on référence à la Jérusalem administrative telle que les Israéliens la conçoivent, ou bien seulement à la vieille ville ? Cette dernière pourrait être internationalisée, et le reste divisé, sur le plan de la souveraineté, entre quartiers juifs et arabes.
Quant au Hamas, il me semble difficile d'y voir une créature d'Israël. Il est vrai que le gouvernement militaire israélien qui administrait la Cisjordanie et Gaza a encouragé le développement du mouvement des Frères musulmans à la fin des années 70, en vue de réduire l'influence de l'OLP. Toutefois, il faut se souvenir que les Frères musulmans ne formaient alors qu'un simple mouvement quiétiste, prônant un retour à des pratiques plus rigoureuses de l'islam. L'État d'Israël n'avait pas perçu que ce mouvement pourrait se politiser, ce qui a fini par se produire à partir de la première Intifada, en 1987. En effet, les Frères musulmans pouvaient difficilement rester en dehors du mouvement populaire. Le Hamas a ensuite fait son apparition, puis il est devenu un ennemi irréductible d'Israël, contrairement à l'OLP, qui a suivi le chemin inverse.
Je ne pense pas que le maintien d'un conflit de basse intensité soit une nécessité existentielle pour Israël. Mais c'est une option « gérable », qui présente l'avantage de repousser les choix, notamment en ce qui concerne le tracé de la frontière avec le futur État palestinien. Or, c'est précisément ce qui explique l'absence de vision de long terme en Israël. Avec la Syrie, comme avec l'Egypte dans les années 70, le contentieux est certes complexe, mais la frontière est à peu près claire, à quelques centaines de mètres près. En revanche, ce n'est pas du tout le cas avec le futur État palestinien. Si certains acceptent l'idée que deux États coexistent – c'est le cas au sein du Parti travailliste et de Kadima, mais pas du Likoud –, il n'existe à l'heure actuelle aucun accord sur les détails pratiques.
La logique actuelle donne donc une prime à l'immobilisme. Si l'on reste au statu quo, c'est pour éviter de prendre des décisions. Les considérations de court terme prévalent.