Le moment est important. Nous allons en effet tourner une page peu glorieuse de notre droit social, celle du CNE et du CPE, contrats qui ont remis en cause d'une manière jusqu'alors inconnue les conditions de recrutement des salariés, avec cette période de deux ans pendant laquelle on pouvait licencier sans motif.
Les raisons invoquées étaient politiquement lourdes de sens. Je me souviens de ce long débat : on justifiait le CNE en disant que les chefs des petites entreprises craignaient d'être obligés de licencier, et que l'évolution des marchés était incertaine. On prétendait qu'il fallait donner aux entrepreneurs la possibilité d'embaucher des salariés précaires afin de créer des emplois. La majorité nous reproche parfois de faire de l'idéologie, mais pour le coup, c'en était vraiment, et sur ces sujets, elle demeure prégnante dans la droite française.
Il existe, chers collègues de la majorité, une forte contradiction entre les raisons invoquées pour instituer le CNE et le message, malheureusement ignoré, des chefs d'entreprise que vous visiez. Ainsi, les 800 000 entreprises artisanales de moins de onze salariés représentées par l'UPA, l'Union professionnelle artisanale, demandaient de payer une cotisation sur les salaires pour pouvoir bénéficier de représentants syndicaux dans les petites entreprises. Et vous affirmiez de votre côté connaître leurs besoins, qui étaient selon vous d'embaucher des salariés précaires. Vous nous accusez parfois d'être ringards, mais l'on peut vraiment dire que, face à ces petits entrepreneurs qui voulaient organiser le dialogue social, votre vision de l'entreprise était d'un archaïsme du XIXe siècle.
Quel a été le résultat de tout cela ? On entend parfois dire que le CNE a porté ses fruits, qu'il a permis de créer tant d'emplois… On peut toujours se quereller sur les chiffres, mais le plus simple est de prendre ceux du Gouvernement. Selon la DARES, « le CNE a permis d'accélérer les embauches dans les petites entreprises. Pour autant, [ces réponses] ne suffisent pas, en elles-mêmes, à mesurer l'effet net du CNE sur l'emploi ». On ne peut pas mieux dire !