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Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 29 octobre 2008 à 16h00
Commission élargie

Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire :

Je rappelle également que mon administration a été créée récemment et que le ministère n'est pleinement actif que depuis le 1er janvier dernier. C'est en effet un ministère d'état-major avec ses 609 agents, les autres personnels relevant d'autres administrations.

Je m'appuie sur deux opérateurs : l'ANAEM – laquelle n'a reçu en 2008 aucune subvention puisqu'elle dispose d'environ 80 millions de ressources propres, son fond de roulement s'élevant à 50 millions – et l'OFPRA –, qui bénéficie d'une subvention de 40 millions d'euros.

Comme l'ont noté Éric Ciotti et Axel Poniatowski, ce ministère obtient déjà des résultats, dont le premier concerne le rééquilibrage entre l'immigration au titre du regroupement familial et l'immigration professionnelle. Il existait en effet un profond déséquilibre entre les deux formes d'immigration. On peut être d'accord ou non sur la nécessité de le corriger, mais cette politique résulte de la lettre de mission qui m'a été adressée par le Président de la République.

Le rééquilibrage est donc en cours, même si les chiffres cités à ce sujet par Axel Poniatowski sont un peu optimistes. Sur les huit premiers mois, les visas de long séjour accordés pour motif professionnel ont enregistré une progression de 20,6 % par rapport à l'année précédente, tandis que l'immigration au titre du regroupement familial connaissait une amorce de chute : moins 3,4 %. Ces chiffres sont naturellement fondés sur les visites médicales de l'ANAEM. Je rappelle qu'en 2006, seulement 7 % des étrangers étaient admis au titre de l'immigration de travail. Ce taux atteint 17 % sur les huit premiers mois de l'année 2008. Il s'agit donc d'une tendance lourde.

Nous luttons également sans répit contre l'immigration irrégulière. Dans ce domaine aussi, il est inutile de pousser des cris d'orfraie : tous les pays d'Europe, sans exception, ont engagé une politique de cette nature. À cet égard, je signale aux députés socialistes que les ministres en charge de l'immigration en Espagne et au Royaume-Uni sont ceux qui expriment le plus de fermeté : ce dernier a même parlé de « fermeture ». Les partis au pouvoir dans ces pays font partie de l'Internationale socialiste : rien ne vous empêche donc de confronter vos points de vue au sein de cette sympathique association. De toute évidence, tout le monde n'a pas la même position que vous.

Le résultat de notre action, c'est que sur les huit premiers mois de l'année, 21 263 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits – c'est naturellement le chiffre que la presse a tendance à retenir. Je précise que si nous fixons des objectifs chiffrés, c'est pour rendre le message compréhensible. Quand une autorité dit : « Attention, si vous venez sans y être autorisé, sans respecter notre législation, cela risque de mal se passer », le message est inaudible. Mais si elle dit : « Si vous venez sans nous demander l'autorisation, 25 000 d'entre vous repartiront », alors, le message est compris ; non seulement ici, mais aussi dans les pays d'origine – où je me rends fréquemment pour discuter avec les associations et expliquer pourquoi nous agissons ainsi.

Par ailleurs, il est intéressant de noter – car ce fait coupe court à toutes les tentatives de polémiques – que la part des retours volontaires est passée de 7 % à environ un tiers. Cela signifie que moins des deux tiers de ces étrangers reconduits le sont de façon contrainte : non seulement le message est lisible et compris, mais l'exigence de solidarité, qui nous préoccupe tous, trouve une concrétisation dans un accompagnement financier dont il ne faut pas négliger la portée. En effet, un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière ont pu franchir nos frontières grâce à des concours financiers familiaux. Il convient donc d'éviter pour eux un retour humiliant. L'accompagnement financier permet à l'intéressé de se justifier auprès de ses proches. Le pécule permettra de démarrer une activité économique et de donner un nouvel espoir. Bien entendu, il peut se cumuler avec d'autres aides destinées à accompagner des projets, qu'il s'agisse de commerces ou de reconversions agricoles. Ainsi, ceux qui s'apprêtaient à faire un grand numéro sur les reconduites à la frontière vont devoir modérer leur discours : l'évolution actuelle montre que notre politique fonctionne et qu'elle est davantage comprise.

J'en viens à la lutte contre le travail illégal, un combat majeur, symbolique. Il faut lutter contre les patrons qui emploient des travailleurs en situation irrégulière. Quelles que soient nos tendances partisanes, nous connaissons tous un petit employeur de BTP ou un restaurateur qui aimerait bien nous voir fermer les yeux sur de telles pratiques, mais je le dis clairement : il n'en est absolument pas question. Il n'y aura pas deux poids, deux mesures. Je comprends les démarches engagées par certains, mais je n'y répondrai pas favorablement. Et si nous devons faire un exemple – je pense notamment aux restaurateurs –, nous le ferons, même si cela doit prendre une connotation spectaculaire.

Dans ce domaine également, les chiffres sont clairs : 2 171 employeurs d'étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, soit une augmentation de 27 %.

Enfin, nous restons fidèles à la tradition d'accueil des réfugiés politiques. Par rapport à l'année dernière, nous observons deux changements surprenants. D'une part, on assiste à une forte augmentation du nombre global de demandeurs de statut de réfugié ; et d'autre part, le pays d'où viennent le plus grand nombre de demandeurs est, de façon inattendue, la Russie. Dans le cadre de la Troïka, j'ai dîné avec le ministre de l'intérieur et le ministre de la justice russes, de passage à Paris, et ces chiffres n'ont pas suscité un enthousiasme délirant de leur part. Un haut fonctionnaire a même pris la parole pour s'étonner de la situation, jugeant que s'il y avait un berceau des droits de l'homme, c'était bien son pays.

Nous avons admis près de 7 000 réfugiés sur les huit premiers mois de 2008, sachant que le nombre total de bénéficiaires de ce statut se situe autour de 135 000.

En ce qui concerne les outils d'intégration, le nombre de diplômes initiaux de langue française, que les étrangers passent en arrivant dans notre pays, a progressé de 400 % en une seule année. Fin juillet 2008, 6 691 diplômes avaient déjà été délivrés, contre moins de 3 000 pour toute l'année 2007. Il s'agit donc d'une véritable explosion.

Concernant le développement solidaire, nous n'avons pas signé moins de six accords depuis juin 2007, avec le Gabon, le Bénin, le Congo, le Sénégal, la Tunisie et l'Île Maurice. C'est un exploit, sachant à quel point la conclusion de telles conventions peut prendre du temps. Même avec des pays où les flux migratoires représentent un vrai défi – comme le Sénégal, qui dans un premier temps refusait de signer –, nous y sommes parvenus sans grandes difficultés.

J'en viens aux crédits du ministère. S'agissant de la mission « Immigration, asile et intégration », à périmètre constant, les autorisations d'engagements sont en baisse de 6,9 % et les crédits de paiement de 5,1 %. À l'inverse, le budget consacré au programme « Immigration et asile » augmente de 7,3 %.

Il est vrai que le programme « Intégration » diminue de 34 %. Mais tous ceux qui ont exercé des fonctions ministérielles le savent : on a trop souvent la tentation de lier la qualité d'un budget à son augmentation. Que s'est-il passé en l'espèce ? Fadela Amara est venue me voir pour que nous nous mettions d'accord sur une répartition de nos compétences, afin d'éviter les chevauchements. Elle a proposé que le ministère de l'intégration se préoccupe des primo-arrivants – ceux qui sont présents depuis moins de cinq ans sur le territoire, et pour lesquels il faut mettre en place des circuits de formation et d'apprentissage, etc. Puis au-delà de ce délai, que les immigrés relèvent de la compétence de son secrétariat d'État. J'ai accepté, et c'est ce qui explique un premier transfert de 40 millions d'euros.

Par ailleurs, on a transféré 17,5 millions d'euros au Conseil d'État afin d'assurer le fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile.

Enfin, on a choisi de recourir à des ressources extra-budgétaires. Nous avons ainsi décidé de réduire fortement la dotation versée à l'ANAEM en mobilisant son fonds de roulement – soit 50 millions d'euros – et en réformant les taxes qui lui sont affectées, ce qui rapportera l'année prochaine entre 18 et 20 millions. Autant de crédits qui ne sont pas inscrits au programme « Intégration » mais n'en serviront pas moins à financer l'intégration.

Grosso modo, la capacité d'action du ministère en matière d'intégration reste donc sensiblement équivalente à ce qu'elle était en 2008 : elle représente environ 78 millions d'euros. Je suis fidèle au principe fixé par le Président de la République et le Premier ministre : non pas dépenser plus, mais dépenser mieux.

Le cadre général ainsi présenté, passons au détail des questions. M. le président Poniatowski m'a interrogé sur l'accueil des minorités persécutées en Irak. Dans ce domaine, nous avions de grandes ambitions, de même que l'Allemagne. Le ministre de l'intérieur allemand, M. Schaüble, souhaitait accueillir près de 30 000 réfugiés irakiens. Mais une première difficulté provenait de la structure administrative de l'Allemagne, cette question relevant en réalité des Länder. Par ailleurs, le premier ministre irakien, en visite à Berlin, a instamment demandé aux autorités allemandes – qui nous ont transmis le message – de ne pas désespérer ces populations. Il comprenait que l'on accueille les personnes pour lesquelles tout retour est impossible, parce qu'elles sont victimes de persécutions ciblées, de terrorisme, etc. Mais pour les autres, qui se trouvent souvent en Syrie et en Jordanie, il jugeait nécessaire d'attendre, l'intérêt des Irakiens étant que ces diverses populations puissent à nouveau concourir au redressement du pays.

Nous avons choisi de conserver un objectif de mille entrées, et 568 visas ont déjà été délivrés. Mais la question s'inscrit désormais davantage dans un cadre européen. Ainsi, Jacques Barrot, vice-président de la Commission, organise en novembre une mission destinée à rencontrer les réfugiés irakiens situés en Syrie et en Jordanie et à déterminer, avec d'autres pays européens, ceux que l'on peut accueillir.

Il y a, en France comme dans les autres pays d'Europe, deux catégories de professions concernées par l'accroissement de l'immigration professionnelle : les professions qualifiées, voire très qualifiées, comme celles d'ingénieur, d'informaticien, de cadre de la mécanique ou du BTP, et les professions moins qualifiées, notamment dans le secteur des services à la personne. N'est-il pas naturel, si l'on sait que 93 % des femmes qui arrivent en France dans le cadre du regroupement familial ne travaillent pas, de les encourager à aller vers l'emploi, et notamment vers ces métiers de service à la personne ? On leur donne ainsi des possibilités d'intégration, tout en répondant aux besoins de la société.

Or, il existe des listes de métiers ouverts aux étrangers, qui distinguent entre les différentes origines. Il y a d'abord les ressortissants de l'Union européenne, auxquels l'ensemble du marché du travail est désormais ouvert, selon la volonté du Président de la République. À l'autre extrémité, il y a la catégorie des pays tiers : 30 métiers leur ont été ouverts. Enfin, j'ai imposé une troisième catégorie, celle des pays avec lesquels nous avons des liens historiques – coloniaux –, mais aussi affectifs et amicaux : je ne comprenais pas que leurs ressortissants soient confondus dans la masse des pays tiers. Ce signal a été reçu avec enthousiasme par nos interlocuteurs du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. La liste des métiers ouverts n'est pas fixée de façon unilatérale, mais par des accords bilatéraux, au terme de négociations parfois difficiles. Ainsi, l'accord avec le Sénégal prévoit l'ouverture de 108 métiers et celui avec la Tunisie de 77 métiers.

Pour la biométrie, monsieur Poniatowski, l'idée est d'arriver à 100 % en 2010. L'an dernier, la proportion n'était que de 16,5 %, cette année elle devrait atteindre 35 %, et 78 % en 2009. Il faut bien sûr qu'un partenariat européen se développe. Tous nous partenaires n'avancent pas au même rythme ; cependant, on doit pouvoir développer le dispositif sur le modèle de ce qui a été mis en place pour la présidence slovène de l'Union européenne : celle-ci a utilisé notre réseau diplomatique, des conventions ont été conclues et la Slovénie nous a remboursé – modérément. Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas appliquer de telles solutions à la biométrie. Il faut aller très vite. L'objectif est que l'affaire soit réglée à l'échelon européen en 2012.

S'agissant de la question, posée notamment par M. Huyghe, relative aux FARC, s'il s'agit de la délivrance d'une autorisation d'admission au séjour, je vous renvoie aux déclarations du ministre des affaires étrangères. Tout au plus puis-je vous dire ici que les conditions de son séjour sont examinées de façon ouverte (Sourires).

Mme Pavy et d'autres députés ont appuyé sur un point difficile en évoquant la situation invraisemblable de la salle d'audience de Roissy. C'est en juillet 1992 qu'a été promulguée la loi permettant sa création, mais le décret n'a pas été publié aussitôt. La salle a été construite en 2001 ; des travaux immobiliers supplémentaires ont été réalisés à la demande des magistrats et des avocats : une salle d'audience de 50 mètres carrés, trois bureaux pour le magistrats, deux pour les avocats. En 2007, nouveaux travaux pour 28 millions d'euros, avec la création d'une deuxième salle d'audience, l'amélioration d'un certain nombre de bureaux et la création de deux salles pour les magistrats, une salle de repos et une salle de restauration. Or, malgré tout cela, les magistrats du tribunal de Bobigny refusent toujours de s'y rendre. Cela n'est pas acceptable. Il appartient à l'autorité judiciaire d'utiliser cette salle d'audience seize ans après le vote de la loi qui a permis sa création.

J'en arrive au plan immobilier du ministère. Je voulais à l'origine installer les agents au plus près, dans le 7e arrondissement, mais le prix du mètre carré y est élevé, et vous nous avez suggéré de nous installer en banlieue. Au fait, l'Assemblée nationale ne pourrait-elle montrer l'exemple ? Mais on a commencé à lire dans la presse que Brice Hortefeux aimait le luxe… Je fais pourtant observer que, 42 % des agents se trouvant à Nantes, où l'immobilier est beaucoup moins cher qu'à Paris, le prix du mètre carré moyen par agent du ministère restait très raisonnable (Sourires). Finalement, une autre solution, domaniale, a été trouvée. Elle coûtera 3,3 millions d'euros, contre 3,5 pour la solution initiale. L'Assemblée nationale a donc parfaitement joué son rôle et je l'en remercie.

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