Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Maurice Berger

Réunion du 17 mars 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l'enfant au CHU de Saint-étienne :

Nous recevions jusqu'à présent, une grande majorité de garçons, mais nous commençons à voir arriver des filles. Ces filles, exposées à des scènes de violence, peuvent être aussi violentes que les garçons ; elles agissent souvent en groupe et avec beaucoup de cruauté, en exposant une fille à ce qu'elles ont elles-mêmes subi. Par exemple, elles amènent la victime au bas d'un immeuble pour la regarder se faire violer, ou elles violent d'autres filles dans des internats.

Une quantité importante de travaux montre que le foetus est sensible au stress éprouvé par la femme pendant la grossesse, ne serait-ce que par des biais hormonaux. En effet, le stress provoque une augmentation du cortisol et de l'adrénaline. Les pics d'adrénaline sont un phénomène bien connu. On constate que le taux de cortisol est en augmentation constante chez une personne adulte, ou même un enfant, en situation de stress permanent. Par conséquent, chez une femme enceinte stressée, le foetus baigne dans cette augmentation de cortisol qui, malheureusement, est une hormone liposoluble, c'est-à-dire qu'elle passe dans le cerveau. Nous avons des traces de ces maltraitances chez l'enfant après la naissance, qui sont le fait de mères très stressées. Certains nourrissons ont une manière de réagir à fleur de peau, supportent mal qu'on les touche, d'autres sont hyperkinétiques, par exemple.

Votre troisième point est délicat. Ayant moi-même déposé devant la commission Varinard, mon texte distinguait trois sous-groupes de jeunes violeurs. Il y a d'abord ces jeunes extrêmement impulsifs, animés d'une violence pathologique extrême qui surgit d'un coup. Je ne suis absolument pas convaincu que la prison leur serve ; par contre, il est extrêmement important qu'ils sachent qu'ils « peuvent » aller en prison. Nous les emmenons visiter la prison tant ils sont incapables d'anticiper les effets de leur geste. D'autres sont des jeunes qui commettent des violences en groupe ou des violences de caïds, c'est-à-dire de jeunes ayant un plaisir à transgresser la loi devant des témoins et à se montrer plus forts qu'elle. Pour eux, seul un acte transmis par la société peut leur signifier qu'ils doivent arrêter. C'est pourquoi, à mon avis, même entre douze et treize ans, leur place est en établissement pénitentiaire pour mineurs, à condition d'y trouver des psychologues et des éducateurs.

Si l'on me dit qu'il s'agit d'enfants, je réponds ceci : ces enfants ont eu la force de commettre un viol en étant complètement insensibles aux cris et aux supplications. Nous devons donc construire des établissements adaptés. Cela dit, c'est aborder la question du mauvais côté. Notre service comporte une pièce d'isolement permettant aux jeunes, lorsqu'ils sont complètement débordés par la violence, d'aller se calmer – on pourrait l'appeler aussi pièce d'apaisement. Lorsque je demande à des jeunes de dix-onze ans de m'expliquer pourquoi ils ont commis cet acte extrêmement grave, la seule réponse que j'obtiens est : « Ta gueule, tu me prends la tête ! » Après les avoir isolés un moment dans cette pièce, ils disent : « J'ai pensé aux vingt-six questions pour lesquelles mon enfance s'est mal passée. » Ces jeunes n'arrivent pas à penser et, une fois l'excitation ou la violence calmée, la pensée survient. Or, en France, on n'arrive pas à concevoir qu'un lieu fermé protège le sujet à la fois de l'excitation du monde extérieur et de la violence qui naît en lui. La contenance n'est pas forcément qu'une sanction, mais qu'elle est le moyen d'aider les sujets à penser.

Les Québécois ont mis en place des centres éducatifs renforcés ou fermés depuis 1999, pour les six à douze ans, avec des résultats intéressants. On peut discuter de l'âge mais je ne supprimerais pas l'option pénitentiaire de douze à treize ans, à condition qu'elle offre des outils qui aident à penser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion