Je voudrais apporter quelques éléments de réponse à ces différentes objections.
Premièrement, il y a, je le crois, des criminels inguérissables ou, du moins, des criminels que la détention n'a pas guéris. Il faut, me semble-t-il, en prendre acte. Comme vous, je pense qu'une loi pénitentiaire est nécessaire. Un effort très important d'accompagnement des détenus vers leur réinsertion l'est tout autant. Mais une loi psychiatrique est également nécessaire, urgente elle aussi, quoique pour des raisons différentes.
En revanche, je ne vous rejoins pas, mes chers collègues de l'opposition, sur un point. Certains criminels ne peuvent pas, au terme de leur peine, vivre en société sans représenter un danger réel pour le corps social.
Face à ce constat, que faire ? Vous partez du principe qu'un accroissement des moyens d'insertion réglera la question. Nous partons, nous, du principe que, dans certains cas, aucun moyen supplémentaire n'y fera.
La limite de l'exercice réside dans la grande incertitude en ces matières, où se rejoignent, presque en se narguant, la faiblesse du criminel et l'imperfection du juge et de l'expert. Il s'agit d'un choix politique fondé sur une expérience, malheureusement partagée : de nombreux criminels ont prouvé par leur comportement qu'au terme de leur peine, ils n'étaient pas mûrs ou pas encore mûrs pour la liberté.
Choisir pour eux la rétention de sûreté n'est pas autre chose que la volonté de faire primer la sûreté de tous sur la liberté de circuler de quelques-uns. C'est une manière de régler un conflit présent au coeur même de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel la sûreté est un droit imprescriptible. Je comprends que votre solution au même problème soit différente, mais notre inspiration et notre point de départ sont semblables aux vôtres. Et ce texte me semble présenter toutes les garanties nécessaires au respect des personnes.
Je souhaite rappeler que rendre la justice aux victimes est la première forme et la première exigence de la justice. Il est normal de chercher à permettre aux victimes d'obtenir cette imparfaite justice qu'est la condamnation d'un coupable, quel que soit son état mental. Je n'ai pas de commentaire à faire à ce sujet, mais je ne partage pas non plus les craintes qui ont parfois été exprimées.
En conclusion, madame la garde des sceaux, je souhaite appeler votre attention sur l'article 1er. Je suis de ceux qui souhaitent ne pas faire de différence entre les victimes, et j'ai déposé un amendement en ce sens. Pour vous avoir entendue ce matin et écoutée attentivement, j'ai cru comprendre que nous pourrions trouver un accord, ce dont je me félicite. Conscient de la grande complexité de ce sujet, j'apporterai mon soutien à votre texte, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)