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Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 8 janvier 2008 à 22h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

Comment se fait-il, madame la garde des sceaux, que Francis Evrard, libéré une troisième fois après 32 ans de prison et alors qu'il avait déjà récidivé deux fois, n'ait pu obtenir un rendez-vous avec le juge d'application des peines que sept semaines après sa libération ? Pourquoi n'a-t-il pas été soumis à la surveillance judiciaire ? Pourquoi Francis Evrard n'avait-il pas de bracelet électronique mobile alors que la loi le prévoyait ? Pourquoi n'a-t-on pas suivi ses déplacements ? Pourquoi ses changements de département n'ont alarmé personne ? Là aussi, je vous demande des réponses précises.

Plutôt que de surfer sur l'émotion, il eût été plus utile de présenter à l'Assemblée, un bilan de l'application des lois actuelles. En l'absence de moyens concrets nouveaux, les lois votées – ainsi que votre propre projet – continueront à être inutiles. Mais il y a pire que l'inefficacité due à l'absence de moyens que je viens de souligner : votre projet tourne le dos à des principes fondamentaux de notre État de droit.

Vous proposez d'instaurer une rétention de sûreté qui permettra, après l'exécution de la peine de prison, de prolonger, sans limitation de durée, sans crime nouveau, l'enfermement des personnes considérées comme d'une « particulière dangerosité » et « susceptibles de récidiver ». Je veux d'abord redire ici qu'enfermer quelqu'un en prison sur décision judiciaire, non pour un acte commis, mais parce qu'il est susceptible de commettre un acte de délinquance, bouleverse un principe fondamental de notre État de droit : une personne ne peut être condamnée sur une suspicion de dangerosité, sur une présomption de culpabilité future éventuelle, sur une dangerosité virtuelle, mais seulement sur un acte commis et prouvé par la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Vous tournez là le dos à un principe issu de la Révolution de 1789. Vous nous proposez une justice d'élimination s'appliquant aux citoyens non pour ce qu'ils ont fait, mais pour ce qu'ils sont censés être ou devenir.

Par ailleurs, je suis convaincue que votre texte demeure inconstitutionnel. Prévoir à l'article 706-53-14, alinéa 4, qu'une rétention de sûreté peut être décidée par une commission, dans le cas où un jugement ayant prononcé un suivi socio-judiciaire est estimé insuffisant par cette commission, n'est pas constitutionnel. Une commission ne peut démentir un jugement, seule une décision de justice peut le faire.

Votre texte comble-t-il un vide juridique ? Vous l'affirmez ; je dis qu'il n'en est rien. Pour les malades mentaux dangereux, le code de la santé publique prévoit une procédure : l'hospitalisation d'office, prononcée par le préfet sur certificat médical. Elle permet déjà de traiter en hôpital psychiatrique des personnes qui refusent de se soigner et dont les troubles mentaux nécessitent des soins, qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Je cite le code de la santé publique.

Cette loi s'applique bien sûr aux détenus. On nous l'a confirmé à Fresnes lorsque nous sommes allés visiter cette prison : l'hospitalisation d'office fonctionne. Il s'agit d'une procédure administrative et médicale. Vous ne devez pas, madame la garde des sceaux, en faire une décision judiciaire.

Il est déjà assez scandaleux de voir en prison des malades mentaux et, parmi eux, des psychotiques avérés – Serge Blisko a cité les chiffes tout à l'heure.

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