Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Isabelle Gillette-Faye

Réunion du 17 mars 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Isabelle Gillette-Faye :

La prise en compte de ces problèmes est très hétérogène selon les départements. Il faut reconnaître que tous n'ont pas le même afflux de populations issues de l'immigration. Quand nous avons voulu étendre nos colloques d'information sur les mutilations sexuelles féminines en dehors de la région francilienne, nous avons dû batailler avec certains départements et certaines régions pour leur prouver que ces pratiques existaient sur leur territoire.

La situation s'est bien améliorée. Grâce à la chirurgie reconstructrice, beaucoup de professionnels de santé et de professionnels sociaux se sont autorisés à aborder les mutilations sexuelles féminines, malgré leur aspect culturel qui ralentit beaucoup leur prise en compte.

Le GAMS a jugé utile de créer des antennes régionales dans les régions et les départements où personne ne prenait en charge cette question. Dans certains départements et régions, comme les pays de la Loire, le Poitou-Charentes, le Nord-Pas-de-Calais, cela n'a pas été nécessaire car il existait des associations locales sur lesquelles nous pouvions nous appuyer et avec lesquelles nous travaillons en partenariat.

Il reste des résistances liées à l'aspect culturel de ces pratiques. Le département ne peut pas tout faire. La justice a également un rôle à jouer : il est assez désespérant pour un professionnel de la protection maternelle et infantile ou une assistante sociale scolaire de voir un magistrat du parquet des mineurs ne pas décider le placement d'une enfant qui risque de subir une excision, et ne pas même faire un rappel à la loi. Pour prendre une mesure de placement d'une enfant mineure, il faut impérativement une ordonnance provisoire de placement. Informée un mercredi matin qu'un mariage coutumier impliquant une mineure de seize ans allait être organisé dans la nuit du mercredi au jeudi, je me suis entendu dire par un procureur que ce n'était pas possible puisque la loi du 4 avril 2006 interdisait les mariages à seize ans… Plusieurs personnes ont essayé de lui faire comprendre qu'il s'agissait non d'un mariage civil mais d'un mariage coutumier, elle n'a rien voulu entendre. L'aide sociale à l'enfance a pris ses responsabilités et a décidé une mesure de placement mais il y a eu une mainlevée de la famille dans les vingt-quatre heures.

Il y a là un hiatus. S'il n'existe pas un travail commun entre les services du département qui assurent la protection de l'enfance et les services de l'État qui assurent la justice, les victimes peuvent se retrouver dans des situations assez dramatiques.

Le travail de partenariat avec des associations locales s'améliore en dépit de l'hétérogénéité des situations et des pratiques. Dans certains endroits, le modèle que nous avons conçu en région parisienne a été reproduit et fonctionne bien car sont enfin réunis autour de la même table des représentants des services déconcentrés de l'État, des collectivités territoriales, de l'Éducation nationale, de la police et de la justice. Le travail en commun de toutes ces composantes concourt à faire avancer les choses.

Le partenariat au niveau européen est plus difficile à réaliser, la principale raison étant que la France mène depuis longtemps une politique intégrationniste et assimilationniste tandis que nos partenaires européens appliquent depuis longtemps une politique communautariste.

L'Angleterre s'est dotée en 1985 d'un texte de loi pour lutter contre les mutilations sexuelles féminines, mais elle ne l'a jamais appliqué, tout en continuant son travail d'information et de prévention. En revanche, elle a mis en place des dispositifs pratiques, dont nous pourrions nous inspirer, pour empêcher le départ d'une jeune fille en danger de mariage forcé ou pour l'héberger.

Les Pays-Bas sont très avancés dans la lutte contre les mutilations sexuelles féminines et se sont inspirés de ce qui se fait en France. Pour éviter les mariages forcés, ils ont déjà, comme l'Allemagne, des centres d'hébergement dédiés pour les victimes réelles ou potentielles.

Les avancées ne sont pas égales d'un pays européen à l'autre, mais les situations non plus. La France est moins confrontée aux crimes d'honneur que les pays que je viens de citer où il s'en perpétue un ou deux par mois, contre un ou deux par an en France. L'Italie a une population sénégalaise relativement importante, mais les migrants viennent essentiellement d'une ethnie, les Wolof, qui ne pratique pas l'excision, tandis qu'arrivent en France des populations d'une même région, qui traverse le Mali, le Sénégal et la Mauritanie, pour qui cette pratique est très forte.

Nous travaillons à la mise en place de partenariats en Europe depuis bientôt neuf ans et nous poursuivons nos efforts. Les parlementaires européens réfléchissent à une homogénéisation des pratiques.

Dans les collèges et les lycées se manifestent parfois localement des volontés de faire avancer les choses et, dans ce cas, elles avancent très bien. Mais l'obligation d'un travail de prévention n'existe pas au niveau de l'Éducation nationale. Nous regrettons que les associations spécialisées dans le problème du mariage forcé doivent solliciter rectorat par rectorat l'autorisation d'intervenir dans les établissements scolaires, faute de directive nationale le prévoyant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion