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Intervention de Dominique Orliac

Réunion du 8 janvier 2008 à 22h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Tous ces faits atroces ont suscité une réelle émotion dans l'opinion publique, émotion – je le redis ici – assurément légitime. Mais l'émotion ne peut pas et ne doit pas guider notre politique pénale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Celle-ci, pour être efficace, doit être le fruit d'une réflexion associant tous les spécialistes de la justice, de la prison et de la psychiatrie.

Votre texte, madame la garde des sceaux, est un leurre dans la mesure où il est bâti ni sur la réflexion, ni sur l'expertise, mais d'abord sur l'émotion. Et du discours qui associe émotion et populisme à l'illusion législative, il n'y a qu'un pas que vous franchissez, il faut bien le reconnaître, de la façon la plus décomplexée qui soit.

En voulant apporter de fausses bonnes réponses aux victimes et à leur famille, vous oubliez totalement le délinquant, et c'est alors que vous faites fausse route. À la raison, à l'éducation ou encore aux soins, vous préférez l'enfermement prolongé, et donc le chemin le plus court, celui de la facilité et du manichéisme simplificateur, celui-là même qui oppose dans votre discours « prédateurs » et « victimes », « coupables » et « innocents », bref les « méchants » contre les « gentils ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Or, contrairement à ce que l'on peut entendre dans votre majorité, prendre en compte les premiers n'a jamais signifié abandonner les seconds. Vous faites le choix totalement inverse en rédigeant un texte à destination des seules victimes. De même en postulant que la sécurité absolue repose sur une prédiction de dangerosité, tout condamné devient pour vous un potentiel récidiviste, qu'il faut à tout prix neutraliser, au-delà même de la durée de sa peine, et donc au mépris de la présomption d'innocence et de sa possible réinsertion.

Cette illusion de sécurité absolue remet alors en question les libertés fondamentales puisqu'elle vise à tenir enfermés des citoyens qui ont purgé leurs peines et qui n'ont commis aucune nouvelle infraction. On voit donc que l'instauration d'un tel dispositif repose sur une véritable philosophie de l'enfermement, qui, sous prétexte de lutter contre la récidive, impose une législation uniquement répressive et attentatoire aux libertés publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agit, ni plus ni moins, de procéder à des enfermements préventifs sur la base d'une présomption d'infraction à venir. Ce glissement d'une justice de responsabilité vers une justice de dangerosité n'est pas acceptable ! (Même mouvement.)

Dans une récente note rendue publique, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a fait part, elle aussi, de sa vive inquiétude devant l'introduction dans la procédure de ce concept flou de dangerosité.

En outre, l'appréciation de ladite dangerosité se fondera sur une simple expertise médicale, ce qui procède d'une grave confusion entre délinquance et maladie mentale. Tous les professionnels s'accordent à dire que le lien entre dangerosité psychiatrique et dangerosité criminologique n'est pas établi et n'a certainement rien d'automatique. Pourquoi nous présenter un texte fondé sur des simplifications et des raccourcis intellectuels ?

En remplaçant l'effectivité de l'infraction commise par un diagnostic subjectif de dangerosité, non seulement vous supposez une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes, mais, plus grave encore, vous déniez toute possibilité de changement, de guérison ou de réinsertion. C'est probablement pour cela que vous refusez de porter les efforts humains et financiers sur le temps de la peine et les conditions de détention dans des prisons régulièrement qualifiées d'humiliantes pour notre République.

Madame la garde des sceaux, il est temps, pour vous et pour votre majorité, d'admettre certaines vérités : le « risque zéro » n'existera jamais, pas davantage du reste que la sécurité absolue, et ce malgré tous les textes répressifs que vous seriez tentée de présenter devant notre assemblée.

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