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Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 18 février 2009 à 8h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Mes chers collègues, ce débat est passionnant, et je m'en réjouis.

Il l'est également du point de vue historique. Je vous recommande vivement la lecture du compte rendu des débats d'avril 1966, où j'ai trouvé quelques perles. Il est ainsi amusant d'écouter nos actuels collègues de gauche quand on a en mémoire les termes de la motion de censure déposée, à l'époque, par les élus des groupes socialiste et du Rassemblement démocratique. Pour résumer la politique du Gouvernement gaulliste, qui cherchait à défendre l'indépendance nucléaire de la France, François Mitterrand avait eu une expression délicieuse : il l'avait qualifiée de « poujadisme mondial » !

Les enjeux étaient les mêmes qu'aujourd'hui : défendre l'indépendance nationale et la sécurité de la France. Les relations entre la France et les États-Unis étaient alors tendues. Nous étions en train de construire notre force de dissuasion ; un très violent débat avait eu lieu avec Eisenhower, puis Kennedy, sur le passage à la riposte graduée, les conditions d'emploi de la force de frappe française, et le mouvement de la 1re armée aux frontières de la France. Il s'agissait, comme l'a rappelé Bernard Kouchner, d'un système d'automaticité de la guerre et nous aurions été en première ligne en cas d'attaque surprise. Si nous étions dans le commandement en temps de paix, la question de l'indépendance de décision de la France venait donc à se poser. C'est pourquoi le général de Gaulle, après son fameux mémorandum de 1958 sur le directoire à trois, mit l'accent sur la question nucléaire.

La situation actuelle est bien différente. Tout d'abord, depuis une vingtaine d'années, l'Alliance n'est plus une alliance « nucléarisée ». Le fameux Groupe des plans nucléaires, le NPG, appartient au passé. Nous ne risquons pas de l'intégrer ! L'Alliance atlantique n'est plus une alliance nucléaire, mais une alliance de projection de forces dans le cadre de résolutions des Nations unies.

Ensuite, l'Alliance, aujourd'hui, c'est un menu à la carte. Une crise éclate quelque part dans le monde ? Chaque État membre possède le droit souverain d'y aller ou non. Certains vont se battre – en Afghanistan c'est le cas des Américains, des Canadiens, des Anglais, des Français et, éventuellement, des Hollandais –, d'autres feront semblant de se battre mais ne sortiront pas de leur caserne – c'est le cas des Italiens et des Allemands –, d'autres enfin se comporteront en spectateurs. Et l'indépendance de la France serait menacée parce qu'un système d'intégration s'abattrait sur nos forces armées ? C'est une plaisanterie ! Hervé Morin l'a rappelé, les forces sont, depuis un même réservoir, levées tantôt au profit de l'Union européenne, tantôt au profit de l'OTAN.

Si l'on souhaite préserver l'indépendance nationale et la sécurité de la France, nous devons prendre toute notre place au sein de l'Alliance, ce qui a été engagé bien avant la présidence de Nicolas Sarkozy, et, au lieu de rester un simple fournisseur – nous sommes le deuxième fournisseur de l'Alliance, aussi bien au niveau des forces qu'au niveau budgétaire – devenir copilote.

La négociation en cours me paraît bonne, en tout cas bien meilleure que celle de 1996. Il existe deux commandements suprêmes dans l'Alliance : SACEUR et ACT. Nous obtenons ACT, ainsi que le commandement régional de Lisbonne et quelques autres choses : ce ne sont pas des plats de lentilles ! Cela permettra à la France de participer au pilotage de l'Alliance et d'accentuer son européanisation, sous réserve que nos camarades européens veuillent bien dépenser un peu d'argent pour la défense.

Pour finir, je veux dire en toute amitié à Jean-Michel Boucheron que ses propos sur la Lituanie sont inacceptables. Si elle était attaquée, les Américains ne bougeraient pas pour elle ? Mais qui interviendrait ? Les Belges ? Les Français ? Si l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord n'est pas appliqué, à quel texte fera-t-on appel ? C'est le seul instrument dont nous disposons ! L'article 47 alinéa 2 du traité de Lisbonne ne fait que renvoyer à cet article. Il n'existe pas de clause de sécurité collective dans les traités européens : le traité de Lisbonne ne reprend même pas l'article 5 du traité de Bruxelles instituant l'UEO !

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