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Intervention de Gaël Yanno

Réunion du 30 octobre 2008 à 12h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaël Yanno :

L'IASB est l'émanation de l'IASCF – International Accounting Standards Committee Foundation – qui est une fondation de droit privé, située aux États-Unis et financée par des dons des entreprises et des grands cabinets d'audit.

Alors qu'elle a réussi à réaliser un marché commun et à créer l'euro, la Commission européenne s'est toujours heurtée, en matière comptable, à l'intransigeance des États-membres. Ceux-ci, attachés à leurs traditions nationales autant qu'à leur souveraineté, ont refusé d'aller au-delà d'une harmonisation a minima (via les 4ème et 7ème directives comptables), laquelle était loin de satisfaire des marchés financiers qui exigeaient transparence et comparabilité des comptes des entreprises cotées. Sous leur pression, les grandes entreprises européennes ont été, dans les années 90, de plus en plus nombreuses à se rallier au référentiel comptable américain – considéré comme le plus fiable (c'était avant l'affaire ENRON) – etou à se faire coter aux États-Unis.

Pour sortir de l'impasse où les États-membres l'avaient mise, la Commission n'avait sans doute pas d'autre choix que d'adopter le référentiel IFRS, unique alternative crédible à l'adoption pure et simple des normes américaines US GAAP. Par une singulière ruse de l'Histoire, les États-membres, crispés sur leur souveraineté au point de ne pas engager d'élaboration de véritables normes comptables européennes, se sont résolus à l'unanimité et dans une indifférence quasi-générale à abandonner, par le règlement n° 16062002CE du 19 juillet 2002, leur pouvoir de normalisation comptable à un organisme absolument inconnu en dehors d'un petit cercle d'initiés, l'IASB, sur lequel ils n'ont aucun contrôle.

Or, ce choix est loin d'être anodin, car le choix d'un référentiel comptable n'est pas neutre et emporte avec lui une certaine vision de la comptabilité, des entreprises et, au-delà, des rapports économiques et sociaux. Ainsi la norme IAS 19 Avantages du personnel impose aux entreprises d'inscrire dans leur bilan l'ensemble des avantages, financiers ou en nature, qu'elles accordent à leur personnel. Les retraités de La Poste, par exemple, disposent du droit – à vie- – d'utiliser les restaurants administratifs et les cantines du groupe. Les normes IFRS, contrairement aux normes comptables françaises, obligent donc celui-ci à comptabiliser cet avantage à son passif. Cet exemple peut apparaître anecdotique, mais il démontre l'impact que le choix de tel ou tel référentiel comptable peut avoir sur les entreprises et, au-delà, sur les relations sociales. Car en donnant un « prix » aux avantages du personnel, en les identifiant dans les comptes, il peut être tentant de les remettre en cause…

C'est pourquoi la comptabilité est, par nature, et loin de l'image d'une technique plus ou moins rébarbative, un choix politique. De notre point de vue, il est regrettable que le politique l'ait dédaignée pendant de longues années, se contentant de déléguer le choix des normes comptables à un Conseil national de la comptabilité ou autre International Accounting Standards Board composés d'experts agissant hors de tout contrôle réel.

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