S'agissant du rapport de la CNIL sur le STIC, nous y faisons bien évidemment référence dans notre rapport. Nous avons procédé aux mêmes constatations que la CNIL même si nous n'avons pas eu les moyens de faire un contrôle global, permettant d'établir des statistiques d'erreurs. En revanche, nous avons souhaité étudier précisément quel est le processus qui aboutit aujourd'hui à ces erreurs tant au stade de l'alimentation, de l'enrichissement que de la prise en compte de la requalification juridique des faits, cette dernière n'étant pas neutre en termes de durée de conservation des données. Nous allons dans le même sens que la CNIL en ce qui concerne le STIC, tout en allant plus loin dans notre rapport.
S'agissant de la nécessité d'une loi pour créer tout fichier de police, il aurait pu être possible bien auparavant de s'interroger sur le point de savoir si la question des fichiers de police ne relève pas de l'article 34 de la Constitution. Mais, c'est la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qui renvoie elle-même à la voie réglementaire pour la création des fichiers de police. En outre, l'un des problèmes vient de ce que la loi du 6 août 2004 a changé la nature l'avis de la CNIL : désormais, il est simplement rendu public et ne lie plus le gouvernement. Lors des débats, Alex Türk avait alors considéré que la simple publicité de cet avis, désormais consultatif, aurait un effet suffisamment dissuasif sur le gouvernement. Or, cela n'a pas toujours été le cas, comme pour le fichier EDVIGE ou le fichier DELPHINE relatif aux passeports biométriques. Notre proposition vise à ce que, lors de l'élaboration de tout projet ou proposition de loi autorisant la création d'un fichier de police, l'avis de la CNIL soit publié, afin d'éclairer le débat parlementaire. C'est d'une certaine manière ce qui s'est passé à l'occasion des débats sur la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, dans la mesure où le rapporteur, dans le cadre de ses travaux préparatoires, avait auditionné la CNIL et où le législateur avait tenu compte de certaines de ses observations.
Je voudrais également faire deux remarques. La première sur l'inflation des fichiers. On parle souvent de « prolifération » des fichiers de police. Mais, en réalité, le plus important problème réside dans la massification du nombre de personnes inscrites dans les fichiers de police. Si nous ne voulons pas avoir un méta fichier qui mélange toutes les finalités, il faut se résoudre à avoir des outils différents, répondant chacun à l'objectif qui leur est assigné. Le nombre de fichiers ne pose ainsi pas de problème en soi, à partir du moment où chacun d'eux répond à une finalité précise.
Par ailleurs, de ce que nous avons pu constater au cours de nos travaux, il n'y a pas actuellement d'interconnexions entre les fichiers de police. Les seules qui existent sont des interconnexions en quelque sorte humaines. Ainsi, lorsqu'ils veulent vérifier, dans le cadre de leurs enquêtes, dans quels fichiers une personne est inscrite, les policiers doivent actuellement passer par le portail CHEOPS pour consulter successivement et de manière séparée les différents fichiers : STIC, FNAEG, FAED, FIJAIS, etc.
Je voudrais également revenir sur le FNAEG. Si la remarque de M. Noël Mamère sur les détournements des prélèvements génétiques par certains laboratoires procédant à des recherches sur les origines ethniques des personnes figurant au FNAEG est avérée, c'est très inquiétant. Cependant, à ce jour, ne sont inscrits dans le FNAEG que les segments non codants. Ainsi, le seul élément qui peut être identifié est le sexe de l'individu. Pour le reste, il est impossible de faire des sélections ou des recherches à partir d'autres caractéristiques, comme l'origine ethno-raciale.
En outre, le FNAEG offre des garanties importantes. L'inscription dans ce fichier se fait suivant une saisie en double aveugle, pour éviter tout risque d'erreur. Tous les dossiers pour lesquels il existe une suspicion de risque d'erreurs sont bloqués et ne peuvent être inscrits dans le fichier. Enfin, ce n'est pas l'ordinateur qui associe une trace à un individu, mais c'est un expert biologiste qui fait les rapprochements. L'ordinateur ne fait que proposer des choix de rapprochements, qui sont validés ou non par l'expert biologiste. Le FNAEG a cependant connu des problèmes. Il a notamment dû faire face à une croissance rapide en raison de l'extension de son domaine par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Il faut également reconnaître que beaucoup de délinquants portent aujourd'hui des gants et, à l'avenir, l'ADN va progressivement remplacer les empreintes digitales. Enfin, tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et d'une récente circulaire du ministère de la Justice, nous faisons une proposition visant à mettre fin à des prélèvements biologiques qui sont manifestement disproportionnés pour certains délits.