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Intervention de Cécile Gallez

Réunion du 4 mars 2009 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Gallez :

La mission qui m'était confiée était l'étude de l'hébergement des personnes âgées et handicapées françaises en Belgique. Ces deux questions ne sont pas tout à fait comparables. Je les aborderai donc successivement.

On estime à 1 575, dont 80 % sont originaires du Nord, les personnes âgées françaises hébergées en Belgique, chiffre qu'il convient de relativiser puisqu'il ne correspond qu'à 0,2 % des Français de plus de soixante ans.

Ces personnes sont en Belgique d'abord par manque de places en France, bien que nombre d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de maisons de retraite soient en cours de création. Cette situation s'explique aussi par la proximité géographique qui conduit les frontaliers du Nord de la France et de la Belgique à entretenir de nombreuses relations et les hôpitaux à commencer à créer des liens entre eux.

Il n'existe pas de recensement précis de ces personnes, ce qui est très choquant. Les rapports successifs mentionnent ainsi le caractère approximatif des chiffres qu'ils citent. La France devrait pourtant connaître précisément le nombre de ses ressortissants hébergés en institution en Belgique.

Le niveau de dépendance de ces Français est très élevé, encore que l'expression de la dépendance ne soit pas harmonisée entre les deux pays. En France, le mode de calcul est le groupe iso-ressources (GIR). Le niveau maximal de handicap est le GIR 1, sachant que plus le chiffre est élevé, plus les gens sont valides. En Belgique c'est l'inverse, les niveaux de handicap étant fixés par l'échelle de Katz. Harmoniser les systèmes constituerait un progrès.

Pour garder ses personnes âgées, ce qui serait l'idéal, la France doit réduire la durée des procédures. En effet, cinq ans au moins sont nécessaires pour ouvrir une maison de retraite ou un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le Gouvernement compte d'ailleurs instaurer dans le cadre du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, une nouvelle procédure d'appel à projet qui devrait permettre de réduire la durée des constructions. Il faut aussi des aides à l'investissement. Pour prendre l'exemple de l'EHPAD que j'ai lancé, le projet a reçu une subvention de 1,4 million d'euros du conseil général du Nord pour un coût total de 4,8 millions d'euros. Pour le solde, il a fallu se débrouiller. Enfin, il convient de développer l'accueil temporaire, surtout l'accueil de jour.

Combien de places faudrait-il créer ? Si les gens vivent de plus en plus vieux, ils se maintiennent plus longtemps qu'autrefois en meilleur état de santé. Ils entrent tard dans des structures d'hébergement, et n'y restent en moyenne que deux ans et demi. Il faut donc en tenir compte pour la planification des créations. La Wallonie offre 13 à 14 lits pour 1 000 personnes de plus de soixante-quinze ans, contre 8,4 en France.

Les demandes devraient en tout cas être gérées de façon centralisée. En effet, par précaution, les demandeurs s'inscrivent souvent dans plusieurs établissements, puis oublient, lorsqu'ils ont trouvé une place, d'annuler leurs demandes dans les autres. Déterminer le nombre de places nécessaires est donc impossible. Un dossier unique d'admission devrait donc être créé que pourraient gérer les centres locaux d'information et de coordination (CLIC). Dans le Nord, il en existe par exemple quatre dans l'arrondissement de Valenciennes qui pourraient ainsi orienter les demandes.

En Belgique, les maisons de retraite correspondent à peu près aux foyers logements en France, tandis que les maisons de retraite et de santé (MRS) sont l'équivalent des EHPAD. L'approche est cependant différente. En France, lorsqu'une personne devient très dépendante, elle passe du foyer logement à l'EHPAD. En Belgique, elle reste dans la même structure, où elle change de statut. En revanche, les ratios de personnel sont à peu près identiques, même si, dans notre pays, on compte un peu plus de personnel administratif et un peu moins de personnel soignant. Pour le personnel soignant, le ratio en Belgique est de 0,22 équivalent-temps plein par résident en maison de retraite contre 0,18 en foyer logement en France. Par contre, depuis l'entrée en vigueur des conventions tripartites entre la maison de retraite, le conseil général et la DDASS – direction départementale des affaires sanitaires et sociales –, ce ratio est de 0,6 en EHPAD contre 0,5 dans les MRS belges. La France devrait donc augmenter légèrement le nombre de personnels soignants, notamment pour l'accueil des malades d'Alzheimer, et surtout organiser des formations tout au long de la vie. Pour les auxiliaires de vie, une validation des acquis devrait également être instaurée. Certaines personnes, très bonnes soignantes, sont incapables de passer le moindre examen ; une telle validation des acquis serait pour elles une bonne solution.

Par ailleurs, en France, le salaire des aides-soignants est éclaté entre la dépendance et le forfait soin. Quoique cet élément de complexité ne soit pas insurmontable pour un comptable, le simplifier serait néanmoins positif.

Pendant longtemps, les coûts ont été moins élevés en Belgique. Aujourd'hui, entre 37 à 40 euros par jour sont payés par le malade, et 26 à 37 euros par l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI), c'est-à-dire la sécurité sociale belge. Lorsque le malade est français, l'INAMI se fait ensuite rembourser par la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM).

En France, le malade paie en moyenne 59 euros par jour. En revanche, il ne peut pas bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), qui n'existe pas en Belgique, et atteint, dans les cas les plus lourds, 429 euros par mois. Il peut aussi bénéficier de l'aide personnalisée au logement (APL) lorsqu'il est hébergé en EHPAD. Dans l'établissement que j'ai fondé, le montant de l'APL est compris entre 40 euros et 330 euros par mois. Enfin, les personnes dont la retraite est trop faible ou qui ne touchent qu'une demi-retraite peuvent aussi percevoir l'aide sociale du département. Le régime français comporte donc de nombreux avantages. Tout y est également compris alors qu'en Belgique, les fournitures – des alaises jusqu'aux savons – sont facturées. Au total, les coûts sont donc aujourd'hui très comparables.

Par contre, après trois mois de résidence en Belgique, les Français perdent l'usage de leur carte Vitale. Ils doivent alors utiliser un formulaire européen, le formulaire E121 ou le E112 lorsque leur résidence n'y est que temporaire. Dans la mesure où, après ces trois mois, ils deviennent résidents en Belgique, ils sont susceptibles d'y être imposés. Le gouvernement wallon ne semble pas en faire sa politique mais, pour ce motif, certaines personnes ont envisagé de revenir en France où, pour un revenu compris entre 11 000 et 25 000 euros, le taux d'imposition est de 14 % contre 40 % en Belgique.

Le Plan « Solidarité grand âge » doit être pérennisé. Surtout, il faut que soient contrôlés en Belgique, comme cela se pratique en France, les Français âgés ou handicapés qui y sont hébergés. À cet effet, un accord permanent entre les ministères français et belges est indispensable.

S'agissant des personnes handicapées françaises, leur hébergement en Belgique est dû au nombre insuffisant de places en France. Les Belges ont appréhendé le handicap bien avant nous et de façon également bien différente. En Belgique, le programme d'accueil de la personne handicapée est élaboré à partir de la personne, par exemple de son niveau de sociabilité. L'approche est plus éducative que médicale, plus pragmatique, et les personnels plus polyvalents : le même professionnel pourra éduquer un patient dans la journée et l'accompagner pour une dialyse rénale le soir.

La Belgique compte deux sortes d'établissements. D'une part, les établissements agréés et contrôlés par l'agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées (AWIPH), qui disposent de 0,45 à 0,75 équivalent temps plein par lit. D'autre part, les services dits « article 29 », de nature un peu plus commerciale, qui ne sont ni agréés ni subventionnés et qui ne disposent que de 0,25 équivalent temps plein par lit ; ils sont au nombre de 75, pour 3 500 places environ.

En France, le classement se fait par handicap, en Belgique par mode de prise en charge. Certaines structures belges sont d'ailleurs d'une qualité telle que les Français qui y ont des enfants redoutent très fortement leur rapatriement en France.

Il n'existe pas là non plus de recensement précis. S'agissant des personnes handicapées, selon les chiffres que j'ai obtenus, 2 920 enfants sont scolarisés en Belgique, de la maternelle au secondaire ; 3 500 sont dans le circuit médico-social, dont 1 700 de moins de vingt ans, gérés par la CRAM Nord-Picardie, et 1 800 de plus de vingt ans, gérés par les conseils généraux. Parmi ces enfants, 63 % sont originaires du Nord-Pas de Calais, mais 14 % d'Ile-de-France. Les autres sont originaires de quarante départements différents, dont deux enfants des DOM-TOM.

De façon générale, un recensement serait d'autant plus nécessaire que très peu de contrôles sont exercés. Certains pensionnaires, les plus âgés, peuvent avoir perdu leurs parents, et il serait souhaitable que les administrations françaises puissent suivre leur sort, notamment s'ils disparaissent eux-mêmes. Je propose que chaque chef d'établissement en fournisse la liste au bourgmestre, qui pourrait transmettre l'information aux autorités consulaires françaises.

Les coûts des différents foyers sont sensiblement les mêmes en France et en Belgique, autour de 140 à 150 euros par jour, même si des différences existent en fonction du type d'établissement et du public qu'ils accueillent.

S'agissant du conventionnement, les CRAM passaient autrefois des conventions individuelles au cas par cas pour les Français accueillis dans des établissements belges. La règle est aujourd'hui aux conventions globales : la CRAM Nord-Picardie a ainsi passé vingt-cinq conventions avec des établissements pour les moins de vingt ans. Par contre, ce qui relève du conseil général reste régi par le conventionnement individuel, même si le conseil général du Nord a passé des conventions globales avec quatorze établissements, qui offrent 545 places.

L'orientation pourrait être décidée par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), même si leur création est récente. Surtout, il faudrait gérer les listes d'attente. En France, les procédures d'admission, qui imposent notamment l'avis du médecin-conseil, sont beaucoup plus longues qu'en Belgique.

Une circulaire de la Caisse nationale d'assurance maladie du 28 novembre 1996 a placé la CRAM Nord-Picardie au centre du dispositif des placements d'enfants français en Belgique et a également établi la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing caisse de paiement unique pour les ressortissants du régime général de tous les départements français.

En France, la gestion des structures médico-sociales est différenciée. Les MAS et les SSAD – services de soin à domicile – sont gérées par les CRAM ; les foyers de vie, les foyers d'hébergement, les foyers occupationnels par les conseils généraux ; les foyers d'accueil médicalisés (FAM) conjointement par les CRAM et les conseils généraux.

Quant aux jeunes qui, bien qu'ayant dépassé l'âge de vingt ans, restent en foyer pour enfants, faute de places dans des établissements pour adultes, le dispositif dit « amendement Creton » les fait dépendre du financeur compétent de la structure vers laquelle ils ont été orientés.

La CRAM Nord-Picardie pourrait fournir le nombre exact d'enfants placés dans les établissements conventionnés. Pour l'évaluation des adultes handicapés relevant de l'aide départementale, j'ai pensé à l'institution d'un ou de plusieurs conseils généraux référents comme pour l'assurance maladie, par exemple celui des Ardennes. Il pourrait cependant s'agir tout aussi bien de l'une des futures agences régionales de santé (ARS). Ce sont des pistes que j'ouvre à l'attention de la ministre.

Sont aussi hébergées en Belgique des personnes qui ne sont pas handicapées. Ainsi, le village belge de Roucourt, près de Peruwelz, abrite des jeunes Français en difficulté avec leur famille ou pré-délinquants. Certains y sont placés par la justice. Ils sont au nombre de 92 – douze n'ont pas 12 ans –, la plupart étant originaires du département du Nord. On leur apprend un métier, dans le secteur de l'artisanat, et la plupart trouvent un travail. On pourrait transposer un tel dispositif en France. Certes, ces jeunes, je le répète, ne sont pas des handicapés, mais je tenais tout de même à signaler cette expérience.

Les polyhandicapés souffrent de handicaps à la fois mentaux et physiques. Ce sont des cas très lourds pour leurs familles qui n'ont à leur disposition que très peu de structures d'accueil. Certes, nombre de familles souhaitent les garder auprès d'elles, mais elles ne disposent souvent pas des revenus permettant de financer les personnels d'aide à demeure qui seraient nécessaires. Une réflexion devrait être engagée pour élaborer des solutions afin de les aider, de temps en temps, à se libérer de leur tâche.

Les autistes en France sont estimés entre 80 000 et 100 000, dont peu sont hébergés en Belgique. Un effort doit en tout état de cause être entrepris pour les garder dans notre pays non seulement parce qu'ils doivent être mis très jeunes en institution, pour qu'ils puissent être ensuite scolarisés dans une structure normale, avec des enseignants spécialement formés et l'appui d'auxiliaires de vie scolaire (AVS), mais surtout parce qu'ils doivent rester près de leurs parents, car ceux-ci doivent s'associer quotidiennement à leur traitement. Il faut donc créer de petites structures locales à cette fin – je ne parlerai pas des méthodes de traitement, telle la méthode ABA (Applied Behavioral Analysis) que l'on commence à apprécier en France.

Le plan autisme a créé 2 600 places entre 2005 et 2007, et en projette la création de 4 100 entre 2008 et 2010. La proximité nécessaire avec les parents impose, je le répète, d'éviter à tout prix que les enfants partent en Belgique, surtout lorsqu'ils viennent du Midi.

J'ai été très marquée par ceux que les médecins appellent les « inadéquats », les personnes qui devraient relever des institutions médico-sociales mais qui sont hébergées en hôpital psychiatrique. À l'hôpital Saint-André de Lille, que j'ai visité, ils sont dix en structure fermée, avec seulement deux soignants pour s'occuper d'eux. C'est un effectif trop peu nombreux pour les aider à évoluer. Ils stagnent voire régressent très fortement, alors que dans d'autres structures, ils sont stimulés et aidés pour évoluer cérébralement. Il faut absolument mettre fin à cette situation d'autant que le placement en hôpital psychiatrique coûte aussi très cher : 400 euros par jour en moyenne contre 150 euros en foyer médico-social. Or, rien que pour le Nord, ces « inadéquats » sont au nombre de 250.

S'agissant des contrôles des établissements belges accueillant les Français, ils doivent être très fortement renforcés. Deux pistes sont possibles : fournir une aide budgétaire à l'AWIPH ou placer auprès d'elle, si la Belgique l'accepte, des Français qui feraient ce travail. Les disparités entre établissements en Belgique sont en effet considérables. Des établissements modèles sont côtoyés par d'autres beaucoup plus commerciaux.

Les personnes handicapées françaises hébergées en Belgique doivent rester françaises. Pour se faire délivrer une carte d'identité en France, il y faut une adresse. Or pour les personnes placées sous curatelle, c'est-à-dire sans tuteur, c'est leur résidence habituelle qui doit figurer sur la carte d'identité. Un temps, la préfecture du Nord n'a ainsi plus voulu leur délivrer de carte d'identité. Une autre difficulté tient au relevé des empreintes digitales. Comment un Français grabataire pourrait-il se déplacer jusqu'au consulat ? Il faut qu'un fonctionnaire assermenté puisse venir jusqu'à eux prendre leurs empreintes. Enfin, ces personnes doivent aussi conserver leurs prestations sociales. Or le versement actuel de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) pour celles qui sont hébergées en Belgique, s'il n'a jamais été interrompu, ne repose sur aucun fondement juridique.

Une aide doit être également apportée à l'Association tutélaire du Nord (ATI). Elle gère 6 000 personnes, dont 1 000 en Belgique. Elle est financée en grande partie par le conseil général du Nord, mais il n'est pas dans sa mission d'effectuer un contrôle de l'établissement, mais seulement de vérifier si la personne dont elle assure la protection bénéficie d'une prise en charge adaptée. Un juge des tutelles référent devrait aussi être désigné.

En conclusion, un recensement exact du nombre de personnes âgées et handicapées hébergées en Belgique devrait être organisé. S'il n'est pas question de les rapatrier en France, il faut désormais y créer des places, de façon à mettre fin au développement de structures commerciales en Belgique, de qualité inégale.

Il faut assouplir les conditions de création des structures d'accueil de personnes âgées ou handicapées : une maison d'accueil spécialisée (MAS) de quarante-huit places n'a obtenu son nombre de places que dix ans après le lancement du projet alors que sa construction a alors été conduite en moins d'un an. Il faudrait sans doute attribuer les places par bloc sur un territoire. En Belgique, les conditions d'ouverture sont beaucoup plus faciles.

Par ailleurs, les personnes doivent garder leur statut de Français. Quant au conventionnement, il doit être général, et non pas au cas par cas.

Les contrôles doivent être considérablement développés, en collaboration avec l'AWIPH. De même, la collaboration doit être très étroite entre le gouvernement français d'un côté, et les gouvernements fédéral et wallon, de l'autre – l'obstacle de la langue fait que la question ne se pose pas avec la Flandre. Le ministre wallon de la santé en est fort partisan. Du reste, Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, a tenu à ce que le rapport lui soit remis en présence du ministre belge.

Je ne souhaite pas le rapatriement des Français actuellement hébergés en Belgique ; c'est de toute façon irréalisable. En revanche, il faut créer de nouvelles structures pour satisfaire la demande française et pour éviter l'ouverture de structures commerciales en Belgique. Cette démarche sera aussi un avantage pour l'emploi en France.

Je souhaite tout particulièrement que la collaboration interministérielle entre les ministères français et belges perdure et se développe. C'était l'un des objectifs de ce rapport.

En conclusion, je veux rappeler que, ainsi que je le souligne à la fin de mon rapport écrit, « les attentes des associations représentatives des personnes handicapées sont celles d'un ensemble de valeurs fortes : respect, écoute, bien-être intégration, dignité. Ces valeurs sont également celles exprimées par les personnes âgées et leurs familles. Mon souhait serait que ce rapport puisse contribuer, un tant soit peu, à faire progresser la mise en oeuvre concrète de ces valeurs. »

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