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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 16 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le ministre intermittent de la culture (Sourires), mes chers collègues, nous devrions saluer un budget de la culture en augmentation. Mais tout dépend de son contenu.

Nous considérons que la gestion du patrimoine est une compétence de l'état. L'augmentation du budget est donc une bonne chose mais, dans le même temps, on sait que la décentralisation voulue par ce gouvernement vise à transmettre ces charges aux régions ou à d'autres collectivités. Attention donc, monsieur le ministre, à préserver l'égalité territoriale que seul l'État peut assurer. Le patrimoine est national, comme son nom l'indique.

L'accélération de tout ce qui peut aider les industries culturelles via des interventions de l'État pour réguler Internet ou les grands médias afin de favoriser le développement de ces industries dans le cadre d'une augmentation des crédits au CNC peut être une bonne chose.

En revanche, nous déplorons la réduction des crédits alloués aux DRAC au titre du spectacle vivant, qui risque de pénaliser les structures les plus décentralisées, c'est-à-dire celles qui assurent une diffusion culturelle de proximité, les grandes scènes étant quant à elles plutôt épargnées.

Ainsi, la DRAC Île-de-France a déjà annoncé une diminution de ses aides au spectacle vivant, et je pense que nous retrouverons une situation semblable dans toutes les régions.

Dans le même temps, la réforme des annexes 8 et 10 de l'assurance chômage continue d'exclure de la profession des milliers d'artistes et de techniciens du spectacle vivant. La réduction du périmètre de ces professions est en marche. C'est le coeur même de la création qui sera touché.

Chacun l'aura remarqué, le mot le plus absent de ce budget est celui de « création », les aides à la création étant réservées aux grandes structures ou à la diffusion, notamment dans les médias, des produits culturels chers aux industries. La création devrait-elle toujours être associée aux mots « affaires » et « profits » ?

Pour éviter que l'Audimat ne continue de dicter leurs programmes à des médias, audiovisuels ou électroniques, financés par la publicité, un fonds de péréquation des rentrées publicitaires de tous les médias est indispensable. Ainsi, l'audiovisuel public et les télévisions associatives retrouveraient-ils une véritable liberté de programmation et la chaîne culturelle Synapse, dirigée par Antoine Spire, ne serait-elle plus réduite à solliciter le privé et les collectivités pour se constituer un budget. Ce fonds pourrait soutenir de telles initiatives.

L'explosion numérique constitue un autre défi. Si le privé maîtrise seul l'équipement des salles permettant la diffusion numérique des films en salle, il privilégiera les films les plus rentables, au détriment de la diversité. Une intervention publique, notamment par l'intermédiaire du CNC, doit permettre aux salles indépendantes des grands groupes de s'équiper et définir un cahier des charges préservant la diversité des films programmés.

Quelle philosophie pour ce budget ? Il faut, bien sûr, le lire à la lumière de la lettre de mission du Président de la République envoyée à la ministre de la culture. En 1959, dit-il, Malraux définissait ainsi les missions du nouveau ministère des affaires culturelles : « rendre accessibles les oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ».

Ce qui est oublié c'est le deuxième axe, celui qui vise à favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent. Il s'agit d'enrichir l'esprit collectif, pas les industries culturelles ou les annonceurs de type Coca-Cola, pour rappeler ce que disait M. Le Lay.

La prétendue sauvegarde des droits d'auteur ne sert que de cache-sexe à une répartition toujours plus favorable à ceux qui tirent profit de la vente des biens culturels. Or la culture est un partage, non une consommation

Les marchands s'intéressent à la diffusion culturelle parce que les taux de profits dans l'immatériel sont six à neuf fois plus élevés que dans les autres secteurs de l'industrie. Toute l'intervention de ce gouvernement vise à les favoriser sous prétexte de rayonnement de la France. Ce budget illustre cette philosophie.

Dans sa fameuse missive, votre mentor parle de « l'échec de l'objectif de démocratisation culturelle ». Certes, elle reste à poursuivre mais elle a permis un maillage du territoire sans précédent. La perfidie du Président consiste à présenter la satisfaction de la demande comme une priorité opposée à l'offre qui serait trop importante, d'où l'idée de réduire les professions. Et tous les moyens sont bons pour cela, notamment le harcèlement que subissent les intermittents de la part de certaines administrations. Nous ne cesserons de vous répéter que ce ne sont pas des délinquants.

Mais de quelle demande parle-t-on ? Des jeux vidéo ? De ce qui est « matraqué » comme étant le goût des citoyens ? En réalité, c'est toute la médiation culturelle qui a été sacrifiée. Le ministère Malraux était celui de la culture et de l'éducation populaire. Mais cette dernière a été oubliée, sacrifiée, notamment par la réduction des crédits aux structures de spectacle vivant que confirme ce budget et qui se traduit en priorité par la disparition de toute médiation vers les publics et les citoyens. Ces structures font face d'abord à leurs frais fixes et aux salaires.

Enfin, la lettre de mission évoque l'enseignement artistique et culturel à l'école. On est d'accord sur les principes, mais de quels moyens disposez-vous pour honorer les promesses ?

Monsieur le ministre, il en va de ce budget comme du reste de la politique du Gouvernement : il est soumis aux règles absolues du marché ; il ne favorise pas la création, ne respecte pas les créateurs. L'affectation des crédits éloigne les créations des citoyens ; elle n'offre pas les moyens d'une médiation culturelle, ni ne propose d'outil nouveau, un outil de rupture, pour favoriser la culture dans les médias. Pour toutes ces raisons et d'autres que je n'ai pas le temps de développer, le groupe de la gauche démocrate et républicaine votera contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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