Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 8 janvier 2008 à 22h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, un nouveau projet de loi nous est présenté, à la suite de deux faits divers qui, on le comprend, ont fortement ému l'opinion : l'agression sexuelle dont a été victime le petit Enis, commise par un délinquant sexuel multirécidiviste, et le meurtre de deux infirmières de l'hôpital psychiatrique de Pau commis par un malade mental. Évitons ici la concurrence émotionnelle pour répondre aux deux seules questions qui vaillent : votre texte, madame la ministre, améliore-t-il l'efficacité de l'arsenal législatif ? Votre texte respecte-t-il l'État de droit et les valeurs dont la France se prévaut dans le monde ?

S'agissant de la rétention de sûreté, je rappelle que, chaque année, en France, on dénombre plusieurs milliers de viols sur mineurs et en moyenne quatre-vingts homicides.

Face à cette tragique réalité, j'espère que nous allons éliminer d'emblée les procès d'intention, que nous allons échapper aux accusations de laxisme sur ces crimes odieux dont sont victimes surtout des enfants et des femmes. En effet, je sais que sur ces bancs, à gauche comme à droite, tous les élus veulent que les délinquants sexuels ne récidivent pas une fois leur peine exécutée, et que ceux qui demeurent dangereux soient mis hors d'état de nuire.

Mais, faire croire à nos concitoyens que par l'empilage des lois, on va faire disparaître la délinquance et empêcher tout crime, c'est leur mentir. La seule vraie question sur la rétention de sûreté est donc celle-ci : votre texte apporte-t-il des réponses efficaces contre la récidive des délinquants sexuels, dans le respect des grands principes qui fondent notre État de droit ? Je ne le crois pas et voici pourquoi : l'arsenal législatif est très complet ; ce qui manque, ce sont les moyens nécessaires pour l'application des lois.

La première loi, celle du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, que j'ai eu l'honneur de présenter et de défendre ici même, a mis en place l'injonction de soins dès l'entrée en prison, le suivi socio-judiciaire après la fin de la peine, le fichier national automatisé des empreintes génétiques.

Depuis, d'autres lois ont été votées. La loi Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, en 2004, et la loi Clément relative au traitement de la récidive des infractions pénales, en 2005, ont durci les peines en matière de récidive, prévu d'appliquer le suivi socio-judiciaire sans limitation de durée, étendu le fichier judiciaire avec obligation de se présenter à la police et, comme M. Fenech l'a souligné tout à l'heure, élargi l'utilisation du bracelet électronique – le système fixe créé en 1997 ayant été complété par le placement sous surveillance électronique mobile. En dernier lieu, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs que vous avez vous-même présentée, madame la garde des sceaux, met en place les peines planchers et rend les soins obligatoires.

Pourquoi énumérer tous ces textes ? Pour montrer que le problème n'est pas celui de la carence du dispositif légal, mais celui de l'insuffisance des moyens pour appliquer les lois existantes. Regardons la situation. Pendant l'exécution de leur peine, combien de délinquants bénéficient des soins et des suivis prévus par les lois en vigueur ? On réduirait considérablement le risque de récidive si on suivait médicalement ces personnes dès le début de l'incarcération – sans parler de la prévention qui aurait pu être faite avant le passage à l'acte. Ce n'est pas le cas, car les médecins psychiatres ne sont pas assez nombreux, les différents plans de recrutement annoncés n'ayant jamais été mis en oeuvre. Un exemple et un seul : le service médico-psychologique régional du centre de détention de Caen, où était détenu Francis Evrard, a fermé ses 12 lits par manque de psychiatres, en juillet 2005 !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion