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Intervention de Laure de La Raudière

Réunion du 18 mars 2009 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière :

depuis le début de l'année 2008, la sous-commission s'est intéressée aux modes d'attribution des crédits à la consommation, notamment en lien avec la question du surendettement. Cette question avait déjà été discutée par la Commission dans le cadre des débats sur la loi Chatel et avaient conclu à la nécessité de légiférer afin de prévenir le surendettement. Nous avions également eu l'occasion d'examiner la question de l'instauration d'un fichier positif lors de l'audition du président de la CNIL. La sous-commission a pour sa part procédé à une dizaine d'auditions sur un sujet qui est récemment redevenu d'actualité avec le dépôt d'une proposition de loi par le sénateur Philippe Marini suivi de l'annonce par le gouvernement d'un projet de loi transposant la directive communautaire sur le crédit à la consommation au sein duquel pourraient être introduites des mesures concernant le crédit revolving.

Avant de passer au constat et aux recommandations, il convient avant tout de rappeler que le crédit à la consommation est utile et nécessaire à l'économie. Il représente 10 % des achats effectués par les ménages pour un encours moyen de 5 500 euros par ménage et un total d'encours de 145 milliards d'euros. Il permet donc de couvrir des besoins importants pour soutenir la consommation. Parallèlement, il faut souligner que 15 000 dossiers de surendettement sont déposés tous les mois. Ces chiffres démontrent qu'il est nécessaire de trouver un équilibre entre prévention du surendettement et maintien de bonnes conditions d'attribution des crédits à la consommation, afin d'éviter de freiner la croissance tirée par la consommation.

Avant d'évoquer les quatre points qui correspondent à la synthèse des réflexions qu'ont inspirées à la sous-commission les auditions qu'elle a menées, il faut rappeler que les crédits à la consommation correspondent, d'une part, à des prêts personnels avec des produits d'appel à des taux assez bas, inférieurs à 10 %, et, d'autre part, à des crédits revolving dont les taux se situent généralement entre 15 et 20 %.

S'agissant du constat, tout d'abord, la sous-commission considère que les connaissances disponibles sur les liens entre crédit renouvelable et surendettement sont insuffisantes. Les quelques études existantes semblent montrer l'existence d'un impact favorable sur la croissance mais défavorable sur le surendettement ; ces études ne reposent cependant pas sur des bases scientifiques. Les connaissances sont également lacunaires concernant le profil sociologique des personnes surendettées. A cet égard, on notera que la Banque de France se contente d'intervenir sur la gestion du surendettement mais ne s'occupe pas d'améliorer de la situation.

Deuxième constatation : il n'y a pas d'analyse des trajectoires qui mènent au surendettement. Dans le rapport, nous avons essayé d'élaborer un schéma expliquant le passage d'un recours au crédit pour couvrir un besoin de financement à un recours au crédit pour couvrir les crédits précédents et donc à un endettement de réaction. Sur les causes de ce passage, il existe de nombreuses statistiques fondées sur un évènement unique (licenciement, maladie, décès, etc). Il est toutefois plus vraisemblable de penser qu'il résulte d'une accumulation de facteurs au-delà du dernier élément déclencheur, qui est bien souvent un « accident de la vie ». A cet égard, rappelons également que les données de la Banque de France reposent sur les déclarations des personnes surendettées et comportent donc un élément de subjectivité qui doit être pris en compte. Une meilleure compréhension du phénomène du surendettement passe donc par l'élaboration de nouveaux outils statistiques.

Le fichier des impayés, le FICP (fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers), pose également question, qu'il s'agisse de la faiblesse de son contenu – il se contente en effet d'un recensement des cas d'impayés sans en préciser les motifs – ou de sa mise à jour, qui s'avère très décalée par rapport à la réalité. En dépit d'une mise en ligne du fichier, les modifications se font par le biais de l'envoi d'une copie mensuelle aux banques dont le traitement, une fois les réponses transmises, nécessite entre un et deux mois pour que les informations pertinentes soient intégrées : un mois pour une inscription, deux mois pour une radiation.

Enfin, la sous-commission s'est également posé la question de l'interdiction de la distribution de crédits sur les lieux de vente, proposée notamment dans le cadre de la proposition de loi du sénateur Marini, mais n'a pas jugé opportun de retenir cette piste de travail, dans la mesure où les liens entre crédit revolving et surendettement ne sont pas précisément connus. Il ne faudrait pas, par ce biais, casser la dynamique de consommation. En revanche, il conviendrait de lutter contre les incitations à souscrire des crédits sur les lieux de vente comme la soumission de l'octroi d'un rabais à la souscription d'un crédit.

Ce point faire d'ailleurs partie de la première série de recommandations que souhaite émettre la sous-commission et qui visent à mieux encadrer la distribution des crédits à la consommation. A cet égard, il conviendrait :

– de faire en sorte que le recours à un crédit pour financer un achat soit neutre en interdisant la soumission de l'octroi de réductions à la souscription d'un crédit renouvelable ainsi que le commissionnement des vendeurs à l'occasion de la souscription d'un tel crédit pour financer l'achat des produits qu'ils proposent ;

– d'introduire la nécessité d'un acte positif pour reconduire le crédit renouvelable annuellement et fournir à chaque emprunteur un relevé annuel précisant le coût du crédit en euros ;

– d'obliger les établissements de crédit à réaliser des vérifications sur pièce des ressources et du taux d'endettement au-delà d'un certain montant de crédit et de sanctionner cette obligation par la mise en jeu de leur responsabilité pour certains types de crédits accordés.

Je recommande également un certain nombre de mesures visant à rénover le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), rénovation qui me paraît préférable à la création d'un fichier positif.

Il s'agirait notamment d'enrichir le contenu de ce fichier, par exemple en regroupant les informations liées aux incidents, de créer une obligation de consultation en temps réel par les établissements de crédit ou encore de mieux protéger les individus en améliorant en particulier les voies de contestation de l'inscription à ce fichier. Certaines des mesures que je préconise en ce domaine sont au demeurant incluses dans l'avant-projet de loi du Gouvernement, telle l'obligation de consultation par les établissements de crédit, mais je propose pour ma part de sanctionner le non-respect de cette disposition par la mise en jeu de leur responsabilité pour certains types de crédits, ce que n'envisage pas le Gouvernement à l'heure actuelle. Au total, il me paraît indispensable de renforcer la fiabilité du FICP et d'en faire un instrument véritablement utile pour les établissements de crédit.

Mes recommandations portent aussi sur la mise en place de nouvelles mesures de prévention du surendettement orientées en premier lieu autour de l'amélioration de l'éducation financière qui commencerait à partir du collège. L'absence d'une telle éducation est l'une des causes du surendettement. Des modules d'économie générale seraient créés au collège et au lycée et l'éducation financière serait favorisée dans le cadre de la formation professionnelle.

Le renforcement du dispositif de prévention devrait, à mon sens, inclure également des mesures d'accompagnement dès la survenance du premier incident de paiement, à l'instar de celles que met en oeuvre l'association CRESUS en Alsace. Au demeurant, il existe en ce domaine une « offre associative » importante mais dont le caractère trop parcellaire et l'insuffisance de notoriété nuisent à l'efficacité. La démultiplication des actions associatives serait indéniablement un outil précieux de prévention. Celle-ci pourrait aussi être favorisée par des mesures d'accompagnement lors des accidents de la vie telles que des propositions d'actions de pédagogie financière à leurs victimes. Ces propositions seraient ainsi envisageables dans le cadre des plans sociaux mis en oeuvre lors des licenciements économiques. Je précise que les actions conduites dans ce cadre devraient être conçues avec le souci d'éviter tout caractère intrusif dans la situation financière de leurs bénéficiaires.

Je recommande par ailleurs des mesures ayant pour but l'amélioration du fonctionnement des commissions de surendettement. Il serait notamment souhaitable que leurs règlements intérieurs soient harmonisés car rien ne justifie des conditions de traitement des dossiers variables selon les départements. Je préconise également la mise à leur disposition d'une application informatique permettant une connaissance plus fine des parcours de surendettement et pouvant constituer un outil d'aide à la décision. Je souhaite enfin la mise en place d'une réflexion sur l'amélioration des procédures de vérification et de suspension des créances.

Ma dernière série de recommandations concerne le développement de crédits plus adaptés aux besoins des ménages modestes, la formule des micro-crédits à caractère social ayant des limites malgré sa réelle utilité. Cela suppose une réflexion, dont j'admets la difficulté, sur la fixation des taux d'usure visant à permettre l'émergence d'une offre de crédit amortissable à taux intermédiaire pour la fraction de la population qui présente un risque de défaillance moyen.

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