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Intervention de Maurice Berger

Réunion du 17 mars 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l'enfant au CHU de Saint-étienne :

Deuxième raison : l'utilisation même des termes « l'intérêt de l'enfant » est refusée par beaucoup de professionnels, sous le prétexte qu'ils sont beaucoup trop subjectifs. Or c'est faux. Lors du débat à l'Assemblée nationale, un des arguments avancés avait justement été qu'on ne peut plus laisser 4 000 ou 5 000 professionnels avoir chacun leur définition.

Il existe donc des outils précis pour évaluer le développement affectif et intellectuel d'un enfant. Par conséquent, prétendre que l'intérêt de l'enfant introduit de la subjectivité est un mensonge. Un de ces outils est le test de Brunet-Lézine. Dans l'une des épreuves, on donne un cube à un bébé de neuf mois, puis on lui prend pour le cacher sous un mouchoir, et on lui demande où il est. Un enfant élevé dans un milieu familial calme et prévisible, hésite mais tire le mouchoir. Autrement dit, il ne perçoit pas le cube, mais il sait qu'il est toujours là : c'est ce qu'on appelle la permanence de l'objet. Un enfant élevé dans un milieu violent, chaotique, va tourner la tête à gauche, à droite car il ne sait plus où est le cube : il n'a pas acquis l'image d'une mère sécurisante – toujours elle – à l'intérieur de lui.

En outre, la définition de l'intérêt de l'enfant, dit-on aussi souvent, n'est pas utilisable car elle figure uniquement dans le code de l'action sociale et des familles, et pas dans le code civil. Les juges, les éducateurs et autres recourent seulement à l'article 375 du code civil sur l'assistance éducative. De même, la loi de 2002 est inscrite dans le code civil. La définition de l'intérêt de l'enfant, déjà insuffisante, déjà refusée, est donc, en plus, hors du code civil. Résultat : tous les prétextes existent pour ne pas s'en servir.

Septième et dernier point – je n'avais pas prévu d'en parler, mais je vais quand même le faire au risque de vous choquer – : je suis consterné par le refus d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale de treize à douze ans.

Je ne parle pas en termes sécuritaires, ni idéologiques. Je m'occupe d'une consultation spécialisée pour les jeunes violeurs et nous parlons aussi du droit des femmes dans le cadre de cette mission. Il s'agit d'empêcher que des jeunes filles, des filles, des fillettes soient violées. Les jeunes violeurs que je reçois commencent à violer à partir de onze ans – de plus en plus de jeunes commencent à cet âge.

Mais la question n'est pas seulement celle-là. Les soins aux jeunes violeurs sont extrêmement : ces jeunes effacent ce qu'ils ont fait et imaginent que la victime efface de même. Autrement dit, ils n'ont aucune conscience du décalage entre leur acte et le syndrome post-traumatique de la victime après un viol qui est énorme. Et les violeurs commencent à penser à ce qu'ils ont fait seulement au moment où tombe la sanction judiciaire.

Dans le cadre d'une obligation de soins, je me suis occupé d'un jeune qui avait violé à treize ans et deux mois. Il ne se passait rien jusqu'à ce que son avocat lui dise : « Tu as caché avoir sodomisé ce garçon, mais on en a la preuve et tu vas être condamné ». Le garçon répond alors: « Je ne voulais pas y penser car il me semblait que, si je n'y pensais pas, le juge n'y penserait pas non plus et qu'il oublierait. ». Voilà le fonctionnement des jeunes violeurs. Si l'on veut maintenir l'âge de la responsabilité pénale à treize ans, il faudrait en exclure les délits sexuels.

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