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Intervention de Gilles Briatta

Réunion du 23 septembre 2008 à 15h00
Commission des affaires européennes

Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes :

Il est vrai que la présidence française a été marquée par ces deux événements considérables, qui ont testé sa capacité à répondre, dans l'urgence et le consensus, à des situations de crise.

Cela ne doit pas pour autant masquer les succès engrangés sur de nombreux autres fronts : le lancement réussi de l'Union pour la Méditerranée, la très prochaine conclusion de l'ambitieux Pacte européen de l'immigration et de l'asile et, sur un plan beaucoup moins médiatisé mais tout aussi décisif pour faire avancer l'Europe concrète, le renforcement d'Eurojust et d'Europol acté en juillet dernier.

Il n'en reste pas moins que la crise caucasienne et la crise financière ont été au coeur de nos préoccupations.

S'agissant de la Géorgie, il faut d'abord reconnaître que bien peu croyait possible une intervention européenne concertée sur l'un des sujets qui divise le plus nos Etats membres. Pourtant, grâce à l'action résolue et la force de conviction et d'écoute du Président de la République, l'Union a su s'unir pour jouer un rôle décisif dans l'arrêt des hostilités, lors de la conclusion de l'accord en six points du 12 août, puis pour dégager une voie efficace de sortie de crise lors du Conseil européen exceptionnel du 1er septembre, les 27 s'entendant sur quatre principes d'action : respecter l'intégrité de la Géorgie et l'intégralité de l'accord en six points, empêcher toute reprise des hostilités et conditionner la poursuite des négociations d'accords avec la Russie (en particulier l'accord de partenariat et d'association) à des engagements russes précis en terme de retrait des forces. Ces évènements montrent combien l'Europe tend, spontanément, à sous-estimer ses capacités et surestimer le poids de ses divergences. Grâce à la force d'impulsion d'une vraie volonté politique, l'Union a trouvé le chemin de l'unité, unité qui a sans doute été déterminante dans la résolution du conflit.

La crise financière était plus prévisible. Dès l'été 2008, la France avait attiré l'attention de ses partenaires sur les risques pesant sur le secteur financier sans qu'un consensus émerge alors. Là encore, l'Europe apparaît moins désarmée qu'on le croit trop souvent. La Banque centrale européenne, chacun en convient, s'est révélée extrêmement réactive et efficace, identifiant très tôt l'ampleur des besoins de financement des établissements bancaires et injectant des liquidités dans l'économie dès le déclenchement de la crise, avant même la Federal Reserve. Et lors de la réunion informelle des ministres des finances à Nice en septembre, les 27 se sont mis d'accord sur les grands axes d'une intervention coordonnée reposant sur quatre piliers.

En premier lieu, l'Union doit utiliser tous ses moyens à disposition pour répondre à l'urgence : fournir en liquidités les PME, dont les besoins de financement sont les plus importants. Or, la Banque européenne d'investissement exerce précisément, bien qu'encore modestement, une activité de financement des PME. L'idée est donc de renforcer considérablement le volume de ses prêts (à 15, puis à 30 milliards d'euros à moyen terme) en tirant partie de leurs effets multiplicateurs (les lignes de crédit de la BEI sont en effet accordées à des intermédiaires – banques ou autres établissements financiers – qui en utilisent le produit pour soutenir les projets d'investissement des PME).

En deuxième lieu, il existe des réactions des gouvernements face au ralentissement de la croissance et, notamment, le débat habituel entre les partisans du maintien d'une stricte orthodoxie budgétaire et les autres. L'Espagne a profité de ses marges de manoeuvre budgétaires face à une situation économique grave due à l'éclatement de la « bulle » immobilière. La présidence française a proposé à ses partenaires une réponse coordonnée et que les Etats ayant des marges budgétaires suffisantes puissent laisser jouer les stabilisateurs automatiques. La Commission européenne elle-même partage ce raisonnement que tiennent aujourd'hui nos partenaires européens.

En troisième lieu, les difficultés conjoncturelles ne doivent pas ralentir les réformes structurelles et les Etats ayant poursuivi les réformes pourront faire face au mieux aux difficultés actuelles.

En quatrième et dernier lieu, la feuille de route pour la stabilité financière est un ensemble de mesures totalement nécessaires couvrant les propositions de la Commission européenne en ce qui concerne les règles applicables au capital des banques et à la manière de calculer le risque, ainsi qu'à la régulation des agences de notation. Nous avions constaté un grand scepticisme sur ces questions mais, aujourd'hui, tous s'accordent sur le besoin d'une réglementation européenne sur les agences de notation qui pouvaient, par exemple, noter des produits qu'elles participaient à créer. Tous souhaitent une régulation mondiale mais si, l'Union européenne prend des mesures, les choses progresseront rapidement.

La situation économique et financière sera au coeur des discussions du Conseil européen des 15 et 16 octobre prochains. Tout le monde se pose la question de savoir s'il existe une réponse de l'Union européenne face à la politique menée par les autorités américaines. La coordination a surtout pris place au sein du G7, qui en particulier s'engage à appliquer les mesures de lutte contre la spéculation (notamment l'interdiction du « short selling »). Pour autant, l'Union européenne n'envisage pas d'adopter un plan d'action similaire car les actifs des banques européennes ne sont pas identiques à ceux des banques américaines. Néanmoins, la concertation est intense.

N'oublions cependant pas les priorités de la présidence française. Le paquet « énergie-climat » subit certaines critiques du fait de la situation économique. L'industrie européenne a en effet du mal à accepter des surcoûts dans ses modes de production. Mais faut-il renoncer à notre ambition qui est d'aboutir fin 2009 à un accord conclu avec les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre afin de limiter, à moyen terme, le réchauffement climatique ? Il existe aujourd'hui un consensus sur les conséquences potentiellement dramatiques d'une absence de réaction. Il est nécessaire, comme le dit la très grande majorité des scientifiques, d'agir dès à présent. Afin de permettre un accord mondial fin 2009, l'Union européenne doit porter un projet dès la fin de la présidence française. Il convient donc de maintenir intacte notre ambition d'arriver à une diminution de 20 % des émissions européennes de gaz à effet de serre d'ici 2020. Nous essayons de comprendre les industriels qui, tous, reconnaissent cet enjeu majeur. Les risques de délocalisation sont réels et il faut en tenir compte, sinon, le texte ne pourra pas être adopté. Ce dernier sera probablement le texte législatif le plus visible de la présidence française et devrait commencer à être débattu dès le Conseil européen d'octobre.

Monsieur le Président, vous m'avez interrogé sur la ratification du traité de Lisbonne. Le processus de ratification continue. Un débat aura lieu en octobre sur la base d'un rapport du Premier ministre irlandais consacré aux raisons du « non » ainsi qu'à la voie à suivre pour continuer à avancer. Il convient de ne pas exagérer la pression sur l'Irlande mais il ne faut pas sous-estimer l'attente des autres Etats membres.

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