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Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 23 octobre 2007 à 17h00
Commission des affaires économiques

Christian Estrosi :

secrétaire d'État à l'outre-mer, a remercié les présidents Ollier et Warsmann de l'accueillir à l'occasion de cette audition, qui permettra de présenter aux commissions les grandes lignes du budget 2008, sa nouvelle architecture et les priorités auxquelles il répond.

C'est le premier budget de l'outre-mer de cette législature. C'est aussi un moment révélateur des priorités du Président de la République et du Gouvernement qui les met en oeuvre, avec Mme Alliot-Marie, pour ce qui concerne l'Outre-mer.

Ce budget manifeste l'attachement de la France aux départements et collectivités d'Outre-mer, malgré un contexte particulièrement contraignant pour le budget de l'État.

Pour 2008, les crédits directement gérés par le secrétariat d'État à l'outre-mer s'élèvent à 1,76 milliard d'euros en autorisation d'engagement et 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement. Cela ne représente qu'une petite partie de l'effort global de l'État au bénéfice des départements et collectivités d'outre-mer, qui s'élève à 15,3 milliards d'euros.

La stricte comparaison des crédits de la mission Outre-mer avec ceux de l'année précédente ne présente aucune pertinence. La lecture ne peut se faire qu'au regard des transferts de crédits d'anciens programmes au ministère de l'économie des finances et de l'emploi et vers d'autres programmes du ministère de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales. Ainsi une centaine de millions d'euros de crédits correspondant à des dépenses de personnel et de fonctionnement vont-ils être transférés sur des programmes relevant de la mission « administration générale et territoriale de l'État ». De même, passent sous la gestion du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi 158 millions d'euros consacrés aux dispositifs de soutien à l'emploi et à la formation dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

Cette nouvelle organisation, qui exprime l'unité du territoire de la République et de son administration, répond avant tout au souci de simplifier et d'améliorer l'efficacité de l'action du Gouvernement. Les enjeux et les spécificités de l'outre-mer pourront être mieux pris en compte et leur gestion optimisée. Ces adaptations devraient également permettre de réaliser des économies, qui seront réaffectées au développement de l'outre-mer.

Par conséquent, si il y a une baisse « optique » des crédits de la mission, ils sont en réalité en augmentation de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement à périmètre constant.

Le nouveau périmètre s'articule désormais autour de deux programmes, au lieu des trois de l'année précédente : l'emploi et les conditions de vie.

Toujours dans le but d'améliorer la gestion des crédits mais aussi d'optimiser leur utilisation, un conseil pour l'outre-mer va être mis en place prochainement. Il sera placé sous l'autorité du Président de la République et coordonnera l'action de l'État en faveur de l'outre-mer.

Outre cette volonté d'efficacité, les objectifs que s'est fixés le Gouvernement et particulièrement le Secrétariat d'État à l'outre-mer, dans le projet de loi de finances pour 2008, reprennent clairement les engagements du Président de la République : soutenir le développement de l'économie et de l'emploi ; soutenir le développement local en partenariat avec les collectivités territoriales d'outre-mer ; garantir la sécurité et l'égalité des chances des citoyens outre-mer.

Les économies ultramarines sont globalement en décalage de développement, même si une baisse du taux de chômage a été enregistrée depuis cinq ans. L'écart avec la moyenne nationale est toujours trop élevé ; 19,6 % de la population active des DOM contre 8,4 % de celle de la métropole en juin 2007.

La première priorité du budget est donc naturellement l'emploi. En témoigne l'importance des crédits qui sont consacrés à sa promotion : ils sont de 1,008 milliard d'euros, répartis entre les 867 millions pour les exonérations de charges sociales contre 819 en 2007, soit une augmentation de 6 % par rapport au précédent exercice, 30 millions d'aides directes et 110 millions pour le service militaire adapté.

Si les politiques publiques d'accompagnement de l'emploi restent indispensables pour préserver la cohésion sociale, elles ne peuvent pas être la seule réponse. L'enjeu fondamental est de donner à ces économies une forme d'autonomie, une plus grande capacité de développement par elles-mêmes.

Le problème ne se pose plus seulement en termes de « rattrapage » par rapport au modèle métropolitain ou européen. S'il constitue une exigence, le rattrapage ne doit pas faire oublier la dynamique et les défis supplémentaires. Chaque économie doit trouver sa voie et s'intégrer davantage dans son environnement régional.

Il convient, par conséquent, de concentrer les efforts dans deux grandes directions : lever au maximum les contraintes qui pèsent sur la création de richesses, et structurer les filières porteuses. Cela se traduit de plusieurs façons.

La création dans les quatre DOM de zones franches globales d'activités doit permettre de favoriser l'émergence d'économies compétitives et rendre ainsi plus performants les dispositifs visant à adapter les créations d'emplois dans le secteur marchand. Il faut agir ici sur plusieurs leviers, dont celui de la fiscalité des entreprises en l'adaptant au contexte local : des mesures fiscales touchant à l'impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sont prévues. Prenant effet en 2009, elles concerneront les activités économiques au titre de 2008.

Dans la même logique, la mise en place de pôles de compétitivité devrait permettre de redonner confiance aux acteurs économiques mais aussi de valoriser le potentiel en matière de recherche, qui est fort en outre-mer. Sa situation géographique et l'ensemble de ses atouts, la richesse de ses terres, de ses eaux, de sa biodiversité, le prédisposent à devenir un laboratoire grandeur réelle et une vitrine avancée de la France dans le domaine technologique.

Ce sont de nouveaux métiers, donc de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises qui vont être créés. Ce sont aussi de nouvelles filières de formations qui seront proposées aux jeunes.

Ces pôles sont également une concrétisation de rengagement de l'outre-mer pour la protection de l'environnement. Le développement de nouvelles technologies de production d'énergies renouvelables, les solutions innovantes en matière de santé et de biotechnologies sont de vrais enjeux pour ces territoires. Ils sont d'ailleurs déjà très en avance sur la métropole, sur certains sujets : ainsi à La Réunion, 36 % de l'énergie provient de modes renouvelables.

Ces solutions ont en outre vocation à s'exporter dans le monde entier. Ainsi, après QUALITROPIC, labellisé pôle de compétitivité en 2005 et qui concernait la filière agroalimentaire, ce sont les créations récentes des pôles « Santé tropicale » en Guyane, sur les nouveaux risques infectieux et les maladies émergentes, de « SYNERGILE» en Guadeloupe et très prochainement « TEMERGIE » à La Réunion, sur les énergies renouvelables, qui témoignent de cet engagement.

Le champ est vaste : de la gestion des risques naturels à l'utilisation de la mer à des fins énergétiques ou de bio produits. En redynamisant la recherche, ces pôles deviendront une des clés d'un nouveau développement économique.

Cependant le développement de l'emploi et la lutte contre le chômage passent également par le maintien d'un contexte social favorable. Il faut pour cela tenir compte de l'environnement spécifique de l'outre-mer qui subit notamment une forte pression démographique. La question cruciale est celle de l'amélioration des conditions de logement. L'État va donc intensifier ses efforts pour favoriser l'accès au logement social.

Seront poursuivies les actions mises en oeuvre à la suite de la première conférence nationale sur le logement outre-mer, qui s'est tenue le 27 février 2007, en orientant la défiscalisation vers le logement social. La loi de programme en préparation comportera un volet consacré à cet effort. En outre, les crédits de la mission Outre-mer affectés au logement social passent cette année de 175,7 millions à 200 millions d'Euros. Ce qui constitue une hausse significative de 14%. Après l'effort exceptionnel accompli en 2007 pour solder les dettes importantes accumulées sur la « LBU », ce nouvel effort en loi de finances témoigne de l'attention portée à ce sujet essentiel pour l'égalité des chances de nos concitoyens.

Le développement de l'outre-mer passe aussi par l'accompagnement de l'exercice des responsabilités locales. C'est tout le sens des projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles pour l'outre-mer déjà votés ou en cours de préparation.

Cette priorité se concrétise par le renforcement des engagements de l'État en faveur des collectivités locales d'outre-mer. À ce titre, les dotations gérées directement par le secrétariat d'État connaîtront l'année prochaine une légère progression et atteindront 316 millions d'euros en crédits de paiement.

Le projet de budget pour 2008 prévoit en outre une augmentation de 10 % au titre des engagements contractuels de l'État. Ces crédits atteignent 110 millions d'euros en crédits de paiement dont 28 millions d'euros s'inscrivant dans le contrat de projet pour la Polynésie française.

Enfin, l'amélioration de la sécurité demeure un axe fort de l'engagement du Président de la République, en outre-mer comme sur l'ensemble de notre territoire, car elle est une des conditions majeures du développement économique.

Les résultats observés en matière de lutte contre la délinquance sont encourageants et l'effort de l'État sera poursuivi.

La hausse générale des chiffres est liée à une forte augmentation de l'activité des services : elle a augmenté de 4,59 % pour l'ensemble de l'outre-mer. La délinquance de voiepublique est en baisse de 5,09 % avec des résultats très bons en Guyane (- 25,62 %), à la Martinique (-16,28 %), en Nouvelle Calédonie (- 8,1 %) ou à La Réunion (- 5,78 %).

Depuis 2002, une politique résolue a été menée pour lutter contre l'immigration irrégulière. Les résultats sont excellents. Le problème reste fort en Guyane et à Mayotte mais il est désormais moindre en Martinique et en Guadeloupe, preuve que dans ce domaine aussi la volonté politique peut-être efficace.

La baisse du nombre des reconduites hors du territoire français en Martinique et en Guadeloupe s'explique par le fait qu'une partie de l'immigration clandestine arrivait par la Dominique, qui ne réclamait pas de visa à l'immigration aux ressortissants d'Haïti. Le ministre de l'intérieur de l'époque obtint de la Dominique qu'elle exige un tel visa. Depuis, les Haïtiens ne viennent plus à la Dominique, pour gagner ensuite la Martinique et la Guadeloupe par les voies navigables.

À Mayotte, la situation était difficile. La fédération des Comores avait décidé un blocus contre l'île d'Anjouan, ce qui aboutit à interdire, pendant trois semaines, toute liaison maritime et aéroportée. D'où l'importance de la pression migratoire à Mayotte, où le préfet n'avait plus la possibilité d'organiser les reconduites. Depuis que les liaisons ont été rétablies, les chiffres de reconduites de l'année dernière ont quasiment été rattrapés ; ils seront même sans doute dépassés cette année.

Reste le problème de la Guyane. L'orpaillage clandestin n'a cessé de se développer. Il se trouve que la Guyane est le seul territoire d'outre-mer en situation continentale, avec deux frontières, celles de l'Oyapok et du Maroni entre le Brésil d'un côté et le Surinam de l'autre. L'immigration clandestine qui passe par la voie fluviale est très difficile à contenir. La France est en train de mettre en place avec le Brésil et le Surinam des brigades communes qui commencent à porter leurs fruits. D'ici à la fin de l'année, le niveau des reconduites à la frontière devrait être beaucoup plus acceptable. Sans compter le chantier de construction du pont de Saint-Georges de l'Oyapok, pour lequel les crédits ont été débloqués ; cette voie de circulation permettra de contrôler plus efficacement les déplacements entre le Brésil et la Guyane.

Dans le domaine de la sécurité civile, la politique d'amélioration de la prévention des risques se poursuit également. Le secrétariat d'État à l'outre-mer y travaille, en étroite collaboration avec les directions du ministère de l'intérieur ainsi qu'avec les collectivités territoriales qui ont un rôle à jouer sur ce plan.

Le fonds de secours de l'outre-mer reste l'outil privilégié d'aide aux victimes de catastrophes naturelles.

En 2007, 36,6 millions d'euros ont été délégués par le Secrétariat d'État à ce titre, dont 17,6 millions en faveur des sinistrés du cyclone Gamede à La Réunion et 5,8 aux entreprises victimes du chikungunya à La Réunion et à Mayotte. L'aide aux sinistrés de DEAN à la Martinique et en Guadeloupe sera progressivement versée d'ici à la fin de l'année. Les dégâts viennent d'être évalués par les experts à 558 millions d'euros.

Il convient de saluer les représentants de la Martinique et de la Guadeloupe et, à travers eux, les collectivités territoriales qui ont contribué, avec l'État, à un important travail de solidarité. Jamais la commission spécialisée ne s'était réunie aussi vite pour procéder à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle. Toutes les communes de la Martinique ont été retenues à ce titre. Deux - Baillif et Deshaies - ne l'ont pas été à la Guadeloupe, parce que des mouvements de terrain ont obligé à reporter l'examen des dossiers, mais l'avis favorable ne saurait tarder. Il convient également de saluer les collectivités, les particuliers et les organisations de métropole qui ont témoigné de leur solidarité à l'égard de la Martinique et de la Guadeloupe.

Enfin, le développement économique de l'outre-mer passe par la réduction de la fracture numérique. Les technologies de l'information et de la communication sont essentielles pour développer l'attrait et la compétitivité des territoires. La loi de programme en préparation comportera un volet consacré à cet effort, notamment afin de faciliter le déploiement des câbles sous-marins et donner ainsi une qualité de service et une concurrence tarifaire équivalentes à celles de la métropole. Le câble arrive à la Guadeloupe et va arriver à la Martinique ; cela permettra l'ouverture à la concurrence, la baisse des tarifs et une meilleure qualité de service. Le câble sera ensuite acheminé en Guyane.

En matière de téléphonie portable, les habitants d'outre-mer qui se rendaient en métropole étaient soumis à une double tarification : la tarification normale, plus la tarification de réception ; il en était de même pour les habitants de métropole qui se rendaient en outre-mer. La France a obtenu à Bruxelles une baisse de 40 à 50 %, valable de l'outre-mer en métropole, de métropole en outre-mer, mais aussi de tous les pays de l'Union européenne vers l'outre-mer et vice-versa.

La mise en place des deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, depuis le 15 juillet dernier, se déroule comme prévu. De nombreux échanges ont lieu avec les présidents. Les textes d'application de la loi organique sont pris ou interviendront très vite. La loi de finances pour 2008 sera amendée pour prévoir les modalités transitoires de compensation des transferts de compétences. La commission d'évaluation se réunira dès la parution du décret l'instituant.

La question de la position de ces deux collectivités a été également réglée au regard de l'Union européenne. Tant qu'elles dépendaient du territoire de la Guadeloupe, elles bénéficiaient, notamment en matière d'aménagement du territoire, des fonds européens. En quittant leur statut antérieur, n'allaient-elles pas perdre ce bénéfice, notamment pour la période 2007-2013 ? La France est en train de faire en sorte qu'elles deviennent des régions ultrapériphériques, dans le cadre du traité simplifié.

S'agissant de la départementalisation de Mayotte, le Président de la République s'est engagé à consulter les électeurs mahorais si le conseil général le demande après son renouvellement de mars 2008. Si ces électeurs approuvent cette évolution, le Parlement sera appelé à l'entériner dans le cadre de la loi organique. L'évolution vers le département devra alors être adaptée et progressive. En effet, la situation de la société mahoraise et des collectivités nécessite l'adoption d'une démarche spécifique, en concertation avec les élus de Mayotte.

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