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Intervention de Maurice Berger

Réunion du 17 mars 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l'enfant au CHU de Saint-étienne :

À la longue, le dispositif pivot ne donne pas de très bons résultats. On a constaté que ce dispositif était toujours transitoire et durait généralement de six à huit mois. Il a un avantage, l'enfant restant dans son lieu de vie ; mais il présente aussi un inconvénient, car l'enfant garde l'illusion que papa et maman ne sont pas vraiment divorcés et qu'ils seront de nouveau ensemble. Par conséquent, si des parents ont besoin de choisir ce dispositif pivot, pourquoi pas, mais il ne peut être que transitoire.

J'en viens à votre question de fond : qu'est-ce qui est culturel ? Qu'est-ce qui est lié à l'immigration ?

On ne peut évidemment pas relier les viols collectifs uniquement aux violences conjugales, car ce serait prendre un raccourci abusif. Je ne sais pas comment cela se passe au Maghreb, mais je peux dire que la violence conjugale n'est pas le seul facteur. Pour avoir un peu travaillé avec des jeunes des banlieues sensibles, nous avons observé l'existence d'une multitude de facteurs que, malheureusement, les politiques ont du mal à prendre en compte.

Le premier facteur est souvent une atteinte profonde de l'estime de soi. Cela découle de ce que je vous ai dit : les enfants ont-ils été suffisamment aimés petits ? D'où l'importance du mot « respect ».

Le deuxième facteur est un trouble énorme au niveau de la construction de la pensée. Souvenez-vous des interviews des jeunes lors des émeutes de novembre 2005 et d e leur difficulté à expliquer les raisons. Quand certains de ces jeunes ont été reçus chez nous, nous nous sommes rendu compte que simplement, ils « jouaient » lors des émeutes !

En fait, ces jeunes n'avaient jamais, petits, joué avec leurs parents. Le jeu apprend aux enfants à faire semblant. N'ayant pas joué à faire semblant, ils savent uniquement jouer dans le vrai. Au lieu de jouer avec de petites voitures, ils brûlent de vraies voitures ! « Pourquoi avez-vous brûlé l'école maternelle ? », a-t-on entendu à la télévision. Réponse : « C'était pour s'amuser, parce que c'était rigolo. » On entend dans les prétoires des jeunes déclarer : « On l'a violée, c'était pour s'amuser : » La distinction entre le réel et virtuel n'est pas faite chez eux. Et comment acquiert-on cette distinction ? En apprenant à faire semblant. Voilà pourquoi j'affirme, même si c'est complètement utopique, qu'une France qui jouerait un quart d'heure par jour avec ses enfants petits, la télévision éteinte – ce qui serait le plus difficile à obtenir – serait une France moins violente.

À tel point que nous mettons actuellement en place dans notre service un groupe de jeunes mères maghrébines, dont les enfants commencent à être violents, pour leur apprendre à jouer avec leur bébé, en espérant y arriver.

Dernier point : un bon schéma corporel permet de contenir ses pulsions violentes. Le corps de ces enfants n'ayant pas été très investi, ils souffrent de gros troubles du schéma corporel, n'arrivent pas à apprendre, à comprendre, et sont humiliés scolairement. Or, l'échec scolaire se construit avant trois ans car les structures de pensée permettant d'apprendre se construisent avant cet âge. Gøsta Esping-Andersen, un des plus grands économistes, ainsi que James J. Heckman, Prix Nobel d'économie en 2000, ont démontré qu'on ne mettait pas l'argent où il fallait. Une étude parisienne étonnante, qui va paraître le démontre également. Or, en France, on débute toujours la lutte contre l'échec scolaire trop tard, à trois ans, à l'école maternelle.

La question des jeunes beurs, des jeunes immigrés est beaucoup plus complexe qu'on ne le pense. Les violences groupales sont un problème public d'origine intime.

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