Imagine-t-on que l'instance de régulation chargée de veiller à l'équité des campagnes électorales, notamment présidentielles et législatives, soit composée exclusivement de membres provenant de la même origine politique ? C'est pourtant ce qui se passe en France ! Et pour améliorer encore le tableau, si j'ose dire, le précédent Président de la République a eu la bonne idée de nommer à la présidence de cette instance quelqu'un qui avait été directeur de cabinet du Premier ministre. C'est dire à quel point il est indépendant. Il l'a d'ailleurs prouvé hier, en se félicitant d'être dessaisi de la nomination du président de France Télévisions alors que le Président de la République avait explicitement annoncé qu'il dessaisissait le CSA parce que la formule de désignation lui paraissait hypocrite. Le président du CSA lui donne raison et juge qu'il vaut mieux en effet que ce soit lui qui le nomme directement.
C'est une déclaration assez effarante qui n'honore pas le président du CSA, je le dis très clairement. Je pense qu'il a failli à ses missions. En tant que président de l'instance de régulation, il a un devoir de réserve et ses déclarations d'hier matin déshonorent l'instance de régulation dans son ensemble. Elles sont franchement inacceptables pour une instance démocratique, que l'on prétend démocratique.
Noël Mamère a raison, on ne peut pas prétendre que la nomination par le CSA est hypocrite, et confier directement au Président de la République le soin de procéder à cette nomination par un décret présidentiel. C'est une vision des choses très étonnante. C'est, d'une certaine façon, le vice qui se prévaut de ses propres turpitudes : puisque ce n'était pas bien, on va faire pire, puisque le CSA n'est pas suffisamment indépendant, ôtons-lui toute indépendance et nommons directement le président de France Télévisions par décret présidentiel.
Dans tous les pays démocratiques, les instances de régulation sont toutes pluralistes, par principe.
Aux États-Unis, qui n'est pas un pays soviétique à ma connaissance, la FCC, la grande instance de régulation, qui a beaucoup plus de pouvoirs que le CSA en France, est automatiquement composée de trois membres de la majorité, démocrates ou républicains selon les alternances, et de deux membres de l'opposition. Le système fonctionne très bien et personne ne conteste l'autorité de la FCC.
En France, nous sommes dans une situation incompréhensible. Plutôt que de le dessaisir de son pouvoir de nomination et de le donner directement à l'exécutif, il aurait été bien plus intelligent, plus raisonnable et plus démocratique de recomposer le CSA pour qu'il représente la diversité des grands courants intellectuels de ce pays. Nous proposons d'abord de porter à six le nombre de ses membres, nos collègues suggèrent de le garder à neuf.