La précédente LOPSI avait associé au volontarisme affiché des moyens conséquents. Nombre de dispositions législatives ont été adoptées. Sept ans après, force est de constater que cette politique n'a pas marché. Ce fut une politique du chiffre, qui d'ailleurs n'est pas allée sans poser problème dans les rapports entre la police nationale et la population. La fracture territoriale s'est aggravée, avec la concentration dans certaines zones de formes de délinquance particulièrement violentes. Ce que nous avons vu ces derniers mois, loin d'être un phénomène nouveau, ne fait qu'illustrer cette tendance.
Face à ce constat, on aurait aimé, madame la ministre, vous voir proposer une nouvelle orientation, une nouvelle doctrine. J'avais d'ailleurs cru comprendre, en lisant votre interview dans un journal paraissant le dimanche, que vous-même formuliez en creux une critique de la politique des effets d'annonce et que vous en appeliez à une action plus en profondeur. Il est quand même terrible d'avoir attendu les événements des Mureaux, de La Courneuve, de Gagny pour que ce texte, prêt depuis des mois, soit présenté en Conseil des ministres et vienne en en discussion au Parlement.
Je voudrais d'abord vous interroger sur ce qui ne figure pas dans ce texte de 46 articles et les documents qui lui sont annexés. D'abord, rien ne concerne ce qui est à nos yeux le problème principal, à savoir la montée de la violence et des zones de non-droit. Faute de cet élément central, on nous propose une fuite en avant dans le tout-technologique. Par ailleurs, il est frappant de ne pas trouver dans ce projet l'équivalent de l'article 2 de la LOPSI de 2002 : on ne sait rien sur les effectifs, mis à part le fait qu'on nous demande d'approuver, à travers le rapport annexe, le protocole d'accord qui a été signé avec un syndicat en novembre dernier, qui réduit de 8000 le nombre de gardiens de la paix par rapport aux engagements pris en 2004. La RGPP suscitant des inquiétudes, nous voudrions avoir des indications sur les évolutions des effectifs de policiers et de gendarmes, faut de quoi l'on ne saurait parler de loi de programmation.
En ce qui concerne la police d'agglomération, pour ma part je n'ai pas vu les dispositions qui permettraient de l'organiser ailleurs qu'en région parisienne. En Île-de-France, nous nous inquiétons de la rupture qui va se produire entre petite couronne et grande couronne. Les problèmes étant les mêmes dans l'une et l'autre, ne vaudrait-il pas mieux, à l'instar de ce qui avait été fait pour la police des transports, mettre en place un dispositif régional ?
Nous avons entendu récemment une nouvelle annonce du Président de la République, cette fois sur la création de brigades de lutte contre les violences familiales. Je n'en trouve pas trace dans ce texte. Qu'en est-il ? Quelle est votre position ?
La commission des lois a exprimé sa volonté unanime de revoir le cadre juridique des fichiers de police. Mais dans ce domaine, votre projet m'inquiète sur plusieurs points, et j'aimerais connaître l'avis de la CNIL et du Conseil d'État. Je pense notamment au STIC. Quant au problème du fichier EDVIGE, il reste pendant, et nous tenons à ce qu'il soit réglé par la loi. Par ailleurs, il est paradoxal que le seuil de peine retenu empêche d'utiliser l'outil des fichiers de rapprochement sur des cambriolages, mais qu'il soit possible de faire figurer dans ces fichiers les témoins d'un vol aggravé.
Plusieurs éléments de ce projet peuvent donner l'impression d'une logique d'externalisation ou de privatisation de la politique de sécurité. Le premier est la vidéosurveillance, qui certes peut être utile mais qui n'est pas un remède miracle. Ne faudrait-il pas tirer les leçons de ce qu'on en pense désormais en Grande-Bretagne ? D'autre part, plutôt que de créer une commission nationale de contrôle de la vidéosurveillance, ne pourrait-on faire appel à la CNIL ? On s'oriente aussi, me semble-t-il, vers la privatisation des transfèrements.
En ce qui concerne l'intelligence économique, j'ai le sentiment que le dispositif proposé – délai de trois ans et possibilités de dérogation – est très en retrait par rapport à ce que vous aviez annoncé il y a peu.
Pour terminer, j'évoquerai un sujet d'actualité. Nous sommes très attachés à la lutte contre le terrorisme. Son cadre juridique doit être utilisé à bon escient. Je n'ai aucune sympathie pour les idées de Julien Coupat. Je pense d'ailleurs qu'il est très dangereux d'en faire un héros. Mais beaucoup disent que le dossier est vide, et des policiers laissent entendre qu'une forme de commande politique aurait précipité certaines interpellations. Nous aimerions donc entendre de vous quelques explications ou savoir quelles leçons vous tirez de cette affaire.